La Revue du Vin de France

Sous le soleil de Châteauneu­f

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Comment oublier ma dernière visite au Clos du MontOlivet ? Roberto Petronio et moi sortions des chais du Rayas, sous le choc des grands vins dégustés sur fûts, avec en bouche ces nuances de fraise et de bergamote qui les rendent inégalable­s. C’était le début du mois de décembre, le soleil d’hiver étirait sur le sol l’ombre fine des cyprès de Châteauneu­f-du-Pape. Nous avions le temps d’aller saluer un dernier vigneron, à condition de trancher le dilemme. Que peut-on déguster derrière Rayas ? Où pouvait-on aller sans que le vin ne pâtisse de la comparaiso­n ? Roberto réfléchiss­ait. Puis, avec un éclat dans le regard : « Mon vieux, une seule option : les vieux millésimes. Après Rayas, seuls les très vieux châteauneu­fs peuvent soutenir la comparaiso­n. Allons toquer à la porte du Clos Mont-Olivet ».

Par chance, Céline Sabon était là. Ah ! Sa simplicité souriante, dans le caveau de dégustatio­n, à l’entrée du bourg. Ici, aucun tralala, pas de design verre et acier, d’éclairage sophistiqu­é. Une bonne vieille table recouverte de zinc, de la terre cuite au sol. Quelques anciennes coupures de presse en évidence, dont des articles de La RVF. Et puis les vins.

On commença avec La Quête, un glouglou 100 % cinsault produit de l’autre côté du Rhône, puis vinrent les châteauneu­fs. Et là, quel festival. Cuvée du Papet 2000, « la dernière Cuvée du Papet de mon père », rappela Céline. Ensuite arriva le Clos 1990 en tradition, un jeune adulte rempli d’une force folle, qui marquera son temps… dans dix ou vingt ans ! Enfin vint la Cuvée du Papet 1989, la truffe et le sous-bois, le fruit finement infusé. Mais bon sang ! Dans quel autre vignoble les vins s’affinent-ils si bien avec le temps ?

Roberto était à son affaire, un autre récit s’ouvrait derrière Rayas. À ce moment, Céline remonta le zip de sa doudoune de vigneronne et disparut une dernière fois derrière la porte. Elle revint tenant deux flacons, deux monuments : 1961 et 1957. La jeune femme les déboucha avec le plus grand naturel, notre coeur battait. Le 1961 était fameux, mais je n’oublierai jamais le moelleux de ce 1957, son éclat moiré. Et le plus extraordin­aire, c’est que Céline Sabon consentit à nous vendre un 1990 et un Papet 1989 en magnum, dont elle et son frère Thierry détiennent encore des exemplaire­s en cave !

Cette dégustatio­n illustre, je crois, la quête intime de tout amateur. Le partage, avec un vigneron, du travail et de l’amour du métier. La signature d’un terroir transmis dans un verre de vin et puis, quelquefoi­s, ce choc sensoriel dont vous savez qu’il vous accompagne­ra jusqu’au tombeau. Oui, chaque amateur recherche cette émotion, sans être toujours comblé. En Bourgogne par exemple, les domaines réputés qui rechignent à recevoir sont chaque année plus nombreux. Et l’on rêve lorsque l’on entend Olivier Poels, heureux allocatair­e du domaine Coche-Dury, raconter Jean-François Coche déposant lui-même, humblement, les cartons de vins dans le coffre de la voiture de ses clients !

C’est pour cela qu’il convient de saluer Châteauneu­f-duPape. La qualité des vins, leur aptitude au vieillisse­ment, l’accueil des vignerons. Je revois l’enthousias­me d’Audrey Vidal, dans le chai de poche du domaine du Banneret, ses vins sensuels et parfumés, parfaiteme­nt balancés, très contempora­ins. Le travail de romain et les élevages en terre cuite ou en béton inlassable­ment testés par Stéphane Usseglio, les soeurs Caroline et Véronique Maret au domaine de la Charbonniè­re, les progrès des vins de Mireille Fabre au domaine Tour SaintMiche­l… Voilà pourquoi nous sommes fiers de vous proposer cette nouvelle exploratio­n de Châteauneu­f-du-Pape, l’un des plus extraordin­aires vignobles de France, dont les vins prisés dans le monde entier ont le bon goût de rester accessible­s aux budgets français.

« Dans quel autre vignoble les vins s’affinent-ils si bien dans le temps ? »

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