: Pascal Chatonnet OEnologue, chercheur et vigneron, il traque les défauts du vin
Le premier, il a percé le secret du goût de bouchon. Insatiable, cet oenologue, chercheur et vigneron démontre que certaines « expressions de terroir » cachent en réalité des défauts du vin.
La Revue du vin de France : Vous êtes l’un des chercheurs les plus reconnus en oenologie. La science doit-elle traquer les défauts du vin ou développer ses qualités ? Pascal Chatonnet : Beaucoup de chemin reste à parcourir avant d’imaginer développer les qualités d’un vin. En revanche, certains défauts rédhibitoires altèrent trop souvent son goût. Nous devons continuer à tenter de les éliminer. L’origine de ces défauts se cache parfois dans le raisin mais aussi dans le liège des bouchons, le bois des caves, les peintures et vernis, tous les matériaux qui sont en contact direct ou indirect avec le vin, via l’atmosphère des chais. Voilà les pans d’expertise du laboratoire que j’ai créé avec mon associée, Dominique Labadie. La RVF : Pouvez-vous nous décrire les principaux défauts que l’on rencontre aujourd’hui dans le vin ? P. C. : Le plus connu est sans aucun doute le tristement célèbre goût de bouchon. Nous avons au départ contribué à identifier les molécules qui produisent ces odeurs caractéristiques, les trichloroanisoles que l’on appelle aussi TCA. La source de contamination était le liège du bouchon. Mais au début des années 1990, nous avons découvert que certains goûts de bouchon, certaines notes moisies et poussiéreuses pouvaient aussi être issues d’autres molécules de la même famille, cette fois d’origine environnementale. Cela n’a pas été toujours bien accueilli. Au milieu des années 1990, de grands noms de la viticulture m’ont gentiment fait remarquer que le vin était « depuis toujours » affecté par ces tares et que l’on pouvait peut-être considérer ces défauts comme faisant partie d’une certaine typicité. Preuve que l’on peut faire dire n’importe quoi à la typicité... Le second défaut que l’on rencontre fréquemment, moins incommodant, sont les brettanomyces, une levure que les vignerons et les connaisseurs appellent communément “les bretts”. La RVF : De quoi s’agit-il ? Comment les reconnaît-on ? P. C. : En bouche, les bretts apportent ces notes que l’on qualifie d’animales : arômes de cuir, de sueur de cheval. Lorsque les concentrations sont importantes, elles évoluent vers des notes d’urine de cheval. Ces déviations ont longtemps été associées par méconnaissance à un goût de “terroir” ! Aussi bizarre que cela puisse paraître, il n’est pas toujours évident de savoir si l’on se trouve face à un défaut ou pas. Certains dégustateurs continuent de les apprécier. L’étude des bretts été le deuxième champ de mes recherches, menées à l’époque avec Denis Dubourdieu. Nous avons pu démontrer que les arômes de cette famille de molécules, les éthyl-phénols, n’étaient pas du tout liés au terroir mais le fait du développement d’une levure particulière, les brettanomyces.