L’héritage de l’Oligocène
Le terroir de PuisseguinSaint-Émilion révèle peu à peu son potentiel. Les vignerons les plus exigeants offrent de très belles expressions du merlot et du cabernet franc.
L’aire d’AOP Puisseguin-SaintÉmilion est la plus orientale des quatre appellations satellites de Saint-Émilion (1). Le vignoble occupe coteaux et plateaux argilo-calcaires, dans le prolongement nord-est des formations géologiques qui portent les vignes de l’AOP Saint-Émilion.
Le plateau calcaire de Puisseguin, siège des plus beaux terroirs de l’appellation, est constitué de calcaire à Astéries. Il donne des sols calcaires souvent superficiels, de texture limono-argileuse, qui reposent sur la dalle de calcaire dur. Cet ensemble représente 34 % de la surface de l’aire classée (2). « Sur le plateau, on peut pousser loin la maturité des raisins tout en préservant leur fraîcheur car les pH sont ici naturellement bas. Cette acidité donne de la tension au vin et met en relief son fruit. Les vins sont croquants et appréciables dès leur jeunesse », souligne Fabrice Bandiera, directeur technique du château des Laurets.
LA PUISSANCE DES ARGILES
Autre atout du plateau calcaire : l’eau est un facteur limitant qui induit un arrêt de croissance précoce de la vigne, et donc une maturation précoce des raisins. Mais l’alimentation hydrique est régulière malgré les sols superficiels. En effet, la dalle calcaire joue ici le rôle de réservoir. « La roche participe activement à l’alimentation en eau de la vigne en absorbant l’eau excédentaire pendant les pluies et en la restituant aux pieds de vigne par remontées capillaires en cas de sécheresse – c’est pourquoi les vignes développent un système racinaire très dense au contact de la dalle calcaire. Un apport qui peut couvrir jusqu’à 40 % de leur consommation en eau au cours d’un été sec », explique Kees Van Leeuwen, professeur de viticulture à Bordeaux Sciences Agro et à l’Institut des sciences de la vigne et du vin (3).
Les sols superficiels sur calcaire à Astéries constituent des terroirs à l’origine de vins fins et équilibrés. Si l’on cherche des vins plus concentrés et puissants, il faut se tourner vers les sols argilo-calcaires plus profonds issus des molasses du Fronsadais. « Et l’assemblage de vins issus de calcaire à Astéries et de sols sur molasses du Fronsadais permet d’obtenir des rouges à la fois puissants, fins et d’une longue garde », affirme Kees Van Leeuwen.
Les molasses du Fronsadais couvrent 33 % de la surface de l’aire classée, mais elles donnent des sols variables. Généralement calcaires, ils présentent
Le calcaire à Astéries qui structure le paysage a été formé il y a 30 millions d’années lorsque la région était recouverte par la mer stampienne.
une texture sableuse à argilo-limoneuse. Sur les versants exposés au sud et à l’ouest, soit les plus pentus, les sols sont argilo-calcaires, moyennement profonds et ils reposent sur un calcaire tendre. Sur les versants exposés au nord et à l’est, aux pentes plus douces, les sols sont limono-argileux et ne contiennent pas de calcaire (2).
Dans la partie nord du vignoble du château Rigaud, les vignes sont plantées sur des terres argilo-calcaires sur calcaire tendre issues de ces molasses. Des terres plus tardives que celles de la partie sud du domaine, situées plus haut, sur le plateau calcaire.
« Mais ce terroir nous permet aussi d’attendre la maturité juste des raisins. Car même si les baies continuent à se concentrer (le degré potentiel monte malgré tout moins vite que sur le plateau calcaire), la fraîcheur du fruit est particulièrement bien préservée »,
relève Pierre Taïx (château Rigaud, La Mauriane, château Fongaban). Pour autant, les résultats ne sont pas forcément réguliers d’un millésime à l’autre.
« Les années solaires, c’est d’ici que viennent mes meilleurs merlots. Le fruit est très beau et le
vin riche. Mais les années fraîches et humides, il est difficile d’obtenir de bons résultats et il arrive que les baies présentent à la fois un caractère végétal et des notes surmûries, signe d’une maturation incomplète… », poursuit le vigneron.
Au-delà du plateau calcaire et des molasses du Fronsadais, on trouve dans l’aire d’appellation 10 % de molasses de l’Agenais. Cette formation qui recouvre localement le plateau calcaire correspond à des dépôts non carbonatés de texture limono-argileuse, à l’origine de sols plus profonds (2). Ces sols tardifs qui n’induisent qu’une contrainte hydrique tardive et modérée pour la vigne ne conviennent qu’au merlot et leur potentiel n’est intéressant que si l’exposition des parcelles concernées est favorable et leur position haute.
FRAÎCHEUR DU NORD
Situé plus au nord, Puisseguin est plus tardif que Saint-Émilion
Il existe un gradient de précocité au sein de la zone de Saint-Émilion et ses satellites. Le terroir est d’autant plus tardif que l’on va vers le nord-est. Ainsi, Puisseguin est plus tardif que Saint