Point de vue de Boris Tavernier, fondateur de l’association Vrac
BORIS TAVERNIER, FONDATEUR DE L’ASSOCIATION VRAC Depuis 2014, l’association lyonnaise Vrac ( Vers un réseau d’achat en commun), développe la consommation de produits bio et locaux dans les quartiers populaires, longtemps associés à la « malbouffe » . Pour
« Proposer une autre façon de consommer, c’est aussi aider à faire face à la précarité, revaloriser l’image de soi et favoriser l’“agir” individuel et social. »
Banlieues, zones prioritaires, quartiers « poli
tique de la Ville » … Insécurité, délinquance, radicalisation, communautarisme, misère, précarité, assistanat… Les noms – comme les clichés– ne manquent pas pour qualifier et définir les quartiers populaires, où ceux qui en parlent le plus ne mettent jamais les pieds. Parmi ces clichés véhiculés quotidiennement : la malbouffe. Certes, les taux d’obésité et de diabète sont beaucoup plus élevés dans les quartiers populaires, mais ce n’est pas de la volonté des habi
tants de mal se nourrir. Je vois dans les quartiers des habitants qui s’organisent pour vivre plus conformément à leurs valeurs et à leurs aspirations. Avec des moyens financiers extrêmement limités et face à une absence de choix, ils sont contraints d’orienter leur consommation vers le moins cher à défaut de la qualité, mais surtout de la santé. Je pense notamment à Safya, une habitante de La Duchère, qui élève seule ses trois enfants avec peu de revenus. Pour elle, consommer des produits sains, issus de l’agriculture paysanne ou biologique, s’engager dans une consommation durable et responsable, sont des préoccupations qui lui paraissaient hors de portée. Pourtant, de multiples ac- teurs se sont fédérés autour des habitants afin de lutter contre les inégalités en matière de consommation et permettre ainsi de manger mieux, mais aussi de participer à l’écologie et au développement durable en achetant des aliments bio, locaux, et des produits d’entretien écologique à des prix bas.
Depuis 2014 l’association Vrac ( Vers un réseau d’achat
en commun) favorise le développement de groupements d’achats dans les métropoles de Lyon, de Strasbourg et de Bordeaux. L’objectif est de permettre l’accès au plus grand nombre à des produits de qualité issus de l’agriculture biolocale, cela à des prix bas grâce à la réduction des coûts intermédiaires ( circuitscourts) et superflus ( limitation des emballages). Le défi est de prouver que la malbouffe n’est pas une fatalité. Proposer une autre façon de consommer, c’est aussi aider à faire face à la précarité, revaloriser l’image de soi et favoriser l’ « agir » individuel et social. Cette initiative a été rendue possible grâce à la mobilisation de bailleurs sociaux et des structures associatives pour la promotion des quartiers d’habitat social et de leurs habitants. Mais elle associe aussi des producteurs locaux et fournisseurs responsables, ainsi que des professionnels de la politique de la Ville et des acteurs de l’économie sociale et solidaire, qui ont apporté leur concours au projet. Les habitants sont ainsi acteurs de leur consommation. Ils vont même plus loin dans cette démarche : ils travaillent au renforcement du lien entre la ville et la campagne en rencontrant sur leur exploitation différents producteurs, ou encore en organisant des concours de cuisine dans les quartiers, aux pieds des immeubles. Le prochain challenge commun est de valoriser les compétences culinaires des « mamans des quartiers » , en travaillant à la conception d’un livre de recettes en collaboration avec des nutritionnistes, illustrateurs, photographes, écrivains, cuisiniers et graphistes. Un recueil réalisé évidemment par et avec les habitants des quartiers populaires, mais à destination de tous…