La Revue du Vin de France

Un tour d’horizon très complet

-

Grande réussite des cabernets francs, floraux, racés, avec une très jolie douceur conférant corps et densité aux milieux de bouche. Avec, à l’arrivée, un très bon millésime sur la Rive droite, pas un grand. Des parallèles ? On entend beaucoup parler d’un “2012, en mieux” : même caractère frais et avenant, (un peu) plus de structure tannique. 2008 est aussi souvent évoqué, 2004, 2001 (ce qui est flatteur), voire 1988... Année faste en blancs Du côté des blancs, dans les Graves, tout le monde s’accorde sur la réussite incontesta­ble du millésime, avec un qualificat­if dominant : fraîcheur du fruit.

Les liquoreux, eux, affichent plus de richesse que l’an passé, et surtout des acidités et des pH jamais vus rendant les vins digestes. Par sa forte minéralité, Barsac équilibre mieux les vins aux liqueurs élevées qu’à Sauternes où l’opulence du terroir s’exprime très rapidement dès que le taux de sucre monte. Un millésime de grande garde dont on ne manquera pas de se délecter dès l’explosion aromatique du fruit de sa jeunesse. Primeur or not primeur ? Si tout le monde s’accorde à dire que les meilleurs vins de 2014 méritent l’intérêt des amateurs, se pose la question de leur achat en primeur. La partie de poker entre le négoce et la propriété a d’ailleurs débuté très tôt cette année, signe d’une réelle inquiétude sur la pérennité de ce système, rappelons-le unique au monde.

Les premiers annoncent la couleur : ils n’ont pas la trésorerie nécessaire pour amortir une hausse, même modeste. Gavés de 2013, 2012, 2011 et même de 2010 qu’ils n’ont pu revendre, les négociants sont, pour beaucoup, exsangues en terme de trésorerie. Une grande associatio­n de négociants

La RVF a mobilisé cinq membres de son comité de dégustatio­n pour réaliser ce dossier des primeurs 2014 : Pierre Citerne à Saint-Émilion, Axel Marchal à Pomerol, Olivier Poels dans le Médoc, Philippe Maurange dans les Graves et Roberto Petronio à Sauternes.

Durant trois semaines, ils ont sillonné le vignoble bordelais, visitant un à un tous anglais s’est même fendue d’un courrier adressé aux châteaux prestigieu­x réclamant un retour aux prix de 2008 !

Cette prose a été amèrement goûtée par les propriétai­res qui entendent jouer une autre partition. Arguant le fait que le millésime est bon, voire très bon, que les quantités produites sont, une fois encore, faibles et surtout que la parité monétaire est très favorable (l’euro s’est déprécié de près de 30 % face au dollar et aux monnaies asiatiques), beaucoup d’entre eux sont tentés de mettre la main sur le grisbi !

À condition qu’il y en ait un. Car comme toujours, la propriété bordelaise regarde midi à sa porte sans se soucier de l’intérêt général ni de celui de ses consommate­urs. Or, ces derniers sont échaudés, plus méfiants que jamais face au système des primeurs. La surprise de Robert Parker Pour comprendre, rappelons l’intérêt de ce système pour le client : lui permettre de trouver des marques très rares qui disparaiss­ent du marché en quelques semaines et surtout, de réaliser une certaine plusvalue entre le moment où le vin est acquis en primeur et celui où il sort en livrable.

Or depuis quatre ans, ces promesses se sont envolées. Le marché régurgite les grands crus. Cette dégustatio­n primeur, matérialis­ée ici par une note en fourchette (par exemple 18-19/20), apporte un premier éclairage très complet sur la qualité des vins du millésime 2014. Elle sera précisée dans deux ans, lors de la dégustatio­n de ces mêmes crus mis en bouteilles (à retrouver dans La RVF de septembre 2016 et septembre 2017). régulièrem­ent des caisses de 2010 à des prix égaux, voire inférieurs à ceux de la sortie primeur. Dans ces conditions, quel intérêt peut-il bien y avoir à avancer de la trésorerie durant deux années à des châteaux qui, pour certains, n’en manquent pas ?

L’absence cette année du célèbre critique et faiseur de cours américain Robert Parker achève de troubler le Bordelais. Ce dernier s’est offert le plaisir, avant de partir à la retraite, de lâcher une grenade dégoupillé­e sur la place de Bordeaux, déclarant ne plus croire au système des primeurs et réclamant à son tour une baisse significat­ive des prix. Une urgence : attendre Dans ce contexte, que peut faire l’amateur français ? À notre avis, attendre. Rien ne justifie de se positionne­r rapidement sur des achats primeurs. Seules les marques très raisonnabl­es en terme de prix, soit une augmentati­on de moins de 15 % par rapport à des 2013 qui n’avaient pas suffisamme­nt baissé, présentero­nt un intérêt en primeur. Si de nombreux 2014 méritent de figurer dans nos caves, tout indique que nous en retrouvero­ns beaucoup en livrable d’ici deux ans à des prix qui n’auront pas flambé, le millésime n’ayant pas de caractère spéculatif et le marché étant encore bien chargé. O. Pls avec P. Ci, A. M., P. M. et R. P.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France