Guebwiller, en Alsace
Accrochée à des collines pentues, Guebwiller est la seule commune d’Alsace à compter quatre Grands crus. Un privilège mérité.
C’est grâce à ses vins que Guebwiller (Haut-Rhin) devient l’une des villes les plus importantes d’Alsace au XIIe siècle. Des vins mis en avant dans les écrits qui, au XVIe siècle, commencent à mentionner des noms de lieux-dits, tels que la Wanne (Grand cru Kessler). Les vignerons commercialisent leurs vins sous le nom du lieu-dit à partir de 1830, mais ce n’est qu’en 1983 que le classement en Grand cru officialise le rang de ces terroirs viticoles. Quatre d’entre eux sont alors distingués dans la commune de Guebwiller : Kessler, Kitterlé, Saering et Spiegel (*).
Le vignoble de Guebwiller est le fruit d’un immense travail. Il s’étage en effet entre 250 et 390 m d’altitude grâce à des terrasses soutenues par 50 km de murs de pierre. Les pentes sont parfois vertigineuses, notamment dans le Kitterlé et le Kessler où elles atteignent 50 %.
Les vignes de la région se trouvent sur le versant est des Vosges, une véritable barrière naturelle qui limite les influences océaniques et renforce la continentalité du climat et les sommes de températures efficaces pour la plante. Le massif offre une protection contre les vents humides et frais du nord-ouest (la pluviométrie annuelle moyenne est de 600 mm). Microclimats et expositions Le Grand cru Kitterlé dessine un éperon rocheux exposé aux vents sur le massif de l’Unterlinger, à la sortie de la vallée de la Lauch. Les sols gréso-volcaniques sont très pauvres, légers, sablonneux et très drainants. Les vignes qui s’étagent entre 270 et 360 m d’altitude peuvent être exposées au sud, au sud-est ou au sud-ouest. « Les différentes expositions et les microclimats qui leur sont associés marquent beaucoup la personnalité des vins, souligne Jean-Jacques Loberger (Domaine Loberger, Bergholtz). Nous préférons généralement le riesling
exposé à l’est et au sud-est et le pinot gris exposé au sud-ouest car le soleil du soir a tendance à gommer l’acidité des raisins », poursuit Jean Dirler (Domaine Dirler-Cadé, Bergholtz).
L’influence de l’exposition se combine avec celle du sol, dont la nature et la structure sont très variables compte tenu de la complexité de la géologie régionale. On trouve par exemple des sols volcaniques dans la partie du Kitterlé la plus proche du Schimberg, alors qu’ils sont gréseux près du Saering. Le riesling choisit son brouillard ! Les vignerons profitent des divers terroirs pour offrir à chaque cépage les conditions de maturation les plus favorables. Ainsi, le riesling du domaine Schlumberger est planté en haut du coteau, près des bois. « En plus des bienfaits de l’altitude, cela est très positif car le brouillard qui descend le versant passe au-dessus des hauts de parcelles et se dépose plus bas dans le coteau. Or le riesling n’aime pas ce brouillard ! », explique Séverine Schlumberger, représentante de la septième génération de la famille propriétaire d’une grande partie du vignoble de la commune.
Les vins du Kitterlé sont marqués par leur tension et leur finesse. Ce sont par ailleurs des vins que l’on doit attendre plus que les autres, environ huit ans.
À la frontière sud-est du Kitterlé, le Grand cru Saering se distingue par ses pentes plus douces et sa forme de dôme détaché de l’assise rocheuse de l’Oberlinger. Un dôme calcaire sur lequel se sont déposés des conglomérats à galets gréseux du Buntsandstein et des débris de roches granitiques. Le sol marno-calcaro-gréseux à cailloutis est assez lourd et il laisse parfois affleurer la roche calcaire du Jurassique. « C’est la butte calcaire qui est le véritable coeur du Grand cru. Je trouve que le plateau en contrebas ne donne pas d’aussi beaux résultats » , souligne Séverine Schlumberger.
Le soleil du soir gomme l’acidité des raisins