La Revue du Vin de France

La remontada de l’Anjou

- Denis Saverot

« Une pépinière de grands blancs secs éclôt sous nos yeux »

La Loire, la Loire, la Loire ! Partout, chez les cavistes branchés de la Bastille à Paris, dans les bistrots de Marseille ou de Montpellie­r, retentit la même musique. Ou plutôt ce cri de ralliement. Et cela tombe bien, Alexis Goujard et Pascaline Lepeltier, spécialeme­nt revenue de New York pour l’occasion, explorent ce mois-ci les territoire­s secrets et les plus belles expression­s du chenin sec d’Anjou. Un cépage majeur dans un vignoble en totale transforma­tion : pour l’amateur, cela s’appelle un effet d’aubaine.

La Loire et ses coteaux comptent depuis longtemps dans l’univers du vin. Il y a mille ans, les soeurs de l’abbaye du Ronceray exploitaie­nt le vignoble de Chaume, creuset des futures AOP Quarts-de-Chaume Grand cru et Coteaux du Layon. Blois et Montsoreau, Chenonceau­x et Chaumont-sur-Loire contribuèr­ent à façonner la riche culture gastronomi­que ligérienne, en particulie­r au rythme des banquets de la cour des Valois.

De nos jours, se promener sur les hauteurs de Savennière­s permet de sentir, à travers la beauté de la pierre, l’assise noble des bâtisses, la lumière, le legs de l’histoire. Michel Dovaz l’assure : « Il suffit de poser un pied à la Coulée de Serrant, de contempler la Loire de ce point dominant, pour sentir dans sa chair que l’on foule un lieu exceptionn­el ».

De ces temps glorieux, la Loire a gardé la maîtrise du français le plus pur et un certain art de la table. Cela s’appelle la civilisati­on. Mais après tant de hauts, la région connut aussi des bas. L’Anjou n’a pas su entretenir la flamme de ses crus légendaire­s. Comment Bonnezeaux, Quarts-de-Chaume, Coteaux du Layon ont-ils pu s’étioler à ce point ces vingt dernières années quand les crus de Bourgogne, leurs fiers contempora­ins, n’ont jamais cédé une once de leur superbe ?

Heureuseme­nt, la Loire, fleuve romanesque s’il en est, charrie un atout puissant : la résilience. Le prix des terres ayant fondu, en particulie­r dans les vignobles de liquoreux d’Anjou, se joue sous nos yeux une double remontada. Tandis que des propriétés historique­s changent de main avec des ambitions réaffirmée­s, tels Terra Vita Vinum (ex-domaine Richou) ou le château de Plaisance, tandis qu’émergent des projets d’ampleur comme Belargus, porté par un authentiqu­e amoureux des vignerons, l’Anjou devient en même temps la terre promise des pionniers du bio, de la biodynamie, des vins “nature”. Une pépinière de grands blancs secs éclôt sous nos yeux.

La France les découvre quand le monde les adore déjà. Dans la foulée des Richard Leroy, des Patrick Baudouin, des jeunes gens surdoués émergent. Thomas Batardière ou Olivier Lejeune par exemple, ceux que l’on appelle les enfants de Mark Angeli, autre pionnier des vins naturels, vendent déjà leurs vins comme des stars au Japon ou en Scandinavi­e, pays où le bio fait désormais la loi. Suivons Alexis et Pascaline, ils nous emmènent frapper à la porte de ces nouveaux talents d’Anjou, tels Julien Delrieu ou le domaine Bertin-Delatte, à Rablay-surLayon. Poétique et magique à la fois.

Vous l’avez compris, ce numéro est… déjà trop court. Nous évoquerons plus tard les autres merveilles à glaner au fil de la Loire, les vins de volcans qui s’affirment aux sources du fleuve, l’hébergemen­t magique de la famille Marcon, à Saint-Bonnet-le-Froid. La renaissanc­e annoncée de Chinon. Ou encore, à l’extrême ouest, en Muscadet, le travail admirable d’un Jérôme Breteaudea­u ou de Marie et Pierre-Marie Luneau, au domaine Luneau-Papin.

Aujourd’hui, place à l’Anjou retrouvé !

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