La République de Seine-et-Marne (Édition A-B)
Josette Baïz : « Ces artistes ont DANSE. révolutionné la danse contemporaine » CHANSON. Camille à Sénart
La troupe Grenade composée d’enfants et d’ados sera bientôt sur la scène du ThéâtreSénart. Vingt ans de danse sous la houlette de la directrice artistique Josette Baïz.
Ils ont entre 7 et 18 ans. Ils ont reçu une formation de danse pluridisciplinaire et parcourent le monde. Sept chorégraphes de renommée internationale leur ont confié des extraits de leurs pièces. Et les jeunes danseurs se les approprient avec une maîtrise technique extraordinaire et une joie communicative. Le résultat d’une pédagogie, celle de Josette Baïz, la directrice artistique, qui propose « Guests 1 », au Théâtre-Sénart, à Lieusaint, les 3 et 4 octobre prochains. Interview.
À travers ce spectacle, vous rendez hommage à 7 grands chorégraphes internationaux. Qu’est-ce qu’un grand chorégraphe, selon vous ?
Quand on a Lucinda Childs, l’une des trois plus grandes chorégraphes de la planète, la question ne se pose même pas. Pour des jeunes, c’est formidable. J’aime bien partir de chorégraphes des années 1970/80, qui ont marqué une époque, et aller vers des émergents comme Wayne Mc Gregor, ce sont aussi de grands chorégraphes. Ces artistes ont révolutionné l’art de la danse contemporaine. Lucinda Childs a amené une de géométrie sur le plateau. Je pense que ce sont de grands chorégraphes mais après c’est l’histoire de la danse qui le dira.
Qu’est-ce qui vous a touché, personnellement, chez ces jeunes chorégraphes ?
Chez Mc Gregor, c’est l’alliance entre la danse classique dans les jambes et, en même temps, une déstructuration du buste qui est très étonnante et nouvelle par rapport à la base de danse classique. Il propulse une formidable énergie. Et il y a une mise en espace, c’est une danse qui est très révoltée. Ces veines artistiques arrivent sont extrêmement intéressantes. Ce qu’a amené Mc Gregor, c’est neuf et c’est très dynamique. Hofesh Shechter encore plus. Dans le bassin des danseurs est à 20 cm du sol. C’est complètement fou. Son travail au sol, sa matière est très nouvelle. Les nouveaux chorégraphes basent leurs recherches sur le fait que le corps doit pouvoir changer de matière. On peut avoir fait 20 ans de danse et être incapable de faire un Shechter. Le corps est bousculé dans tous les sens. Il est toujours conscient de son poids. C’est formidable de voir la différence entre une Lucinda Childs où tout est dans
le saut, dans les piqués, dans une folie spatiale. Et les nouveaux chorégraphes qui sont, eux, proches du sol, et proche du contact.
C’est peut-être l’époque qui veut ça. Un besoin de se reconnecter peut-être ?
Absolument. On retrouve quelque chose d’humain avec ce travail. On est conscient de l’autre. On se fond dans l’autre. Tout est en portés.
De même, qu’est-ce qu’un bon danseur, selon, vous ?
C’est celui qui a le mental aussi ouvert que le corps. Quand il va commencer à danser, il va être capable d’écouter son chorégraphe. La formation que je donne aux danseurs n’est pas académique dans le sens où même s’ils font du classique, du contemporain, du hip-hop, au bout du compte, par l’improvisation, la composition, ce qu’on va chercher, c’est l’ouverture. Cela nécessite de n’avoir pas trop d’ego et surtout d’être en communication, en respect par rapport aux autres, aux chorégraphes. Avec ma pédagogie, on parvient à faire des choses extrêmement difficiles et éloignées. Dans un programme, on peut avoir du néoclassique et des nouvelles énergies.
Est-ce que c’est plus enthousiasmant de travailler avec des enfants et d’arriver à un tel niveau ?
J’ai plus de facilité avec les petits qu’avec les grands parce que les enfants ont cette ouverture justement. Ils sont tellement plein d’admiration et d’envie, qu’en échange, on a envie de leur donner quelque chose. Certains sont clairement des ovnis, mais on peut avoir des enfants qui n’ont pas un niveau technique insensé. Ils sont cependant tellement ouverts, qu’ils vont trouver un chemin pour arriver à exécuter des passages difficiles, des acrobaties, Et puis les enfants savent improviser. Ils donnent une autre lecture de l’oeuvre. Et c’est ça qui intéresse les chorégraphes.
Ça fait 25 ans que vous avez créé le groupe Grenade. Est-ce qui est le plus difficile d’amener les enfants à la danse aujourd’hui ?
C’est plus difficile dans les quartiers. Pour les autres non. Énormément d’enfants aiment la danse. À côté d’Aix en Provence, les écoliers voient nos spectacles et viennent nous voir à la sortie en nous disant qu’ils veulent aussi le faire. Certains ont même forcé leurs parents à déménager. Avec Grenade, on a créé un métissage de cultures chorégraphiques. On a mélangé toutes nos danses : le hip-hop, le classique, le contemporain, la danse orientale, la danse africaine. Ça a donné une forme de danse qui a rencontré beaucoup de succès. Dans les quartiers, on est un peu en réaction inverse. On a plus de mal à les canaliser. C’est tellement dur la danse. Ils s’entraînent dix heures par semaine, en plus de l’école, sans compter les tournées. C’est vraiment difficile pour eux de tout mener de front. Dans les quartiers, on résiste mais c’est dur.
Pourquoi avez-vous choisi de reprendre le thème d’Alice au pays des merveilles ?
Après, Ulysse, Oliver Twist, l’enfance en souffrance est un thème qui revient souvent chez moi. J’essaye de dire des choses plus intérieures, plus refoulées et qui montrent un autre visage de l’enfance. Quand on lit entre les lignes, il s’agit d’un voyage extrêmement inquiétant. Elle passe par des stades difficiles. Disney le traite avec humour. Je ne voulais pas en faire une comédie.
Est-ce que cela vous permet de transmettre davantage d’émotion ?
Le maître mot, c’est l’émotion, en effet. Il suffit de voir ce qu’il se passe dans le monde pour comprendre que l’enfance, ce n’est pas simple tous les jours. Je suis bouleversée par ce qu’on voit partout. Du coup, je me sens investie d’une mission. Par contre, je ne dis pas qu’un jour je ne vais pas faire l’inverse pour aussi emmener les enfants dans quelque chose de très gai, de sorte que le spectateur ressorte avec un grand sourire et l’envie de danser.
Est-ce que le danseur réalise aussi un parcours initiatique, comme Alice ?
Exactement. On parle d’Alice, on lit on s’interroge sur chaque scène. Forcément, ils sont obligés de faire un parcours initiatique. Le danseur va passer une audition, il se remet perpétuellement en cause. Et ça, je trouve que c’est très sain. La technique ne fait pas tout. Loin de là.
L’inclassable Camille est de retour avec un nouvel album « OUÏ » qu’elle présentera au Théâtre Sénart le vendredi 29 septembre à 20 h 30. Voilà plus de quinze ans que cette éternelle jeune fille déploie son énergie hors sol. À chacune de ses apparitions, Camille nous surprend avec, non pas sa voix, mais ses voix rythmées par les percussions et le piano. Elle nous offre des chansons qui se jouent des règles pour nous inciter à jouer. Des chansons qu’on reprend à
gorge déployée dès la pre- mière écoute. Des chansons qui ont remporté une multitude de Victoires de la musique, rempli les Zéniths et fait pleurer plus d’un dur à cuire. Des chansons qui ont fait de la poésie le plus beau des messages politiques. Camille a mis cinq ans à publier un nouvel album, une éternité dans ce monde d’immédiateté digitale, un battement de paupières pour la chanteuse.
« Un parcours initiatique »