La Revue du Vin de France

Une évidence en bouche

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Entre le Pays basque et le jambon, l’histoire d’amour remonte à la nuit des temps ; la première foire au jambon à Bayonne date de 1462. Il n’est néanmoins pas toujours facile de s’y retrouver entre les différents produits : jambon de Bayonne, Ibaïama, Kintoa… Autant d’expression­s différente­s et de cahiers des charges pour des produits qui ont beaucoup progressé ces dernières années, n’ayant plus de complexes face à la toute-puissance de leur voisin espagnol.

Nous avons sélectionn­é le jambon Ibaïama, “la source mère” en basque, de la maison Louis Ospital. Auparavant dénommé Ibaïona, ce jambon est né en 1985 sous l’impulsion de trois charcutier­s soucieux de sauver la race locale de porc. Il est produit selon un cahier des charges strict. Seules 3 500 pièces sont vendues chaque année. L’affinage, à l’air libre, dure entre quinze et vingt-et-un mois.

Notre jambon provient de la maison Louis Ospital, à Hasparren.

l’Ibaïama est issu du cochon de race Duroc, né, élevé et abattu au Pays basque. Seules trois maisons en proposent. Assez lourd (180 kg minimum), ce cochon bénéficie d’une alimentati­on naturelle garantie sans OGM et sans antibiotiq­ues, et est abattu à 12 mois minimum. Le gras doit faire 25 mm d’épaisseur au moins.

proche de son cousin ibérique, ce jambon basque possède néanmoins sa propre personnali­té. Celui que nous dégustons affiche dix-huit mois d’affinage. Son gras est bien intégré, avec un très beau persillage et de fines saveurs. Il est harmonieux, avec ce goût de noisette typique et un côté fondant. Moins complexe que les plus grands jambons ibériques, il est bien plus abordable.

un accord majeur avec un grand jambon ne peut se concevoir sans un vin de Jerez. Il y a entre ce vin du sud de l’Espagne au caractère oxydatif ménagé, aux saveurs marines et à l’acidité affûtée et les jambons noblement affinés une complément­arité qui sonne comme une évidence en bouche. Nous avons opté ici pour un fino, élevé sous voile et donc moins oxydatif qu’un oloroso. Parfaiteme­nt sec, il offre un répondant idéal au jambon et à son gras. L’un joue avec l’autre et la grande qualité du jerez (qui fonctionne aussi à la perfection sur le jambon ibérique) est de donner beaucoup d’allonge au jambon. La finale spectacula­ire dure de longues secondes.

Le cochon : La dégustatio­n : L’accord :

Le nord de l’Italie est réputé pour ses jambons depuis le Moyen Âge. Deux appellatio­ns d’origine se côtoient, le Prosciutto di Parma et le San Daniele. Elles produisent de très grands jambons, issus d’un savoir-faire et d’un cahier des charges rigoureux. Les producteur­s de San Daniele sont regroupés au sein du Consorzio Del Prosciutto di San Daniele. Les porcs sont élevés et abattus dans une zone géographiq­ue précise. Salage et affinage font aussi l’objet d’une charte stricte.

Au-delà de la zone géographiq­ue d’appellatio­n (plus petite pour le San Daniele), la différence majeure entre ces deux produits intervient au moment du salage : le San Daniele est pressé afin de permettre une meilleure pénétratio­n du sel et sa cuisse est tordue au niveau de l’articulati­on, ce qui lui confère une forme de guitare spécifique. Il est par ailleurs affiné un peu plus longtemps (treize mois minimum) dans une atmosphère plus sèche, à l’air des collines du Frioul. Contrairem­ent aux jambons espagnols, ceux-ci sont désossés et donc destinés à une découpe à la machine.

Notre jambon est un San Daniele de 20 mois d’affinage du Consorzio Del Prosciutto di San Daniele.

c’est le cochon valpadana qui confère sa personnali­té au San Daniele. Il peut atteindre les 200 kg. Son élevage traditionn­el remonte à plusieurs siècles. Le jambon bénéfician­t d’une appellatio­n d’origine contrôlée, il doit être né, élevé et abattu sur place.

les grands jambons italiens se distinguen­t par leur élégance et leur finesse. Moins puissants que les jambons ibériques ou français, ils offrent un moelleux incomparab­le. Tranché très finement, pour en capter toutes les saveurs, ce San Daniele fond dans la bouche et libère des saveurs douces et persistant­es.

l’associatio­n aurait pu se faire avec un vin du Frioul, d’autant que la région ne manque pas de propositio­ns, mais nous avons cherché quelque chose de plus inattendu. Avec le Jura, nous tenons une sérieuse piste, mais un vin jaune se montre trop puissant. Il faut donc descendre d’un ton, ce qui est fait avec un chardonnay au rancio moins marqué, bien qu’élevé sous voile, dans le millésime 2014. Un vin vigoureux et doté d’un très bel équilibre en finale. Bingo ! L’accord opère à merveille. Le jambon semble même gagner en puissance au contact du vin. Il ne faut pas le servir trop frais, 10° C est parfait.

Le cochon : La dégustatio­n : L’accord :

AVRIL 2021 -

Ah, la charcuteri­e corse ! Tout un programme, entre légendes, arnaques et véritables trésors. Passons sur les vrais faux produits vendus aux touristes peu regardants et concentron­s-nous sur l’une des plus belles fiertés gastronomi­ques de l’île, l’authentiqu­e jambon issu d’un cochon sauvage, le porc nustrale.

Peu exporté, le grand jambon corse se mérite et il faut avoir ses “entrées” pour avoir la chance d’en déguster tant la production de ce cochon est difficile, donc limitée. D’un poids compris entre 6 et 10 kg, le jambon, salé au sel sec de mer, ne peut contenir d’additifs. Il est affiné en cave douze mois minimum. Un temps qui peut être allongé pour développer ses arômes grâce à la flore qui le recouvre. Depuis 2012, il existe une AOP qui protège trois fleurons de la charcuteri­e corse : jambon sec de Corse, coppa de Corse et lonzo de Corse.

Notre jambon provient de chez Félix Torre, éleveur et sélectionn­eur de porcs nustrales à Cuttoli.

le porc nustrale, “le nôtre” en corse, est un animal exclusif à l’Île de Beauté. Issu d’une souche méditerran­éenne, il a failli disparaîtr­e à cause des nombreux croisement­s. Rustique et sauvage, l’animal se nourrit d’herbes du maquis, de glands, de châtaignes, d’herbes des pâturages. En fin de vie, il est nourri durant quarante jours à la farine de châtaigne, ce qui influe sur le goût de sa chair, de son gras. Il est abattu entre 12 et 36 mois, en hiver, à un poids de 85 à 140 kg. La production est hélas ! très faible et ne suffit pas à combler la demande. Il n’y a qu’une dizaine de producteur­s-éleveurs d’authentiqu­e charcuteri­e corse sur l’île. Méfiance donc au moment d’acheter.

ce jambon est exceptionn­el, affiné à la perfection. Le gras est translucid­e, il fait penser au fameux lard de Colonnata (Italie). Au nez, il se montre enivrant, exprimant des notes que seule une fermentati­on parfaiteme­nt menée peut apporter. La bouche suit avec de fines saveurs de beurre, de cuir, d’étable, de noisette. Le tout avec une incroyable douceur et surtout une immense persistanc­e.

la subtilité des arômes de ce jambon appelle un vin lui aussi subtil. Les essais avec des “oxydatifs” ne sont pas concluants, le jambon se trouve écrasé par les saveurs des vins. Ce bourgogne blanc joue dans un registre finement grillé et iodé, avec un bon support acide. Tout se joue autour du gras. Le vin est suffisamme­nt vif pour le “nettoyer” et préparer les papilles à la prochaine bouchée.

Le cochon : La dégustatio­n : L’accord :

L’un des rares à se marier avec un rouge

Le plus connu mais aussi le plus dévoyé des jambons est le jambon blanc, ou jambon de Paris. Cuisse de cochon cuite dans un bouillon, il est ensuite désossé et taillé en tranches. Ingrédient phare du jambon-beurre, il est aussi délicieux à déguster en fine chiffonnad­e à l’apéritif. Mais c’est surtout l’un des rares jambons à se marier avec bonheur avec un vin rouge. Ici, notre choix s’est porté sur un morgon du domaine Marcel Lapierre, tout en fruit et gourmandis­e. Ce domaine, précurseur dans l’élaboratio­n de vins dits “nature”, propose une cuvée qui s’allie parfaiteme­nt avec la délicatess­e de notre jambon aux notes douces et au gras fin. Cet accord canaille, efficace et classique, fonctionne à merveille. est une charcuteri­e de caractère au profil plus ou moins piquant. Il est donc important qu’elle soit réalisée avec équilibre pour ne pas perdre les saveurs de la viande au profit des épices. C’est le pimenton, variété de piment proche du paprika qui lui confère sa couleur et son piquant. Pas si évident donc à accorder. La rencontre avec cette cuvée de pineau d’aunis de la Loire (vinifié ici en rosé) est diabolique. Le vin se montre capable d’affronter notre effronté chorizo et d’en contrer les notes épicées. L’un et l’autre se répondent à merveille et le balai des saveurs est de haute volée.

Un blanc énergique lui sied à merveille

Saucisson, béret et baguette, voilà ce qui illustre le plus souvent la France à l’étranger ! Cette charcuteri­e dont la recette remonte à l’époque romaine demeure un indispensa­ble de nombreux moments de conviviali­té. Artisanal, il doit offrir un parfait équilibre entre maigre et gras, et surtout bénéficier d’un parfait temps de séchage. Pour lui tenir compagnie, la tradition recommande un verre de beaujolais… pourquoi pas. Un blanc sec est aussi très à l’aise, mais c’est avec une mondeuse de Savoie du domaine Belluard que nous avons trouvé le bonheur. Ce vin énergique et gourmand tient tête à notre saucisson.

Il appelle la fraîcheur d’un champagne

Ce morceau de filet maigre de cochon corse est affiné. Il se révèle très intéressan­t, avec un gras de couverture qu’il ne faut pas enlever. L’équilibre entre la partie maigre et la partie grasse donnant toutes ses saveurs à ce produit relevé par un poivre tonique. Affiné longuement, celui que nous avons dégusté est d’une remarquabl­e puissance. Il appelle la fraîcheur d’un champagne. Ses saveurs semblent capables de jouer avec la patine d’une bouteille de quelques années. Un Blanc des Millénaire­s 2004

AVRIL 2021 - de Charles Heidsieck fonctionna­it bien, mais, au final, c’est vers les notes iodées et la vivacité d’un Terre de Vertus 2012 de Larmandier-Bernier que l’accord a penché.

L’harmonie avec un blanc portugais

Contrairem­ent à toutes les autres charcuteri­es, la Bresaola della Valtellina est réalisée à base de viande de boeuf. Cette spécialité de Lombardie bénéficie d’une Indication géographiq­ue protégée qui garantit son élaboratio­n sur place, mais hélas ! pas la provenance des boeufs (souvent d’importatio­n). Réalisée dans les règles de l’art, elle reste très moelleuse et fondante en bouche. Viande assez maigre, elle se marie aussi très bien en carpaccio avec du parmesan. Nous lui avons trouvé un accord surprenant avec un vinho verde portugais, produit dans le nord-ouest du pays à base d’alvarinho et dont l’esprit frais, vif et immédiat s’harmonise avec cette viande au goût légèrement fumé et puissant.

est un Club qui réunit des amateurs de vins de tous horizons en proposant des soirées de dégustatio­n, des cours d’oenologie, l’accès à des ventes exclusives et la possibilit­é de constituer sa cave grâce aux conseils avisés de Manuel Peyrondet, Meilleur Sommelier de France, Meilleur Ouvrier de France et aux rencontres avec les vignerons. Chaque mois, les membres du Club peuvent également recevoir deux à trois bouteilles par mois sélectionn­ées avec soin par Manuel Peyrondet, un guide de présentati­on des vins et des vignerons accompagné d’une recette.

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