Red Mountain, l’incroyable aventure d’un vin birman
À Rangoon, les touristes occidentaux raffolent de ses vins. Le sacre d’un pari osé.
A-t-on jamais imaginé pire casse-tête pour faire du vin ? Commencer par puiser de l’eau à dix kilomètres dans les montagnes, à condition de construire un pipeline, puis un réseau de tuyaux pour irriguer les pieds de vigne. Procéder à deux tailles chaque année, mais à une seule vendange. Recruter une armée de petites mains pour dompter la vigne. Enfin, creuser une cave dans le flanc d’une colline, climatisée 24 heures sur 24.
La liste des défis techniques imposés par le pari fou de cultiver des vignes en Birmanie, près du majestueux lac Inlé, au coeur du pays Shan (centre), est loin d’être exhaustive.
Elle n’a pourtant effrayé ni Nay Win Tun, millionnaire proche de l’ancienne junte militaire, ni François Raynal, vigneron et baroudeur. Nay Win Tun, membre de l’ethnie locale Pao, a fait fortune dans le commerce des pierres précieuses. Il croit depuis longtemps au potentiel de cette pépite inconnue sous ces latitudes. À la fin des années 90, il s’était lancé dans une première tentative en compagnie d’un passionné allemand, qui finira par créer son propre vignoble (Aythaya). Nay Win Tun, lui-même, fondera le sien en 2002 : Red Mountain.
200 000 bouteilles
Il lui fallait une fine lame viticole, il a recruté le Français François Raynal. « J’ai simplement répondu à une annonce faisant état d’un poste à pourvoir en Orient » , raconte ce dernier. Nay Win Tun ne regarde pas à la dépense et, en 2005, une première cuvée de sauvignon blanc naît sur des coteaux argileux à 1 000 mètres d’altitude.
La production décolle rapidement : 20 000 bouteilles en 2008, 100 000 en 2009, plus de 200 000 aujourd’hui. Une douzaine de rouges, de blancs et de rosés composent la gamme d’un domaine s’étendant sur 75 hectares et employant à plein temps 150 personnes.
La production ne suffit cependant pas à répondre à la demande. À la faveur de l’ouverture du pays, les touristes occidentaux, Français et Allemands en tête, affluent et les restaurants s’arrachent ces crus exotiques. Conséquence : François Raynal ne parvient pas à faire vieillir la plupart de ses vins. Il a toutefois réussi à en mettre un de côté, son Shiraz Réserve 2013, issu de vignes âgées d’une dizaine d’années et vieilli deux ans en fûts de chêne.
En cette matinée printanière, dans sa cave climatisée, François Raynal le caresse amoureusement du regard : « Je crois que nous avons là quelque chose de bien » .