Vivre à Belle cour : enfer ou paradis ?
C’est la plus grande place de Lyon et même la plus grande place piétonne d’Europe. Son revêtement rouge est incontournable. Prisée des touristes, fréquentée par les Lyonnais, occupée par des dizaines de manifestations toute l’année, la place Bellecour est
Deux mois après la fi nale perdue par l’équipe de France, l’Euro de football est encore dans toutes les têtes, place Bellecour. Les riverains de la plus célèbre esplanade lyonnaise ont vécu la compétition au plus près, par le biais de la fan zone installée sous leurs fenêtres. Mais plus que les coeurs des habitants, ce sont surtout les murs des immeubles qui ont vibré au fi l des exploits de la bande à Griezmann et Pogba. Nicole Peloux habite au début de la rue AugusteComte. Elle ne décolère pas : « Je ne me suis pas installée ici en 1977 pour avoir le foot à ma porte. J’attends toujours d’être indemnisée d’un douzième de la taxe foncière pour le mois de préjudice subi » . L’énergique dame de 75 ans, très investie dans la vie du quartier et intarissable sur son histoire, ressasse encore ce mois terrible pour elle. Elle détache les syllabes. « Le soir où le Dj Bob Sinclar est venu, c’était ho- rri- ble » . Si la fi dèle du 2e arrondissement reconnaît que les murs qui tremblent, les fenêtres qui tressautent et les fl ux de supporters avinés sont dûs à cet événement exceptionnel, ils représentent pour elle ce qu’est devenue Bellecour : « Une place de foire. Tous les riverains pensent cela » .
« Les manifestations qui se terminent ici avec CRS et gaz lacrymogènes, ce n’est pas très bon en termes d’image. »
Une place toujours occupée Parmi ces riverains, Pascale Wattinne, qui habite au 15 de la place depuis « plus
de 20 ans » . Cette professeur de gestion aux Maristes, conjointe d’Antoine Wattinne, directeur exécutif chez Cegid, pense que « la fan zone devait se tenir à Bellecour » , mais elle déplore surtout la multitude d’animations qui occupent l’espace toute l’année. « C’est impossible de photographier la place Bellecour dans son ensemble. Quand ce ne sont pas les Fêtes consulaires qui s’installent, c’est la Fête du livre, le tournoi de pétanque… Pourquoi le maire ne met pas tous ces festoches vers chez lui, aux Terreaux, s’il les aime tant ? » La question se pose aussi au prestigieux Cercle de l’Union. Ce club lyonnais, qui regroupe plus de 500 entrepreneurs, hommes d’affaires et avocats, est installé depuis près de cent ans au 27 place Bellecour. Ses salons servent de lieux de réception. Déjeuners et dîners y sont régulièrement organisés entre gens de bonne compa- gnie. Là aussi, la fan zone a fait des dégâts. « Notre chiffre d’affaires a connu une forte baisse pendant la compétition » , affirme CharlesHenri Latard, le gérant du Cercle, qui parle d’une place régulièrement « sacrifiée » . « Les manifestations qui se terminent ici, avec les CRS et les gaz lacrymogènes, ce n’est pas très bon en termes d’image. » Ces constats découlent d’un fait depuis longtemps établi : la place Bellecour n’appartient pas à ses habitants. C’est un lieu de transit, de rendez- vous, d’événements. Les « autochtones » n’y possèdent pas « leur » boulanger ou « leur » fromager, comme cela peut être le cas dans des quartiers plus résidentiels, comme la Croix- Rousse. Les commerces des environs brassent chaque jour Lyonnais de passage, touristes et employés du coin. Et cela parce que, bon an mal an, Bellecour reste Bellecour : une carte de visite de Lyon, synonyme d’histoire et de prestige.
Une vitrine pour les institutions Une facette que reconnaît Charles- Henri Latard. « On a toujours l’impression de se plaindre. Mais objectivement, Bellecour est un endroit très beau et agréable pour travailler » , ajustet-il, installé dans un fauteuil molletonné du bar du Cercle de l’Union, qui donne sur une charmante terrasse protégée des regards. L’empla
cement du Cercle est pour lui « un avantage et un inconvénient. Bellecour est le centre historique de Lyon, mais le centre économique de la ville est à la Part- Dieu. S’il est toujours prestigieux de venir ici, notamment pour le dîner, ce n’est pas pratique de venir depuis la Part- Dieu le midi :