Classement de Saint-Émilion : le jugement est imminent
Sept ans après l’annulation du classement de 2006, le tribunal administratif de Bordeaux osera-t-il déclarer illégal le nouveau classement 2012 ? Le vignoble est tétanisé en attendant le verdict.
La crainte d’une nouvelle annulation du classement de Saint-Émilion a-telle été trop forte ? À la surprise générale, l’audience du tribunal administratif de Bordeaux, initialement annoncée le 26 mai dernier, a été reportée… au 23 juin. « Comme si l’on ne voulait pas que le jugement soit rendu juste avant Vinexpo, de peur de provoquer un tsunami médiatique » , sourit un observateur de Saint-Émilion.
Sept ans après l’annulation par la justice du précédent classement de 2006, la crainte d’un nouveau couac envenime les esprits de la célèbre cité classée au Patrimoine mondial. Rue Guadet ou sur le parvis de la Collégiale, personne n’en parle. L’omerta dure depuis plus de deux ans et masque mal les enjeux économiques qu’une telle annonce impliquerait. « Personne ne veut faire de pronostic, tout le monde est glacé » , concède François Despagne, à Grand Corbin-Depagne.
Trois plaignants
Depuis la publication du dernier classement des grands crus de Saint-Émilion, en septembre 2012, trois propriétés, CroqueMichotte, Corbin-Michotte et La Tour du Pin Figeac, pas retenues, contestent les méthodes et les erreurs commises lors de l’instruction de leur dossier.
D’où leur plainte déposée en janvier 2013, au tribunal administratif, pour irrégularités. Vingt points litigieux ont été listés par les trois propriétaires éconduits. Depuis, ceuxci ont demandé en vain des éclaircissements à l’Inao. Mais l’institution, comme le syndicat viticole de Saint-Émilion ne les ont jamais entendus. « Nous demandons simplement depuis le début que l’on corrige les erreurs de notation responsables de notre déclassement » , s’étonne Lucile Carle, la flle du propriétaire de château Croque-Michotte.
Un sésame convoité
Après plus de deux ans d’instruction, le tribunal doit à présent rendre son jugement. Or, le classement de 2006 avait déjà été annulé par voie judiciaire pour des motifs comparables, suite à la plainte de plusieurs crus dont les trois plaignants actuels. « Si le tribunal se prononce pour une suspension, voire une annulation du classement, les conséquences seront lourdes pour l’appellation » , observe un courtier bordelais. Et pour de nombreux crus.
Grâce à son classement, une propriété voit sa valeur doubler et la cote de ses vins grimper. Or, pour obtenir ce sésame, les châteaux ont consenti de gros eforts fnanciers pour se rénover ! Depuis 2012, nombre de domaines fraîchement classés se sont donc endettés surfant sur leur reconnaissance toute neuve. Mais si le classement est annulé, seules les marques les plus fortes pourront absorber le choc.
« Si le tribunal se prononce pour une suspension du classement, certaines propriétés auront du mal à s’en relever. »
Plainte au pénal
Si le jugement donne raison, fn juin, aux trois plaignants, il alimentera aussi la plainte pour prise illégale d’intérêt déposée par les trois domaines en avril 2013. Cette plainte au pénal vise Hubert de Boüard (Angélus), président du comité régional et membre du comité national de l’Inao, tout comme Philippe Castéja (Trotte Vieille). Les plaigants reprochent aux deux hommes de n’avoir pas démissionné de leurs mandats lors de l’instruction des dossiers.
On voit pourquoi l’épilogue est tant redouté.