La bière et les brasseurs sous haute pression
La fermeture des bars et restaurants plonge la filière brassicole dans la tourmente et hypothèque l’avenir de nombreuses microbrasseries.
Si l’année 2020 a été très compliquée pour la viticulture française, elle le fut plus encore pour le monde brassicole. Le secteur étroitement lié à la restauration et à l’événementiel (festivals, salons…) a enregistré une baisse de 35 % de son chiffre d’affaires en 2020, et ce, malgré un report des ventes vers la grande distribution.
En pleine expansion ces dernières années et représentant à ce jour 2 000 entreprises dont 1 990 PME, la bière est donc fragilisée. Maxime Costhile, délégué général des brasseurs de France, s’inquiète : « Bon nombre des microbrasseries ont moins de trois ans d’existence et doivent aujourd’hui rembourser l’achat de leur matériel. Leur avenir est très incertain ».
UNE SITUATION CATASTROPHIQUE
Mais tous les brasseurs ne subissent pas cette crise de la même façon. « Les brasseurs qui vendent leurs bières en bouteilles s’en sortent beaucoup mieux, analyse Hervé Marzioux, biérologue. Ils ont su par le biais de “drive”, de circuits courts et autres innovations se réinventer. Ceux qui privilégient la vente en fûts et pour qui la restauration représente un gros marché traversent une situation bien plus périlleuse. »
D’autant que la durée de la pandémie ne fait pas leurs affaires. « La conservation en fût, c’est six mois maximum si l’on veut garder les vertus organoleptiques et d’effervescence à la bière ; en bouteille, c’est deux à trois ans, précise Édouard Haag, P.-D.G. de la brasserie Météor à Hochfelden, en Alsace. Un homme qui a déjà subi une baisse mensuelle de 70 % de son chiffre d’affaires, plus la perte de 3 000 hectolitres lors du premier confinement et de 1 000 hectolitres lors du deuxième… « La fermeture des bars et restaurants en octobre nous a beaucoup affectés. Nous avons perdu gros avec la bière de Noël, plus onéreuse à produire avec ses épices. Et pourtant, nous avions réduit la production de 50 % », décrypte-t-il.
Le flou qui pèse sur la réouverture des bars et restaurants ajoute au malaise des brasseurs. « Pour être prêts à la reprise, nous avons besoin de deux mois, entre la production et le temps de repos nécessaire à la bière, confie encore Édouard Haag. « Aujourd’hui, les brasseurs tournent au maximum à 70 % de leur capacité, déplore Maxime Costhile. Et derrière, la filière du houblon peine aussi, les stocks s’accumulent. »
Tous espèrent que la situation sanitaire s’améliore pour relancer un secteur désormais en péril. Mais sans certitude.