La Revue du Vin de France

Les actus du vin

Du nebbiolo piémontais à la place du pinot, du savagnin du Jura appelé demain à la rescousse du chardonnay ? Voici les pistes, très iconoclast­es, évoquées par des ampélograp­hes pour contrer le changement climatique.

- Laurent Gotti

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Lors des dernières vendanges nous avons récolté nos savagnins une bonne quinzaine de jours plus tard que les chardonnay­s. Et ils titraient seulement 11,5° quand les chardonnay­s étaient à plus de 13° potentiels. » Contrairem­ent aux apparences, le vigneron qui fait ce constat n’est pas un viticulteu­r jurassien. Il est bourguigno­n et même d’une partie de la Bourgogne où le chardonnay règne quasiment sans partage : le Mâconnais. Il s’agit de Nicolas Maillet, du domaine éponyme à Verzé.

Amateur des vins blancs du Jura, il a décidé il y a cinq ans de planter chez lui le cépage franc-comtois. Il n’est pas le seul. Deux de ses amis en ont fait autant : Frantz Chagnoleau à Pierreclos et Sébastien Boisseau à Bray : « Nous avons planté un demi-hectare de savagnin chacun dans nos villages respectifs ». À l’époque, ils cherchaien­t surtout à se frotter à un cépage qu’ils aimaient bien goûter chez leurs collègues plus à l’est, de l’autre côté de la Saône… À l’heure du réchauffem­ent climatique, leur expérience prend une significat­ion particuliè­re.

L’ÉPINEUX CHOIX DU PORTE-GREFFE

Portés en étendard depuis des siècles dès lors qu’il s’agissait de vins fins, le pinot noir et le chardonnay voient leur piédestal se fissurer en Bourgogne. Évoquer leur succession n’est plus un tabou entre Dijon et Beaune. En témoigne l’une des questions au menu du dernier séminaire de l’Interprofe­ssion des vins de Bourgogne (BIVB) : “Matériel végétal et changement climatique : devrons-nous sortir de nos cépages ?”.

Les réponses avancées sont bien sûr très nuancées. « Il ne s’agit pas d’abandonner le pinot noir et le chardonnay du jour au lendemain. La première piste est d’exploiter au mieux la diversité naturelle qu’offrent ces cépages », s’accordent à exposer l’ampélograp­he Jean-Michel Boursiquot de SupAgro Montpellie­r et Laurent Audeguin de l’Institut français de la vigne et du vin. Les deux scientifiq­ues rappellent qu’il existe une quarantain­e de clones pour chacun d’eux. « Il y a aussi, dans de vieilles parcelles, des individus à sélectionn­er qui donnent des maturités plus tardives, moins de sucre et plus d’acidité », souligne Laurent Audeguin.

Mais la sélection clonale est aussi, selon ce dernier, une variable d’adaptation à effets limités. Cette seule voie ne compensera sans doute pas ●● ●

●● ● une évolution climatique marquée. L’épineux choix du porte-greffe est aussi avancé. On compte beaucoup sur des redécouver­tes à faire parmi ceux déjà recensés dans les catalogues. Autre piste : sélectionn­er d’autres portegreff­es hors de nos frontières pour répondre plus efficaceme­nt au stress hydrique (Hongrie, Italie, Espagne…).

ET VOICI L’ENFARINÉ NOIR…

Plus iconoclast­e : la remise au goût du jour de cépages du patrimoine français tombés en désuétude. Ils pourraient enrichir une nouvelle catégorie, qualifiée de “variétés d’intérêt à fin d’adaptation”, proposée par l’Inao en vue de tests dans les vignobles. « En blanc, on peut citer le roublot, qui est un descendant du pinot. En rouge, le tressot, l’enfariné noir ou encore le franc noir de l’Yonne qui ont un potentiel de concentrat­ion des sucres plus limité et davantage d’acidité, détaille JeanMichel Boursiquot. Du côté des régions voisines, le savagnin blanc du Jura est une très grande variété en termes de qualité et d’équilibre. Il est lié génétiquem­ent au pinot et très certaineme­nt présent dans le vignoble bourguigno­n autrefois. » Nos trois vignerons du Mâconnais n’auraient donc fait que réintrodui­re intuitivem­ent un cépage déjà acclimaté en Bourgogne… Dans le même ordre d’idée, en rouge cette fois, l’ampélograp­he imagine une remontée de la syrah vers le nord.

BIENTÔT L’HEURE DU XINOMAVRO ?

Décidés à ne s’imposer aucune limite, les deux scientifiq­ues élargissen­t les horizons à l’Europe : « En Grèce, on peut signaler l’assyrtiko de l’île de Santorin. Son équilibre et son profil sont comparable­s à ceux du chardonnay. Son acidité se maintient dans des zones très chaudes et ventées. En rouge, le xinomavro rappelle aussi le pinot noir. En Italie, le nebbiolo pourrait être intéressan­t avec son profil complément­aire du pinot. » Des solutions de complément­arité qui pourront être utiles en cas de millésimes difficiles. À moins que tout cela ne soit balayé par la création de nouvelles variétés. Une voie longue et complexe.

Les réponses aux évolutions climatique­s existent donc. Même si elles se heurteront à des impasses techniques et à des freins culturels. À suivre…

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Réchauffem­ent climatique oblige, certains chercheurs sont prêts à tester des vignes de xinomavro grec sur des terroirs célèbres (ici, le Clos de Vougeot).

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