Éditorial,
« Et sur Internet ? Vous avez sûrement des adresses pour trouver de belles affaires moins chères... » Pas de doute, la vente de vin en ligne nourrit les fantasmes. Et même une certaine frénésie. On estime qu’un nouveau site dédié à la vente de vin ouvre chaque mois en France. « Et si l’on ajoute les sites des domaines viticoles, on atteint vite les 10 000 sites marchands dans le pays » , certifie un professionnel.
Mais Internet est-il toujours fiable ? Et surtout, combien de belles bouteilles à prix intéressants sont réellement disponibles sur la Toile ? Notre dossier dédié à l’achat en ligne de vieux millésimes éclaire le sujet sous un angle nouveau. Premier constat, vendre du vin sur Internet en gagnant sa vie est un métier rudement compliqué, constate Florentine MählerBesse qui a mené l’enquête.
La débâcle retentissante du site 1855.com ou la fermeture surprise de vin-malin.fr (le site a été repris depuis) ont rappelé aux consommateurs que le commerce du vin en ligne demeure une équation délicate : comment en effet livrer du vin à domicile en étant moins cher et aussi rentable qu’un hypermarché ou un caviste chez qui le client se déplace pour venir chercher ses flacons ?
Selon Bernard Le Marois, l’expérimenté patron et copropriétaire du site wineandco.com, les vendeurs en ligne qui se distinguent maîtrisent trois éléments : 1) Ils savent sécuriser leurs approvisionnements, ce que les spécialistes appellent le sourcing. 2) Ils maîtrisent au millimètre leur logistique. Un sacré casse-tête puisqu’à la différence d’un magazine jeté dans une boîte aux lettres, une bouteille de vin se brise ou se vole facilement. 3) Ils investissent lourdement dans le marketing, notamment la gestion des fichiers clients.
Les deux derniers points sont cruciaux, le premier est le nerf de la guerre. Les approvisionnements établissent en effet une frontière invisible entre les vendeurs de vin. Les propriétaires de domaines ou les négociants qui se lancent dans la vente de vin en ligne ont l’avantage de cumuler plusieurs marges : celle du producteur ou celle du négociant et celle du distributeur. C’est le modèle le plus rentable et aussi le plus rassurant pour les consommateurs, celui de Millésima ou de Duclot (chateaunet.com), deux maisons spécialisées dans les bordeaux. C’est aussi l’idée du groupe Advini : en s’offrant le vépéciste Club Français du Vin, ce producteur et négociant devenu global va gagner davantage en vendant lui-même ses vins. Et sa fiabilité s’en trouvera renforcée.
En face, des sites comme vinmalin.fr ou 1855.com achetaient leurs vins au prix fort. Ils ne pouvaient compter que sur la seule (maigre) marge de la distribution. Un modèle assurément plus fragile.
Dès lors, les magnats du vin déjà largement dotés sont-ils assurés de gagner la bataille de la vente en ligne ? Pas si sûr. Notre enquête démontre en effet qu’il reste une place pour de petites structures hyper spécialisées, animées par des passionnés, parfois les membres d’une même famille. La sélection de vieux flacons et le service de qualité offerts par des sites tels que millesimes.com, comptoir de smillé sim es.com, hospicesdebourgogne.com ou encore sodivin.com méritent un coup de chapeau. Leur modèle artisanal, leur foi profonde en leur métier qui rappelle celle des meilleurs domaines viticoles, font la réputation et l’attrait de la France.