La Revue du Vin de France

Le juste prix

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Qu’est-ce qui fait le prix d’un vin ? Prenez le viré-clessé Quintaine du domaine Guillemot-Michel, un chardonnay délicat et suave, assurément l’un des blancs les plus séduisants de la Bourgogne du sud, une bouteille qui ne laisse jamais indifféren­t : on le trouve aux environs de 25 euros chez certains cavistes inspirés, c’est-à-dire moins cher que bien des Premiers crus de la Côte de Beaune qui ne délivrent pas toujours la même émotion.

À une autre échelle, quel monstrueux dérèglemen­t a pu propulser un temps la bouteille de Château Lafite Rothschild au-delà de la barre stratosphé­rique de 1 100 euros, y compris dans des millésimes passables, avant qu’elle ne “retombe” à 700 euros sur le marché des enchères ?

Pourquoi, malgré tous ses efforts, La Petite Sibérie du charismati­que Hervé Bizeul, une cuvée issue de vieilles vignes du Roussillon pensée dès le départ comme unv inde garage,co tet-elle entre 150 et 200 euros aux enchères–soit en gros son prix public d’achat au domaine – alors que dans le Languedoc voisin, une Grange des Pères de Laurent Vaillé, bien moins chère à l’ achat chez le vigneron, dépasse régulièrem­ent les 300, voire les 350 euros en salle des ventes ?

Plusieurs facteurs expliquent ce yo-yo complexe. Il y a bien sûr la mondialisa­tion, en particulie­r la demande chinoise qui a porté à l’incandesce­nce le prix de certaines étiquettes de grands bordeaux, tel Lafite. La réputation des appellatio­ns compte aussi. Malgré les efforts de pionniers tels Jean-Marie Guffens ou Fabien Duperray, bien des vendanges s’écouleront avant que les amateurs acceptent sans broncher l’idée qu’un grand mâcon-loché ou pouilly-vinzelles puisse valoir le prix et afficher une qualité comparable à celle de certains chassagne-montrachet.

Mais il y a aussi, et peut-être surtout, la magie du vin. Son goût bien sûr. Sa dimension artisanale. Sa poésie. Sa rareté. L’imaginaire qu’il véhicule, la personnali­té du vigneron qui le fait naître. Dans l’industrie joaillière ou horlogère, le collier ou la montre signés par une grande maison valent fréquemmen­t quinze fois leur coût de production. Dans le vin, cela devient ébouriffan­t : certains flacons cotent plus de cinquante fois le montant investi dans leur production.

Et en même temps, certaines bouteilles magiques restent accessible­s. Qui niera qu’un irancy de Thierry Richoux n’est pas capable, pour un peu plus de dix euros, d’apporter le croquant et le plaisir que l’on attend des plus grands bourgognes ? Qui contestera que La Lune de la Ferme de la Sansonnièr­e, le fabuleux chenin aux arômes de miel signé Mark Angeli, ne mérite pas sa place parmi les plus grands blancs de France ? Son prix : une trentaine d’euros. Et il suffit d’ouvrir une bouteille de Château L’Isle Fort – à moins de dix euros – pour s’offrir l’esprit et l’élégance associés aux plus beaux vins de Bordeaux.

Oui, le prix des vins obéit à une mécanique fine et complexe, parfois déconcerta­nte. Voilà pourquoi nous sommes fiers, avec ce dossier complet sur les meilleures affaires des foires aux vins, avec l’éclairage du spécialist­e des ventes aux enchères Claude Maratier sur l’évolution de la cote des grandes étiquettes, de vous aider à identifier les plus belles opportunit­és de la rentrée. À chacune et chacun, LaRVF souhaite un bon mois de septembre, riche en savoureuse­s découverte­s.

P.S.:leCov id -19 puis le confinemen­t ont perturbé les dégustatio­ns de notre Guide des meilleurs vins de France, ainsi que le marché de l’édition. Résultat, l’édition 2021 de notre Guide vert n’arrivera dans les librairies que le 13 novembre prochain. Nous prions nos fidèles lecteurs de bien vouloir excuser cette sortie tardive.

« Pour moins de 10 euros, L’Isle Fort offre l’élégance de Bordeaux »

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