C’est pas du Bergman.
« L’Outsider » de Christophe Barratier
Le procédé est assez inédit. Alors que dans le cinéma français, on traite le plus souvent courageusement les sujets à chaud quand ils sont déjà dans les livres d'histoire ( prise de risque totale du genre : « Oui je le révèle, il y a eu des collaborateurs pendant la guerre… » ) , Christophe Barratier ( Les Choristes) traite de l'affaire Kerviel en plein procès Kerviel. Le personnage principal n'est pas masqué sous un nom évocateur, du style Loïc Le Troudec. Il s'appelle Jérôme Kerviel, travaille bien à la Société générale, au siège de la Défense, et pas dans la banque Tourix à Groland. On craignait cependant la suite. À quoi bon radoter sur une histoire régurgitée au jour le jour dans la presse, sinon pour lancer un énième brûlot moral, cher à l'intermittent du spectacle, décrivant le sort injuste d'un salarié non syndiqué, victime expiatoire du capitalisme aveu--
gle et vampirique ? De plus on connaît la fin, « tu prends ta trousse et ton taille- crayons, et tu sors, vu que tu viens d'engager frauduleusement 50 milliards d'euros ( sic) au mo
ment ou la bourse dévisse » . Surprise : au contraire, ce film est un remarquable thriller. Non seulement le monde viril des traders, des gros lourdauds capables de bizuter un collègue en lui faisant avaler un poisson rouge vivant, tout en jonglant avec des millions, est haletant, mais qui plus est, le film ne juge pas. Il montre l'aventure extraordinaire d'un type ordinaire, fils d'un chaudronnier et d'une coiffeuse, tombé dans le vertige des chiffres, sans pute ni coke. Cela suffit et c'est très malin.
L’OUTSIDER. De Christophe Barratier Genre : leçon de malversations boursières ( tu fais un spiel, et ensuite tu mets sous le carpet). France. 1 h 57. Avec Arthur Dupont, François- Xavier Demaison, Sabrina Ouazani…