La Revue du Vin de France

BORDEAUX PUISSANCE 6

Ce nombre parfait lui porte chance

- Par Olivier Poels

Le vignoble bordelais s’est illustré dans son histoire avec de grands millésimes terminant en 6 : 1966, 1976, 1986, 1996 et même 2006. Logiquemen­t 2016 va entrer dans la légende, mais comment vieillisse­nt ces millésimes historique­s ? Réponse dans cette dégustatio­n magique.

Lors de la dernière campagne des primeurs, les dégustateu­rs du monde entier venus goûter les 2016 n’ont pas manqué de faire l’analogie avec l’histoire des millésimes en 6 qui, comme ceux terminant en 5, regroupent une série de grandes années. Le temps a donné raison à ces vins qui traversent les décennies avec distinctio­n.

Aujourd’hui, les vignerons bordelais voient dans le millésime 2016 une splendeur. Pour les plus enthousias­tes, c’est le plus grand millésime produit à Bordeaux depuis le début du millénaire. Pourtant, la première moitié de l’année, très pluvieuse, n’augurait rien de bon. Mais à partir de juin, le ciel s’est éclairci : le beau temps a duré jusqu’aux vendanges. Les pluies de septembre ont ensuite permis aux raisins d’achever leur maturation dans d’excellente­s conditions.

Si 2006 ne jouit pas de cette aura, il se porte bien mieux qu’espéré, à l’ombre du prestigieu­x 2005. Et les millésimes plus anciens, comme 1996, 1986, 1976 ou 1966, comment se présentent-ils aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, le négoce bordelais Duclot a aligné sur une table de dégustatio­n 80 Grands crus bordelais, afin de remonter le temps sur cinq décennies : 2006, 1996, 1986, 1976 et 1966.

Cinquante vins ont été retenus, qui forment un beau panorama de ces millésimes emblématiq­ues. En introducti­on de chaque millésime, vous retrouvere­z les conditions climatique­s qui ont marqué cette année.

2006

Un hiver très froid, un printemps pluvieux, parfois chaud et sec : la floraison rapide offre l’espoir d’un beau millésime. Succédant à juillet, sec et chaud, août, froid et pluvieux, bloque les maturités des rouges. Après des premiers jours ensoleillé­s, la pluie abondante de septembre fait craindre le pire. Le retour du beau temps, à la fin du mois permet aux plus talentueux de sortir un grand millésime.

18/20 CHÂTEAU HAUT-BRION

Plein et charnu, il libère de beaux arômes nobles de fruits et de fumé. Sa bouche ample et raffinée termine sur des tanins de grande noblesse.

18/20 CHÂTEAU LÉOVILLE LAS CASES

Des notes de fruits très mûrs, du volume, de la puissance. Les tanins sont magnifique­s et l’allonge superbe. Attendez-le encore un peu…

18/20 CHÂTEAU PICHON LONGUEVILL­E BARON

Une fois encore, il allie raffinemen­t et puissance, avec une élégance qui force le respect. La qualité des tanins est grandiose.

18/20 VIEUX CHÂTEAU CERTAN

Superbe de raffinemen­t de plénitude, avec un fruit suave et soyeux. L’ensemble est fondu, persistant et superbemen­t constitué.

17,5/20 CHÂTEAU CHEVAL BLANC

Très joliment constitué, dans un esprit raffiné, digeste et gourmand. La bouche est bien équilibrée, avec de la tension et une finale souple.

17,5/20 CHÂTEAU LA MISSION HAUT-BRION

Plus accessible que son voisin, il offre un superbe velouté de bouche et une trame tannique fine. Déjà en place, son avenir est très prometteur.

17/20 CHÂTEAU ANGÉLUS

Il porte l’ampleur et la maturité du millésime, avec un boisé vanillé qui ne s’est pas encore fondu. Exubérant, il va gagner en raffinemen­t avec quelques années de cave.

17/20 CHÂTEAU LA CONSEILLAN­TE

Il possède du fond, de la rondeur et surtout une superbe suavité. Un vin de très noble expression qui se livre déjà très bien.

17/20 CHÂTEAU COS D’ESTOURNEL

Un vin de grande ampleur, avec un boisé qui le couvre encore un peu, mais la matière est très énergique. Il devrait gagner en équilibre.

17/20 CHÂTEAU GRAND-PUY-LACOSTE

Un très joli classique qui affiche du fond et une matière très élégante. Il présente un admirable grain de tanin et une finale digeste à souhait.

17/20 CHÂTEAU HAUT-BAILLY

D’une forme admirable, avec de la droiture, mais sans austérité, ce 2006 affiche une forme classique au bon sens du terme et une très jolie allonge élégante.

17/20 CHÂTEAU LÉOVILLE BARTON

Il possède le charme habituel du cru, délicat et soyeux à la fois, avec un fruité acidulé, très digeste et harmonieux. Un vin déjà irrésistib­le.

16,5/20 CHÂTEAU BRANE-CANTENAC

Il affiche une belle densité, mais aussi le raffinemen­t qu’on attend de lui. Un bordeaux plein et persistant, tout en raffinemen­t.

16,5/20 CHÂTEAU GAZIN

Il offre un grand raffinemen­t dans sa structure élégante. Un magnifique classique de Pomerol.

16,5/20 CHÂTEAU GISCOURS

Le vieillisse­ment va toujours bien à Giscours : le vin prend une superbe patine et possède un volume de bouche très séduisant, sans manquer ni de classe, ni de raffinemen­t. Une très jolie cuvée

16/20 CHÂTEAU D’ISSAN

Tendre et souple à la fois, c’est un margaux classique et séduisant. Un vin qui n’affiche pas une grande puissance, mais une magnifique délicatess­e.

16/20 CHÂTEAU PAVIE

Dès le nez, il se montre serré, mais racé. La bouche est compacte, encore ramassée, avec une masse tannique très imposante. Difficile de ne pas s’interroger sur la faculté de cette bouteille à digérer ce flot de tanins.

16/20 CHÂTEAU SMITH HAUT-LAFITTE

Mûr, très plein et pas tout à fait départi de son boisé, il déploie aussi une note animale qui le prive d’un raffinemen­t exemplaire.

15,5/20 CHÂTEAU NÉNIN

Travaillé à la médocaine, avec une matière dense et encore très ferme, Nénin 2006 affiche du potentiel, mais ne s’est pas encore ouvert pour l’instant. Une cuvée à suivre.

15,5/20 CHÂTEAU ROUGET

Il est joliment constitué, avec du fond et une matière solide. Encore un peu ferme en finale, il devrait gagner en soyeux avec un peu de patience.

14,5/20 CHÂTEAU LA VIOLETTE

Un vin d’une très grande densité, au fruit qui sucre la bouche. Hélas, le boisé étouffe totalement la matière…

1996

Millésime plus précoce que 1986, avec une floraison effectuée au début du mois de juin, 1996 s’illustre par un début d’été à la fois frais et couvert jusqu’au 13 juillet. Ensuite le temps est sec et très chaud (canicule le 15 août), avant que des pluies ne surviennen­t à la fin du mois d’août. Les vendanges débutent lors de la troisième semaine de septembre, par un temps couvert. Les premiers jours d’octobre sont marqués par d’importante­s pluies. À partir du 4 octobre, le soleil s’installe pour le reste du mois. Les vendanges se terminent dans les meilleures conditions.

19/20 CHÂTEAU PICHON LONGUEVILL­E BARON

Difficile de résister à la classe magnifique de ce très grand vin. La bouche est ample, puissante et raffinée. Déjà irrésistib­le aujourd’hui, il semble avoir une éternité devant lui.

17,5/20 CHÂTEAU MONTROSE

Ferme mais profond, il entrouvre à peine la porte. La matière est dense, mais pas encore harmonisée. Oubliez-le quelques années en cave.

17/20 CHÂTEAU BRANAIRE-DUCRU

Quelle tenue et quel volume dans ce 1996 ! Un superbe classique, à la fois flamboyant et très racé. La bouche est pleine, l’allonge se révèle admirable.

17/20 CLOS DU MARQUIS

Il évolue lentement, mais avec une grâce folle. Un vin racé et droit à la précision remarquabl­e, dont l’intensité de saveurs se révèle digne d’un beau cru classé.

16,5/20 CHÂTEAU PICHON LONGUEVILL­E COMTESSE

Un peu plus austère qu’à son habitude, il offre du fond et de la forme, s’étire bien et propose une finale gourmande. Il lui manque peut-être un peu d’épaisseur.

16/20 CHÂTEAU PAVIE MACQUIN

La bouche est marquée par une matière généreuse et opulente. Le boisé semble proposer un petit écho à la finale, avec une pointe lactique.

15,5/20 CHÂTEAU BEYCHEVELL­E

Encore un peu serré, il affiche déjà du style et une bouche qui conserve de la persistanc­e. Une jolie élégance et une finale en demi-puissance.

15,5/20 CHÂTEAU POTENSAC

Il démontre son admirable capacité au vieillisse­ment. Le vin est sanguin, sapide et gourmand, avec encore une très belle tenue.

15,5/20 CHÂTEAU RAUZAN-SÉGLA

Derrière une petite note sauvage, un vin de belle tenue, construit sur une trame droite et de la vigueur. Jolie finale sur des tanins gourmands.

14,5/20 CHÂTEAU CLOS FOURTET

Ce 1996 affiche une jolie trame. Sa bouche demeure droite et précise, tandis que sa finale est encore marquée par des tanins un rien austères. Il faut encore patienter un peu.

1986

Un millésime peu précoce. Le printemps est frais, et la vigne ne fleurit qu’autour du 19 juin, lorsque le temps est redevenu clément. L’été est chaud et extrêmemen­t sec, battant les records de sécheresse. Les pluies de septembre gonflent les baies. La vendange, qui commence en octobre pour les merlots, est volumineus­e. Elle se termine à la fin du mois d’octobre, dans d’excellente­s conditions.

17,5/20 CHÂTEAU LYNCH-BAGES

Une superbe classe pauillacai­se en bouche pour ce vin aristocrat­ique et puissant. Il porte la petite sévérité du millésime, mais sans excès. Il ne semble pas encore être en bout de course.

17,5/20 CHÂTEAU PAPE CLÉMENT

Cendré et fumé, il affiche une bouche pleine d’éclat et de volume. Un vin superbe de distinctio­n et de race, qui a su parfaiteme­nt évoluer. Ce 1986 offre beaucoup de plaisir.

17/20 DOMAINE DE CHEVALIER

Encore tendu et doté d’une bouche droite. Il joue sur la rigidité, mais avec une jolie tenue et de la vigueur. Un classique aujourd’hui parfaiteme­nt à point, que la table saura magnifier.

16,5/20 CHÂTEAU CLINET

Un magnifique séducteur aux notes délicates de truffe et de sous-bois. La bouche est en forme et élégante, avec de la persistanc­e.

16,5/20 CHÂTEAU GRAND MAYNE

Dans un registre très mûr, il exhale une pointe de menthol et des notes de fruits noirs. La bouche est enrobée, avec du gras. Très séduisant.

16/20 CHÂTEAU SIRAN

Ce 1986 est encore très en forme et offre de la fermeté, tout en affichant une belle élégance margalaise. Ses tanins ne sont pas encore totalement fondus et la finale du vin demeure fraîche.

15,5/20 CHÂTEAU CHASSE-SPLEEN

Dans l’esprit du cru, ce vin se présente dans un registre plus fin et raffiné que puissant. La bouche est savoureuse et les tanins désormais bien fondus.

15/20 CHÂTEAU GLORIA

Dense et sauvage. Une petite note animale lui confère du relief, mais le prive aussi de la netteté des meilleurs.

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 ??  ?? Cette dégustatio­n confirme les qualités des millésimes en 6, tout en rappelant la règle qui s’attache toujours aux vins de Bordeaux : il faut les attendre pour mieux en jouir.
Cette dégustatio­n confirme les qualités des millésimes en 6, tout en rappelant la règle qui s’attache toujours aux vins de Bordeaux : il faut les attendre pour mieux en jouir.

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