La tireuse s’empare du vin
Le vin à la tireuse va-t-il détrôner la bière à la pression ? Le concept qui cherche à redémocratiser les vins plaisirs pourrait bien séduire les zincs.
Servir un verre de vin comme on tire un demi de bière à la pression, en voilà une drôle d’idée ! « J’ai dû faire dixsept banques avant de voir mon projet de financement accepté », explique Antoine Oran, pionnier du canon servi à la tireuse dans son établissement lyonnais désormais bien connu : les Assembleurs.
Le concept ? Oran et ses équipes vont chercher dans le vignoble des jus qu’ils assemblent eux-mêmes dans des fûts de nouvelle génération. Ceux-ci sont ensuitebranchéscommedesfûtsàbière sur les becs de l’établissement, et distribués au client, au verre ou à emporter, comme les cubitainers d’autrefois.
« Mon idée, c’est que 90 % des vins servis à la bouteille sont bus dans l’année. Ce sont des vins plaisirs. Il faut en redémocratiser la consommation » , détaille l’entrepreneur, dont le prix au verre plafonne à 5 euros.
UNETENDANCEVENUEDENEWYORK
Julien Maillet, patron de la Liquiderie dans le quartier de Belleville, à Paris, spot de vins tendance “nature” en vrac, a également ouvert un bar à vins de six becs. Ses vins sont assemblés chez des vignerons partenaires. « Par exemple, nous venons de mettre en fûts six cuvées spéciales sur mesure chez Anthony Tortul,
La Sorga en Languedoc » , détaille-t-il. Et les tarifs sont doux, entre 3 et 5 euros, une façon pour lui de protester contre certaines marges prohibitives. Goguette, Les Grands Verres, Rosa Bonheur, Soif… Ils sont encore rares en France à épouser cette tendance née aux États-Unis avec, entre autres, le célèbre Loïs dans l’East Village à New York qui sert ses cuvées à la pression dans des verres à eau !
ÉCOLOGIQUEETRENTABLE
Tous louent les qualités de l’invention. L’empreinte carbone est divisée par trente. « Un fût pèse 1,2 kilo, soit l’équivalent de 27 bouteilles » , explique Antoine Oran. Ce fût revient aussi moins cher (une centaine d’euros pour le professionnel) et permet de conserver les jus plus longtemps qu’un BIB. Six mois s’il est ouvert, trois ans s’il reste en cave.
Bien sûr, cette invention a ses limites. Dans cet environnement étanche, le vin n’évolue pas. Tout comme ses avantages. On peut minimiser l’apport en soufre.
Quoi qu’il en soit, elle a déjà séduit de grands noms du vignoble, tels les Perrin à Châteauneuf-du-Pape qui l’utilisent pour exporter certaines de leurs cuvées aux États-Unis. Chez Loïs, peut-être ?
Le 3 juin prochain, si tout va bien, le gouffre de Padirac accueillera des visiteurspascommelesautres.Pasmoinsde 500bouteilleset25magnumsdeProbus, le fameux cahors signé Jean-Luc Baldès (Clos Triguedina), seront mis à l’élevage à 100 mètres sous terre.
Lubie de vignerons décidés à imiter les multiples expériences menées en grottes ou sous la mer ? Non ! Il s’agit de célébrer l’anniversaire de la découverte du plus fameux des complexes souterrains naturels avec la création d’une “Cuvée des 130 ans”, qui bénéficiera de conditions idéales (13° C et 98 % d’humidité en permanence) afin d’être régulièrement dégustée pour juger de son évolution particulière.
L’idée est née d’une rencontre il y a deux ans entre Laetitia de Ménibus, la directrice de Padirac, et Jean-Luc Baldès. Le fameux vigneron avait d’abord rêvé élever ses vins… dans l’espace, mais il n’a pas réussi à convaincre Thomas Pesquet, le plus connu des spationautes. Un cahors siglé Padirac, site mondialement connu, ce n’est pas si mal. B. S.