Dans la peau d’un dégustateur
Le vin n° 5
Un premier vin rouge. Plus que rouge ! Robe noire, impressionnante, mince bordure fuchsia. L’élevage est en avant, avec desnotesbrûlées,épicées,uncôtébourbon.Mêléesàcetteviolence du bois, des notes profondes, résineuses, balsamiques, mentholées. La matière se montre très tannique, concentrée, à la fois acide et méditerranéenne par sa richesse capiteuse. Je ne sais trop pourquoi, je repense à un pur carignan du Priorat, goûté l’an passé à Paris, d’un des domaines classiques de l’appellation produisant de tels vins empyreumatiques et résineux. L’acidité et la grande concentration du vin plaident pour 2016, millésime de sécheresse en Catalogne (c’est du moins le cas en Roussillon). Peu à peu, je parviens à persuader ma partenaire. La perception d’un milieu de bouche plus moelleux nous fait quitter le pur carignan et envisager un peu de grenache. Dommage, nous étions tout près du carton plein !
La proposition des dégustateurs : Priorat Doix 2016 de Mas Doix Le vin présenté : Priorat 1902 Carinyena Centenària 2016 de Mas Doix Le vin n° 6
La robe de ce nouveau rouge est intense mais plus évoluée et plus terne que celle, extraordinaire, du vin précédent. Le nez, réservé, chocolaté et lactique, aux notes de fruits noirs épicés, avec une touche boisée qui patine le vin, semble “typé Espagne”, mais beaucoup moins méditerranéen que le précédent. Ça sent le tempranillo, la Rioja… dans un style entre modernité et classicisme. La bouche assez moelleuse nous pousse à envisager la présence de grenache. Nous aurions dû attribuer ce surcroît de moelleux non à un cépage d’appoint mais à une origine géographique, la Ribera del Duero, où le tempranillo produit en général des vins plus larges, plus “gaillards” que dans la Rioja. Nous ne marquons des points que pour le pays et le cépage principal.
La proposition des dégustateurs :
Rioja Reserva Viña Real 2012 de CVNE Le vin présenté :
Ribera-del-duero Preludio de Sei Solo 2015 de Sei Solo
Le vin n° 7
Du sirop ! Opaque, visqueux, un glaçage couleur café qui se dépose lentement sur les parois du verre. Pour ceux qui connaissent ces vins, l’aspectestdéjàplusqu’unindice.Lasuiteconfirme: thé, dattes, caramel, mais aussi fruits rouges, liqueur plantureuse qui en fait un dessert en soi, finale particulièrement impressionnante, qui revientversdesnotesdegraphite.C’estunpedro ximénez andalou, d’une folle générosité, passerillé au soleil après la vendange. Reste à trancher entre la zone côtière de Jerez et celle intérieure de Montilla-Moriles. Vu l’opulence extravagante du vin, nous optons pour cette dernière et pour un producteur particulièrement célèbre pour ses “PX”. Nous étions cependant loin du compte en ce qui concerne l’âge du vin, je n’avais à ce jour jamais rien bu d’aussi vieux provenant de cette bodega !
La proposition des dégustateurs : Montilla-moriles Don Pedro Ximénez 1988 de Toro Albalá Le vin présenté : Montilla-moriles Don Pedro Ximénez Convento Selección 1929 de Toro Albalá
En conclusion : les vins de cette première série semblaient très caractéristiques, faciles à identifier. Trop faciles ? Bien que très satisfaits de notre dégustation et plus encore de notre entente, nous ne sommes pas tranquilles, nous subodorons un ou plusieurs pièges… Lorsque les 120 copies sont corrigées et la liste des vins enfin dévoilée, deuxheuresplustard,avecunsuspenssavammentménagé, nous sommes rassurés ! Après cette première partie euphorique, il faut se concentrer pour la phase finale…
La phase finale Le vin n° 8
Robe dorée, bulles fines et rares. Nez rassis, travaillé ; bouche confortable, crémeuse, et finale relevée. Il y a un je-ne-saisquoi d’exotique dans cet effervescent riche et mature. Sans nousconcerter,nousavonstousdeuxnotéItalie,Franciacorta, sur nos brouillons. Pourtant, nous proposerons au final un champagne. Trop prudents… La dégustation ne doit surtout pas devenir rationnelle, elle doit, je pense, rester intuitive, le fil est ténu. La première impression est souvent précieuse, bien qu’il soit parfois difficile de la raisonner, de l’expliciter. Lescépagesdeceteffervescentlombardlonguementvieillisur pointe (sept ans) sont en effet champenois (55 % chardonnay,