Cinéma
Critiques. « Brooklyn Village » de Ira Sachs - « Cézanne et moi » de Danièle Thompson - « Juste la fi n du monde » de Xavier Dolan
Ne vous fiez pas à son titre français au New York marketé. Le dernier film d’Ira Sachs, Little men ( titre original), a beau se passer à Brooklyn, il n’a rien d’un ersatz de Woody Allen. C’est même tout le contraire : autour de la simple augmentation de loyer d’une boutique, Ira Sachs met en scène le déclassement, les boule- versements familiaux et sociaux, dans un drame tchékhovien à la douceur infinie dans lequel chacun a ses raisons. Toute la grâce de ce faux petit film, c’est de le faire à travers le portrait croisé de deux « petits hommes » pris dans la nasse des problèmes d’adulte, dessinant le tableau d’une adolescence à l’amitié aussi indécise que fusion- nelle. L’un est plus artiste et plus androgyne ( Théo Taplitz), l’autre est plus viril et plus direct ( Michael Barbieri). Les deux sont en état de grâce, encore dans l’innocence d’une affection sans nom qui va devoir se construire en miroir face aux réalités sans concession des adultes. Avec un minimalisme digne des grands réalisateurs, Sachs est capable de trahir en une scène une embrassade des parents à l’ombre du regard de leur fils ou la solitude d’un artiste doué qui voit partir l’ami qui lui servait de modèle vers d’autres destinées sentimentales. C’est beau comme du Marcel Proust précipité à New York.