Afrique du Sud, un nouveau cap
Une sélection des meilleurs domaines du pays des Springboks
Le vignoble des Springboks a connu plusieurs crises au cours de son histoire. À chaque fois, il a su se relever. Cette force vitale se retrouve aujourd’hui dans la capacité de jeunes winemakers à dessiner l’avenir de l’un des plus anciens vignobles du Nouveau Monde. Par Pierre Vila Palleja
Lorsque le navigateur hollandais Jan van Riebeeck a planté le premier cep dans ce qui allait devenir la ville du Cap en 1655, il ne se doutait pas qu’il allait être le père de l’une des aventures viticoles les plus palpitantes au monde. À l’époque, chenin, pontac, sémillon et muscat sont produits pour la table et assemblés dans les vins qui ravitaillent bientôt les bateaux de la Compagnie des Indes orientales. Très vite, les vins d’Afrique du Sud acquièrent une solide réputation et sont servis dans toutes les cours d’Europe. Napoléon, par exemple, buvait du vin de Constance lors de son exil à Sainte-Hélène.
Cet âge d’or des vins fortifiés et des brandys (eaux-de-vie de vin) prend fin avec le phylloxéra en 1886. Pour se relever, les vignerons sud-africains choisissent au début du XXe siècle de replanter des cépages à hauts rendements, quitte à produire trop et surtout des vins médiocres.
Résultat, une nouvelle crise économique ne tarde pas à éclater. Pour y faire face, la Koöperatieve Wijnbouwers Vereniging van Zuid-Afrika (lire encadré p. 221) est créée en 1918. Son rôle : réguler la production viticole sud-africaine. Mais cette régulation et l’isolation du pays en raison de l’Apartheid éloignent ces vins des marchés internationaux jusqu’en 1992, après l’abolition de cette politique de ségrégation raciale.
NEUVIÈMEPRODUCTEURAUMONDE
Depuis, les vignerons sud-africains se sont ouverts au monde, certains en proposant des vins faciles et commerciaux, d’autres en copiant les standards “modernes”, avec des vins concentrés, riches et parfois trop boisés, utilisant des cépages “internationaux”. Un cocktail servi par une oenologie interventionniste : enzymes, levures et hauts niveaux de SO2. Ces
vins ont connu un vrai succès grâce à un rapport prix/plaisir très compétitif dû au coût peu élevé de la main-d’oeuvre (en Afrique du Sud, 55 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté) mais aussi à un climat plutôt égal qui permet d’élaborerdesvinsd’unegranderégularitéd’unmillésimeàl’autre.
Neuvièmeproducteurmondialavec93000hectaresplantés de vigne, le vignoble sud-africain a aujourd’hui gagné en maturité. Il se situe désormais à mi-chemin entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Certes, il n’a pas l’antériorité de l’Italie ou de la France, mais son histoire est plus ancienne que celles de l’AustralieetduChili.Richedenombreuxdomainescréésdans les années 1750, toujours en production, il possède un formidable patrimoine. Une nouvelle génération de vignerons a décidé de le valoriser. Cépages, terroirs, ils posent les bases des grands vins sud-africains de demain. Leur credo : l’élégance.
UNDYNAMISMEINCONTESTABLE
Lors de sa dernière visite en 2015, Olivier Poels, membre du comitédedégustationdeLaRVF,avaitdéjàobservécefrémissement, l’émergence de ces nouveaux vignerons soucieux d’utiliser des cépages plus adaptés et d’isoler les plus belles parcelles pourmettreenavantlesnuancesdeleurterroir.Encinqans,la tendance n’a fait que se confirmer. Le modèle sud-africain est d’ailleurs propice à l’émergence de ces nouveaux domaines. Car le vignoble des Springboks s’appuie d’abord sur des producteurs de raisins, à l’image de la Champagne. Ce qui permet auxjeunesd’élaborerleurscuvéesaveclesraisinsdesmeilleurs secteurs du pays sans posséder de vignes.
Cette nouvelle génération apporte donc un incontestable dynamisme au vignoble sud-africain, elle met l’accent sur l’identité des terroirs, des cépages en délaissant les assemblages. Les vins “nature”, qui grâce à la rigueur anglo-saxonne se montrent à la fois libres et précis, incarnent également ce dynamisme. Mieux, les “petits nouveaux” aiguillonnent les domaines établis, les stimulent, les inspirent, les entraînent dans leur sillage. Grâce notamment à leurs jeunes winemakers expérimentés, empreints d’une vision très européenne du vin et soucieux de mettre en avant la finesse et l’identité de leurs plus beaux terroirs. Des terroirs concentrés sur les zones côtières, Swartland, Stellenbosch, Constantia et Walker Bay, qui jouissent des bienfaits du climat océanique (pluie, fraîcheur des vins marins…). Les régions connues pour leur production de masse, généralement situées dans les terres, ont été ici écartées.
Cette sélection resserrée – bien d’autres vignerons, tout aussi talentueux, pourraient figurer dans ce dossier – a donc pourbutdevousfairedécouvrirlenouveauvisageduvignoble sud-africain dont la capacité à se renouveler ne cesse de nous étonner. Et maintenant, cap au Sud !
Conditions de la dégustation
Les vins ont été dégustés par Pierre Vila Palleja dans les domaines en Afrique du Sud en mars 2020. Il a goûté quelques échantillons complémentaires en France. Les crus distingués ici sont disponibles sur les sites internet des domaines. Vous les trouverez aussi sur wine-seacher.com qui renvoie vers des cavistes ou des plateformes. Les pris mentionnés le sont à titre indicatif.