RUE AUGUSTE- COMTE : LA FÊTE EST FINIE POUR LES ANTIQUAIRES
La rue Auguste- Comte voit progressivement partir les antiquaires qui ont fait sa réputation. Ils laissent place à d’autres types de commerces, résolument modernes. À l’image de ses commerces historiques, cette rue qui paraît hors du temps est en train de
En remontant la rue Auguste- Comte, qui relie sur
620 mètres la place Bellecour à la place Carnot, on aperçoit ici et là des boutiques aux façades en bois sur lesquelles est encore inscrit « Antiquités » . Les lumières éteintes et les vitrines pleines de poussière laissent deviner que leurs occupants ont quitté les lieux depuis un bon moment. À côté d’un de ces magasins, un showroom exposant des cuisines d’un style très moderne accueille ses clients. Les 70 numéros de la rue, qu’on avait autrefois baptisé
« la Rue des antiquités » , sont désormais partagés entre deux époques: d’un côté les historiques antiquaires, qui ne sont plus qu’une vingtaine, de l’autre des boutiques de prêt- à- porter haut de gamme, les galeries d’art moderne, les décorateurs d’intérieurs et quelques cuisinistes. Un contraste qui illustre parfaitement la crise que traverse la rue, axe central du quartier Ainay. « Dans les années 1980 et 1990, nous avons vraiment connu un âge d’or. À l’époque, nous étions
encore près d’une cinquantaine » , se remémore avec nostalgie Gérard Gérardin. L’antiquaire, spécialisé dans la statuaire, figure parmi les plus anciens de la rue Auguste- Comte. Son père, Paul Gérardin, avait ouvert sa boutique d’antiquités en 1949. En quittant le Vieux- Lyon, il faisait alors partie des premiers antiquaires à s’installer dans cette rue. Mais désormais, la fête est finie. « Aujourd’hui, peu d’antiquaires parviennent à revendre leur commerce à d’autres antiquaires » , se désole l’un des plus anciens professionnels de la rue.
Tous s’accordent à dire que de
puis le début des années 2000 la clientèle a considérablement diminué, voire « littéralement dis
paru » , selon certains. Un journal parisien consacrait en 1993 une pleine page au « Quartier des an
tiquaires » lyonnais. Les magasins de la rue Auguste- Comte et des rues adjacentes figuraient alors comme un passage obligé pour les touristes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pour de nombreux interlocuteurs, tout a changé avec le 11- Septembre 2001. « Du jour au lendemain, les Américains et les Suisses ont arrêté de venir à Lyon. Les antiquaires ont dû faire face à une crise terrible » , se souvient Denis Broliquier, élu maire du 2e arrondissement à la même époque. Depuis, le pli a été pris. « Aujourd’hui, les gens préfèrent malheureusement le commerce sur Internet » , regrette Gérard Gérardin, dont la moitié des ventes est désormais réalisée grâce à son site. « Les gens qui ont de l’argent ont également changé de style. Les jeunes veulent désormais des intérieurs modernes et industriels, alors qu’ils n’ont jamais mis les pieds dans une usine ! » , s’agace Mohamed Nouri, un autre antiquaire prôche du métro Ampère, avec ce style bourgeois si caractéristique de l’artère. C’est peu dire que les antiquaires lyonnais n’ont pas su prendre le virage du numérique. « Certains de mes collègues ne vont jamais
sur Internet, d’autres n’ont même pas d’ordinateur. Comme s’ils étaient encore dans les années soixante » , ajoute un commerçant en vue. D’autres, comme l’antiquaire et galeriste Michel Descours, avancent simplement une perte d’attrait pour la cul
ture. « Dans les années soixantedix, on rencontrait des gens qui aimaient discuter et apprendre. Aujourd’hui, ces gens- là ont disparu » , observe- t- il. D’autres mettent en cause les cambriolages récurrents de maisons bourgeoises dans la région lyon-
naise, qui auraient dissuadé les acheteurs d’investir dans du mobilier ancien et coûteux. Certains, enfin, reconnaissent que les prix excessifs ont également fait fuir
les clients. « Ils ne vous le diront pas, mais pendant un temps, il y a clairement eu des abus en termes de prix. On en a bien profité » , confie un professionnel à voix basse. La nature ayant horreur du vide, un vent nouveau souffle depuis quelques mois sur ce bastion historique des antiquaires. Valérie Eymeric incarne ce renouveau. Propriétaire depuis deux ans de
« Certains de mes collègues ne vont jamais sur Internet, d’autres n’ont même pas d’ordinateur. Comme s’ils étaient encore dans les années soixante. »