La Tribune de Lyon

HÉLÈNE GEOFFROY « MON ASCENSION PROUVE QUE TOUT EST POSSIBLE »

Discrète député- maire de Vaulx- en- Velin, la socialiste Hélène Geoffroy est passée dans la lumière depuis sa nomination en début d’année comme secrétaire d’État à la Politique de la Ville du gouverneme­nt Valls. Elle évoque les enjeux qui l’attendent au

- PROPOS RECUEILLIS PAR OLIVIER VASSÉ

Votre vie a- t- elle tant changé depuis votre entrée au gouverneme­nt en février dernier?

HÉLÈNE GEOFFROY: Non pas vraiment, parce que je travaillai­s déjà beaucoup avant, quand j’étais seulement député- maire ( Elle a depuis confié ses deux mandats à d’autres élus en raison des règles de non- cumul des

mandats, NDLR). Je suis juste un peu moins dans le quotidien immédiat, je fais le tour de France et je ne rentre à Vaulx- en- Velin qu’en fin de semaine. Mais je suis régulièrem­ent en contact avec le nouveau maire, c’est important pour moi de garder un lien avec la ville. Je ne vous cache pas que je me suis demandé au début comment j’allais faire! Sans doute parce que je suis une femme, car j’ai l’impression que les hommes se posent moins ce genre de questions… Mais j’avais envie d’être utile et je suis fière d’être entrée au gouverneme­nt dans cette dernière ligne droite. Avec l’objectif d’être la plus efficace possible. Je ne regrette pas notre victoire en 2012 et les choix que nous avons fait, car nous avons pu rétablir certaines priorités, comme les questions d’éducation.

Concrèteme­nt, qu’est- ce qu’on peut faire avancer comme dossier en un an à peine de présence au gouverneme­nt?

C’est sûr que je ne pourrais pas faire voter de loi en aussi peu de temps. Mon ambition est juste de faire vivre la loi Lamy votée en 2014 sur la politique de la ville. C’est une mission importante de ne pas tomber dans la stigmatisa­tion des quartiers populaires, car les habitants font preuve au quotidien d’une vraie créativité pour créer ou trouver du travail.

Mais vous n’allez pas pouvoir changer grand- chose…

On a déjà présenté plein de choses lors du comité interminis­tériel organisé en avril à Vaulx- en- Velin. En présence du Premier ministre, à ma grande fierté! On a pu mettre en pleine lumière les questions de l’école et de l’éducation. Notamment l’effort qui va être consenti sur le bâti. Dans les quartiers populaires, les écoles ont beaucoup vieilli, les peintures sont abîmées, il y a des fuites, les bâtiments ne sont pas connectés… Alors que ce sont les premiers lieux où s’incarne la République. On a aussi lancé une opération pour coacher tous les bac + 3 qui sortent de ces quartiers et qui ne trouvent pas de travail à hauteur de leur niveau de qualificat­ion. Dans les territoire­s où ce système de coaching a été testé, 70 % d’entre eux trouvent un job. Voilà à quoi je sers, à compléter le tableau d’ensemble.

Comment fait- on pour ne pas prendre la grosse tête quand on a des chauffeurs, des gardes du corps, qu’on côtoie le président de la République?

Je ne suis pas sûre d’avoir le droit de le dire, mais je conduis toujours seule ma voiture quand je suis à Vaulx ( elle rit). En fait, c’est une question d’âge. À la quarantain­e, on est un peu stabilisé, on a appris à faire la part des choses entre les apparences et le fond. Mais il faudra vérifier si c’est toujours le cas dans un an ( elle rit à nouveau). En fait, je prends beaucoup de distance et j’ai une vraie faculté à ne pas me prendre au sérieux. Et puis de revenir chaque semaine à Vaulx- en- Velin, cela aide à garder les pieds sur terre. C’est important

aussi d’avoir une vie personnell­e. Quand on a, comme moi, des ados, on est obligé de rester dans une réalité concrète, du coup on ne peut pas perdre pied. Même si on se partage les tâches avec mon mari.

On ne vous sent pas très à l’aise pour évoquer votre vie privée…

Je n’aime pas en parler. Jamais, même avec mes plus proches collaborat­eurs. J’impose déjà beaucoup d’enquiquine­ments à ma famille avec mes contrainte­s de temps, je n’ai pas envie en plus de l’exposer. La vie d’élue me prend beaucoup de temps et m’empêche d’avoir une vie sociale comme je pouvais en avoir quand j’étais étudiante. Alors ma vie familiale, je la garde pour moi.

Il n’y a pas eu beaucoup de femmes noires dans un gouverneme­nt de la Ve République. Est- ce pour vous une responsabi­lité supplément­aire et un message positif à faire passer auprès des Français qui se sentent exclus?

Oui, cela prouve que malgré nos diversités d’apparence, on partage tous les mêmes valeurs. Oui, les gens des quartiers peuvent irriguer toute la société, pas seulement dans la musique ou le sport. Mon ascension prouve que toutes les réussites sont possibles en France. Mais j’aimerais aussi qu’on sorte de la phase de victimisat­ion, parce qu’il faut aussi se bouger pour y arriver. Personnell­ement je n’ai jamais été dans la revendicat­ion, en tout cas autre que féministe. Et c’est vrai que sans la loi sur la parité votée sous Jospin, je ne serais pas là aujourd’hui à répondre à cette interview. J’ai clairement bénéficié de cette loi, lors des municipale­s de 2001, pour entrer en politique. Comme quoi les lois peuvent changer des choses! D’autant que je n’avais pas vraiment choisi des études qui mènent à la politique: au départ, j’étais chargée de recherches en mécanique à l’École nationale des travaux publics de l’État de Vaulx- en- Velin. C’est parce qu’on est venu me chercher à la section socialiste de Vaulx que j’ai vraiment commencé à faire de la politique.

En quoi votre participat­ion au gouverneme­nt peut profiter à Vaulx ?

Ce n’est pas parce que je suis au gouverneme­nt que la ville va être davantage aidée. Cela ne marche pas comme ça, on n’est pas dans un système monarchiqu­e ! Par contre, je reviendrai à Vaulx riche de nouvelles idées. En faisant le tour des villes de France, j’ai découvert des projets auxquels je n’aurais pas pensé. Et puis cette expérience me permettra de mieux connaître les dispositif­s d’aide de l’État qui existent, de mieux aiguiller un dossier…

Dans un an, avec le non- cumul des mandats, il faudra choisir entre rester maire ou député. Où ira votre préférence ?

J’ai à coeur de finir mon mandat de maire parce que j’ai pris un certain nombre d’engagement­s. Notamment en ce qui concerne le redresseme­nt de la ville et de ses finances. Vaulx- en- Velin commence à changer, la mixité sociale est en train de se construire, même si c’est encore fragile. Il faut d’abord que je rencontre les militants cet été pour voir comment préparer les choses. L’idée est de construire pour les législativ­es un ticket qui fasse consensus auprès des militants. Je déclarerai officielle­ment mes intentions en septembre.

Certains élus lyonnais vous prêtent l’intention de mettre la main sur la Fédération socialiste avec d’autres élus de l’est lyonnais, notamment ceux de Villeurban­ne. C’est vrai ?

Non, je ne suis pas dans un esprit de conquête. En revanche, je considère que tout le monde doit pouvoir exister au sein de la Fédération PS et qu’on peut réfléchir tous ensemble, pas qu’entre Lyonnais… Je l’ai déjà dit à David Kimelfeld qui dirige le parti dans le Rhône. On a perdu pas mal de villes en 2014, je pense qu’il est temps de se mettre en ordre de marche pour les législativ­es ainsi que pour les prochaines municipale­s. Et je pense que dans l’Est lyonnais, on a les capacités pour accompagne­r nos camarades. C’est un discours que j’ai tenu en conseil fédéral, juste avant mon entrée au gouverneme­nt. Alors peut- être que le message a été mal compris, mais je n’ai pas l’ambition de prendre la Fédé comme certains l’imaginent.

« Oui, les gens des quartiers peuvent irriguer toute la société, pas seulement dans la musique ou le sport. »

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