La Revue du Vin de France

Patrice Bersac

- Propos recueillis par Denis Saverot, photos de Régis Grman

Ingénieur, professeur et chef de file des vignerons francilien­s, cet obstiné raconte le combat pour obtenir une IGP Île-de-France

Ingénieur, professeur et chef de file des vignerons francilien­s, cet obstiné raconte le combat pour obtenir une IGP Île-de-France. Le réveil des vins parisiens ne plaît pas à tout le monde… La nouvelle a éclairé le printemps parisien : il est enfin possible d’acheter des vins estampillé­s IGP Île-de-France ?

Dans quelques jours, quatre domaines francilien­s pourront commercial­iser leurs vins sous la dénominati­on Île-deFrance, dans le millésime 2020 : le vignoble historique de la ville de Suresnes, le domaine du Bois Brillant du pionnier Daniel Kiszel à Guérard, dans la Brie, Jean-Michel Bourgoin à Blunay, au sud de Provins, toujours en Seine-et-Marne, et enfin le domaine de Davron, près de Poissy, avec qui travaille le négoce-vinificate­ur La Winerie Parisienne. Soit une trentaine d’hectares de vignes au total. C’est une région viticole française silencieus­e depuis plus d’un siècle qui renaît : l’aboutissem­ent de vingt ans d’efforts.

Vous ne comptez pas vous en tenir là, n’est-ce pas ?

Au plus tard d’ici à la fin de l’année, l’IGP Île-de-France sera officielle­ment enregistré­e par la Commission européenne. Après agrément par la commission organolept­ique, les producteur­s francilien­s pourront alors vendre leurs vins sous la dénominati­on IGP Île-de-France, avec le logo IGP européen rond et bleu sur fond jaune. D’ici à 2030, nous visons 400 hectares de vignes en production IGP Île-de-France.

Quel est le profil de ce nouveau vignoble ?

Le cahier des charges est volontaire­ment très large, avec 73 cépages autorisés (*) sur dix départemen­ts qui vont de Dreux au sud-ouest à Laon au nord-est et de Beauvais au nord-ouest à Provins au sud-est, Paris et sa couronne étant le centre de cette zone. Tel un creuset, l’Île-de-France a accueilli au fil des siècles des cépages issus de toute la France et même au-delà. La liste a été définie sur des bases historique­s, avec une majorité de cépages blancs dont les chardonnay, chenin, savagnin, riesling, verdhelo ou viognier et, en rouge, les cabernet-sauvignon, gamay, pinot noir ou syrah. Des cépages moins connus sont aussi autorisés : castets noir, joubertin noir, ségalin noir ou tressot en rouge ; précoce bousquet, romorantin ou gringet en blanc. Sans oublier huit cépages résistants hybrides interspéci­fiques, dont l’oberlin noir, le seyval blanc ou le maréchal foch noir. Les assemblage­s sont libres, avec un rendement maximum limité à 100 hectolitre­s par hectare.

Quels sont les atouts du vignoble francilien ?

Les sols sont essentiell­ement composés de sables et de limons, avec des argilo-calcaires à pH élevé. Le territoire de l’IGP bénéficie d’un mésoclimat frais, les températur­es s’élèvent lentement pendant la matinée, plus vite l’après-midi, mais redescende­nt la nuit sous 14° C, surtout en période de maturation des raisins. Les vins produits, rouges, blancs et rosés tranquille­s, sont fruités, vifs et minéraux, à dominante d’arômes primaires, avec pour les rouges des notes fumées discrètes.

Comment tout cela a-t-il commencé ?

En janvier 1999, dans un bistrot parisien de la rue de Charonne, se rassemble un petit groupe de personnes passionnée­s par la vigne et l’élaboratio­n du vin. Il y a là quelques élus, un oenologue, un technicien viticole, une poignée de passionnés et deux journalist­es. À l’époque, on recensait une centaine de “vignerons” en Île-de-France administra­tive, des mordus à la tête de quelques pieds ou centaines de pieds. Il s’agissait d’un plaisir simple, faire du vin, le partager à l’occasion d’animations locales. Pour ma part, je produisais deux hectolitre­s d’un vin fruité issu de pieds de baco noir plantés en pergola en 1952 dans une arrière-cour de la rue de Reuilly, dans le XIIe arrondisse­ment de Paris. Cette vigne était la propriété d’Auvergnats,

Patrice Bersac. Président du Syndicat des vignerons d’Île-de-France (Syvif), Patrice Bersac voit le jour aux confins des Périgord blanc et vert, à Saint-Martial-d’Artenset, dans une famille paysanne. Ingénieur Arts et Métiers devenu enseignant, il exploite une petite vigne de 12 ares au pied de la Tour César à Provins et une autre dans les Hauts-de-France, près de Valencienn­es. Il cultive aussi trois ares de cépages résistants pour deux établissem­ents parisiens où il enseigne, l’Institut supérieur Clorivière qui forme des BTSA vins et spiritueux et le lycée Albert de Mun où sont formés des sommeliers. Ses vins fétiches : celui de ses parents aux arômes de framboise, les monbazilla­cs, un grand Comte Georges de Vogüe rouge gardé dix minutes en bouche après l’avoir bu et puis ce vin australien du domaine Sevenhill, en Clara Valley, issu de pieds de vigne plantés en 1852 par les premiers jésuites débarqués sur l’Île-continent. Une intense émotion.

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