JEAN-CLAUDE ELLENA LE NEZ D’HERMÈS PARLE DU VIN
Malle, Van Cleef & Arpels, Hermès… Il a créé les plus grands classiques de la parfumerie française. Cet expert des fragrances nous dévoile les complémentarités entre parfums et vins.
La Revue du vin de France : Votre odorat a été formé très tôt par votre père, parfumeur à Grasse. Sentir le vin avant de le boire, un premier plaisir ? Jean-Claude Ellena : Mon père nous invitait, mon frère et moi, à sentir chaque aliment avant de manger ou boire. Ce n’était pas grand-chose, mais il y avait le plaisir de respirer, réfléchir un peu et non engloutir. Il nous invitait à une pause, même courte, pour savourer. J’ai fait la même chose avec mes enfants, qui font de même avec leurs propres enfants. Comme une convention familiale, une sorte de religion de la pause avant de manger. C’est une démarche esthétique. Rien de tel pour acquérir les premières bases olfactives d’un parfumeur. Là, c’est le goût du brûlé, du sucré, de l’amer. On en comprend toute la subtilité et l’utilité plus tard. Mon petit-fils qui a 19 ans se fait un plaisir, pour draguer les filles, de montrer comment il sait goûter et parler de ce qu’il déguste. C’est un argument, un bon hameçon, je te serre par le plaisir des sens ! La RVF : Votre première expérience du vin ? J.-C. E. : Je ne suis pas un spécialiste. Mes parents, mes grandsparents avaient pour habitude, dès qu’on avait 7 ou 8 ans, de nous faire goûter un peu de vin. C’était pour nous, enfants, une façon d’aborder le plaisir de l’interdit. Plus tard, vers une vingtaine d’années, j’ai pu fréquenter des adultes plutôt fortunés qui débouchaient de belles bouteilles. Je me souviens avoir bu un Cheval Blanc 1947 – l’année de ma naissance – à Genève. Ah ! je l’ai encore en tête. Puis cela a été une succession de découvertes, souvent grâce à des amateurs qui m’ont invité à partager le goût du vin. La RVF : Quelles sont les différences entre le parfum et le nez d’un vin ? J.-C. E. : J’ai deux secondes pour séduire la personne qui va se parfumer. Le vin, on peut le tourner dans le verre, il y a un rituel, on peut l’approcher en plusieurs temps ; il y a une démarche érotique qui me paraît plus intéressante. L’autre différence, c’est le partage. On ne partage pas son eau de toilette, on partage une bouteille de vin. Ce n’est pas la même dialectique. Nous échangeons des mots sur un vin que nous partageons, qui nous unit. Le grand plaisir du vin, c’est ça. On se différencie aussi sur la complexité. Dans le vin, l’homme se rajoute au goût. Le raisin, si je l’analyse, c’est de l’ordre de 300 à 400 molécules. Travaillé par l’homme, quand il devient vin de garde, il passe à 1 800 molécules. L’homme s’est rajouté à la nature, lui a donné sa richesse, sa complexité, son humanité. La RVF : C’est donc tellement différent dans le parfum ? J.-C. E. : En tant que parfumeur, à l’inverse, je cherche à simplifier, travailler avec seulement une vingtaine ou une trentaine de
Quand j’ai créé In Love Again, je voulais la verdeur et le fruité d’un sancerre
Prénom : Jean-Claude. Nom : Ellena. Né le : 7 avril 1947.
Profession : parfumeur exclusif de la maison Hermès depuis 2004, créateur de classiques de la parfumerie comme First de Van Cleef & Arpels, Déclaration de Cartier, mais aussi Terre d’Hermès et Un Jardin sur le Nil pour Hermès. Il vit et travaille sur les hauteurs de Grasse.
Signes particuliers :
Ses plus beaux vins :
ce “nez” a développé une capacité hors du commun pour reconnaître et analyser les odeurs, les mémoriser de façon précise pour s’en servir dans ses compositions. « La parfumerie, comme tous les métiers d’art, a pour objet de créer des produits dont la finalité est avant tout le plaisir des sens » , dit ce “maraudeur d’odeurs”, auteur du Que sais-je ? sur le parfum, du Journal
d’un parfumeur et du roman La Note verte. Château Pavie 1999, Château Beaucastel blanc 2002, chambolle-musigny 1er cru 1992 de Faiveley.