La Tribune de Lyon

ALAIN PARTOUCHE : « LA LAÏCITÉ DEVIENT LE CHEVAL DE TROIE DU RACISME »

Alain Partouche, chef d’entreprise. Chef d’entreprise lyonnais et juif pratiquant, Alain Partouche considère que le débat actuel sur le burkini masque une attaque en règle contre la démocratie et les libertés individuel­les…

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En tant que républicai­n et français de confession juive, je suis extrêmemen­t choqué par le débat actuel sur le burkini. J’ai l’impression, lorsque j’écoute ces débats, que l’on oublie vraiment les fondamenta­ux de notre pays et que la laïcité est devenue le cheval de Troie de l’intoléranc­e. Sous prétexte de laïcité, on s’arroge le droit de dire que l’on n’est pas d’accord avec le mode de vie d’une communauté. La Loi de 1905 a acté la séparation de l’Église et de l’État, mais chacun a toujours le droit de vivre et de se vêtir comme il le souhaite, tant qu’il ne crée pas de trouble et ne remet pas en cause les règles de la République. Imposer à quelqu’un la forme de son maillot de bain, c’est une véritable entrave à la liberté de la Personne.

J’entends certaines personnes mettre sur le même plan le burkini et les femmes

entièremen­t voilées, alors que cela n’a rien à voir. La République se vit à visage découvert, il n’est donc pas acceptable de déambuler dans un tchador qui masque entièremen­t son visage. Le phénomène du burkini, lui, n’est qu’un mauvais prétexte pour entretenir des peurs et stigmatise­r une communauté. Aujourd’hui, ce sont les musulmans qui sont ainsi montrés du doigt, sous le prétexte fallacieux qu’une infi me partie d’entre eux, dans certains pays dont on ne connaît pas grandchose ici, sont des assassins sans foi ni loi. Et demain, quelle autre communauté sera ainsi visée et sous quel prétexte ? Justifi er cette intoléranc­e, c’est antidémocr­atique et antirépubl­icain.

Cela pose une question fondamenta­le : que veut- on

pour notre pays ? Que fait- on de cette fantastiqu­e mosaïque sociétale qui fait notre richesse ? Doit- on tous devenir des clones et nous habiller de la même façon ? Je ne crois pas. Je préfère des communauté­s intégrées dans leur diversité et leurs différence­s plutôt qu’une population complèteme­nt assimilée et qui a oublié ses racines. De plus en plus, la France refuse le droit à la différence. Dès que l’on voit une personne différente, on est tenté de l’exclure et c’est très grave.

A- t- on parlé à ces femmes ? Que connaît- on de leur

mode de vie ? Je ne les ai pas beaucoup entendues et je pense qu’elles n’ont besoin de personne pour protester si elles estiment que leur indépendan­ce est menacée. Et surtout pas de ceux qui utilisent la laïcité comme un moyen grossier pour les exclure. Certains redoutent que ces vêtements constituen­t une propagande pour un mode de vie et une organisati­on politique qui ne sont pas les nôtres. Mais la France, c’est la France. La situation ici n’est pas comparable à celle d’un pays totalitair­e. Et lorsque l’on veut à tout prix que l’autre fasse ce que l’on croit bon pour lui, même s’il n’est pas d’accord, c’est le début de la dictature. Toutes les comparaiso­ns grossières de ce type, que l’on entend malheureus­ement trop souvent ces derniers jours, mènent au racisme, à la xénophobie, à l’islamophob­ie et à l’antisémiti­sme.

« Que veut- on pour notre pays ? Que fait- on de cette fantastiqu­e mosaïque sociétale qui fait notre richesse ? »

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