Vie de château
Le XVIIIe siècle bordelais a vu naître les signes extérieurs de l’opulence bourgeoise, avec ses armateurs, négociants, échevins venus de vieilles familles aquitaines mais aussi de contrées étrangères (Irlande, Angleterre, Allemagne ou Pays-Bas) pour tenter de faire fortune en cette terre prometteuse. Fortune établie, ils ont rivalisé au travers de demeures plus ostentatoires les unes que les autres ; c’était à qui arrivait à éblouir l’autre. Élysée Nairac, issu d’une famille de négociants huguenots, fit appel à Jean Mollié, un élève du grand architecte Victor Louis (celui du Grand Théâtre et de leur hôtel particulier du cours de Verdun), pour bâtir ce château de Barsac, déjà pourvu d’un vignoble depuis le XVIe siècle. Le vignoble se nomme alors Bourdieu de Durancau ; il passe des mains de Pierre de Sauvage à celles des Durancau, des Mercadé, puis d’Élisabeth Prost, qui agrandit les terres viticoles, et enfin celles des Nairac en 1777. Les Nairac émigreront devant les périls de la Terreur vers les Pays-Bas et l’île Maurice. Leurs descendants viennent parfois en visite dans leur ancien fief, ils y sont accueillis comme des cousins.
L’ARRIVÉE DES TARI
Le domaine de Nairac est acheté par M. Capdeville, propriétaire du château Broustet contigu. C’est lui qui réunit les deux vignobles, une entité qui fut classée second cru en 1855. Sa réputation est alors à son firmament, le vin remporte des médailles, les liquoreux sont à la mode dans toutes les cours étrangères et sur les tables de prestige. Survient le phylloxéra avec ses années noires. La famille Brunet-Capdeville reconstitue le vignoble avec des cépages rouges et il faudra attendre un propriétaire suivant, la famille Perpezat, pour que les vignes blanches retrouvent leur territoire d’élection : Nairac redevient alors un producteur de vins liquoreux.
Aprèsunebrèvepossessionparunédilebordelaisqui ne fait rien pour le vin, Nicole Tari et son époux américain Tom Heeter achètent Nairac en 1972. On connaît la famille Tari, originaire d’Algérie, et ses années de gloire au château Giscours ; on connaît également les interminables péripéties familiales et judiciaires autour de ce cru margalais. Lorsqu’ils arrivent à Nairac, le vignoble et les bâtiments sont en piteux état, mais le couple est passionné, il redonne tout son lustre à la marque. Nairac redevient une valeur sûre du Barsacais.
Au début, c’est Émile Peynaud qui les conseille, même si le célèbre oenologue est plutôt spécialiste des vins rouges. Il définit les orientations, avec retour à la fermentation en barriques et apport de bois neuf, ce qui n’était plus le cas à l’époque. Le couple se sépare, c’est leur fils Nicolas Tari-Heeter, épaulé par sa soeur Héloïse, qui préside alors aux destinées du cru. MariePierre Lacoste-Duchesne, directrice technique du château La Clotte-Cazalis où elle pratique une viticulture bio et travaille ses sols au cheval, est venue apporter son aide et ses conseils.
BROUILLARDS MATIN AUX
Château Nairac est le cru classé de Barsac le plus proche de la Garonne. C’est le fleuve qui induit les brouillards matinaux propices au développement du botrytis, la mythique rivière Ciron étant plus éloignée. Le modelé topographique est modeste, loin des croupes plus marquées de Sauternes. Les sols sont principalement des graves mendéliennes silico-limoneuses déposées par la Garonne, des argilo-calcaires à astéries sur un socle calcaire, des sols maigres qui demandent des amendements. Le vignoble est séparé en deux parties par la voie de chemin de fer : le grand enclos d’un seul tenant près du château et des parcelles de l’autre côté, vers Climens, des terres plus rouges, typiques du Barsacais.
Les vignes ont un âge moyen de 60 ans, avec un encépagement qui comprend 95 % de sémillon, 2,5 % de muscadelle, 2,5 % de sauvignon, pourcentages qui se retrouvent peu ou prou dans les vins. Elles sont plantées à 7 500 pieds par hec
« Les vignes sont âgées de 60 ans en moyenne »