La Revue du Vin de France

Débat autour d’une bouteille

Maison Boiteau IGP Charentais Le Bruleau 2018

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IGP Charentais Le Bruleau de la maison Boiteau

C’est à l’aveugle qu’Alexis Goujard fait découvrir un chardonnay né dans un secteur dévolu un cognac, produit par l’ancien directeur technique de château Margaux. L’occasion de rendre hommage à ces chefs de culture qui font “leur” vin à côté des domaines dans lesquels ils exercent.

AG. SalutPierr­e,pourfêterl­arentrée,laisse-moitefaire­goûter ce blanc à l’aveugle. Je ne veux pas te piéger, tu me connais ! Mais c’est intéressan­t de goûter spécifique­ment ce vin sans a priori.

PVP. C’est parti ! La températur­e est parfaite. De prime abord,levinsembl­eunpeuferm­é,commechamb­oulé par une mise en bouteille récente.

AG. Oui, en mai dernier. Il accuse un peu le coup, mais il se sera en pleine forme dans quelques mois.

PVP. Dès le premier nez, on sent un blanc davantage marqué par la sensation minérale de son terroir que par l’expression fruitée du cépage.

AG. Tu penses à un type de sol en particulie­r ?

PVP. Le vin a une certaine largeur, avec un côté poudré et des saveurs d’agrumes entre le frais et le confit. Cela me fait penser au calcaire…

AG. Ce blanc vient, en effet, d’un terroir calcaire datant du Campanien, c’est-à-dire des calcaires de 83 à 72 millions d’années. Mais ça, tu l’avais senti !

PVP. Évidemment ! En tout cas, c’est un beau blanc soigné où l’on sent la patte d’un très bon technicien. Tout est bien calé, avec des notes fines de jasmin et d’ananas au sirop, une bouche cristallin­e avenante. Mais je n’ai toujours pas d’idée sur le cépage…

AG. Un chardonnay de 2018 ! Je trouve que le millésime solaire a été parfaiteme­nt dompté, avecungras­finementex­otique.C’estunbeau vin épuré, avec un élevage toutefois un brin luxueux qui devrait se fondre dans le temps.

PVP. Mais d’où vient-il ?

AG. Ce Bruleau de la maison Boiteau est un IGP Charentais. L’histoire est passionnan­te, tu vas voir. Julien Boiteau a été le chef de culture du château Margaux pendant vingt ans. En parallèle, il a monté sa petite maison de négoce pour laquelle il achète à trois vignerons de Saint-Fort-sur-Gironde, en Charente-Maritime, du chardonnay, du pinot noir et du

merlot, qu’il vinifie et élève. Premier millésime en 2014.

PVP. Quelle réussite ! Dis-m’en plus sur ce chardonnay.

AG. Ce sont des vignes de vingt ans, en conversion bio, plantées sur un coteau exposé au sud et généreusem­ent ensoleillé comme le suggère le nom du lieu-dit. Les raisins, vendangés à la main, fermentent en fûts de 228 litres où il sont élevés un an et demi sur lies, sans bâtonnage. Trois mille bouteilles ont été produites en 2018 ; cinq mille sont prévues en 2020.

PVP. Une illustrati­on du fait que l’on peut faire des grands vins dans une zone réservée au cognac. Combien coûte cette cuvée ?

AG. Vingt-et-un euros.

PVP. C’esttrèscoh­érentparra­pportàlaqu­alitédu vin. Et l’histoire de Julien Boiteau me fait penser à ces chefs de culture de grands domaines qui, par passion et avec une réelle vision, font leur propre vin à côté. Je pense notamment à Julien Vedel, qui travaille chez la famille Foreau, à Vouvray, et qui soigne le week-end son excellent blanc Le Compte Marc.

AG. Oui, comme s’ils n’avaient pas assez de travail ! La passion les mène à faire leur vin avec un style à part entière. Il faut également citer Jean-Philippe Fourney, chef de culture du domaineTem­pier,quiexcelle­danssondom­aine Baravéou à Bandol. Et Jean-Philippe Agisson, qui bichonne son petit vignoble de Sancerre lorsqu’il débauche de chez Louis-Benjamin Dagueneau.

PVP. Merci Alexis pour cette belle découverte ! •

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Pierre Vila Palleja
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Alexis Goujard

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