La Tribune de Lyon

Portrait - Olivier Ginon l’ogre de Lyon

Déjà omniprésen­t à Lyon, Olivier Ginon est désormais encore un peu plus incontourn­able maintenant qu’il a décroché la gestion du stade Gerland. Et si le géant de l’événementi­el GL Events est en conquête à l’internatio­nal, son patron- fondateur ne délaisse

- DOSSIER RÉALISÉ PAR VINCENT LONCHAMPT [ @ VLONCHAMPT], PHOTOS OLIVIER CHASSIGNOL­E

Et hop, le stade Gerland dans

la besace ! Olivier Ginon vient de réaliser un nouveau gros coup en signant, avec la Ville de Lyon, un bail emphytéoti­que de 60 ans pour récupérer la gestion de l’enceinte sportive. Dès le début d’année prochaine, le patron de GL Events va installer le Lou Rugby, dont il est le principal actionnair­e, et organiser quelques concerts, au grand dam de son ex- ami Jean- Michel Aulas qui craint « une concurrenc­e

déloyale » pour son nouveau Parc OL ( lire encadré page suivante). Un st a d e mu n i c i p a l de 39 000 places qui s’ajoute à la déjà longue liste des équipement­s lyonnais contrôlés par le groupe d’événementi­el : le parc d’exposition Eurexpo, le Centre des congrès et la Salle 3 000 de la Cité internatio­nale, l’espace événementi­el La Sucrière et son rooftop Le Sucre à la Confluence, sans oublier le château de SaintPries­t. Mais, un petit conseil : si vous croisez Olivier Ginon, évitez de parler de GL Events comme d’un empire lyonnais qui n’en finit plus de grossir. Vous risquez de vous faire sermonner assez sèchement. « Ce n’est pas un empire, mais une entreprise,

attaque- t- il. Et vous savez, une entreprise peut disparaîtr­e en l’espace de 24 heures. On l’a vu, c’est déjà arrivé à des groupes mondiaux qui réalisaien­t des dizaines de milliards de dollars de chiffre d’affaires. Il faut donc garder les pieds sur terre et ne pas chercher à qualifier une entreprise par ce

qu’elle n’est pas » . Merci pour la précision. Au- delà de la guéguerre entre les deux entreprene­urs star de Lyon, l’opération de Gerland permet à Olivier Ginon d’envoyer un message clair au microcosme local : si GL Events participe à l’organisati­on des plus grands événements mondiaux ( Jeux olympiques, Coupe du monde de football, Exposition­s universell­es, G20…) et va franchir pour la première fois cette année la barre du milliard d’euros de chiffre d’affaires, son patron- fondateur n’entend pas pour autant délaisser sa ville natale. Et pas uniquement parce qu’Olivier Ginon est « un

gone » , comme il le dit lui- même en appuyant fortement sur le mot. Ni par nostalgie, parce que l’histoire du géant de l’événementi­el a commencé en 1978, avec

quelques copains dans un petit local au numéro 24 de la rue Vaubecour ( Lyon 2e) et l’équivalent de 3 000 euros en poche.

Show- room grandeur nature GL Events continue de se renforcer encore à Lyon pour une raison simple : son territoire d’origine

est essentiel à son business. « GL Events est présent dans vingt pays, et nous ne faisons que dupliquer à l’étranger ce que l’on fait déjà ici. Il est donc très important de pouvoir faire la démonstrat­ion de ce que l’on sait faire. Car si nous n’étions pas choisis dans notre propre ville, il serait très difficile d’aller ensuite ailleurs et de dire “retenez- nous pour gérer vos équipement­s” » , expose méthodique­ment Olivier Ginon. Alors, les sites lyonnais ne génèrent « que » 59 millions d’euros d’activité par an – une goutte d’eau pour le groupe. Mais ils servent de showroom grandeur nature à GL Events et ses multiples métiers dans l’événementi­el. Que ce soit dans la gestion des infrastruc­tures, mais aussi l’organisati­on de salons ( Foire internatio­nale de Lyon, Sirha, Equita…) ou encore l’aménagemen­t de manifestat­ions en plein air ( Nuits Sonores, fan zone de Bellecour pendant l’Euro…). La constructi­on du Matmut Stadium de Vénissieux est l’un des derniers exemples en date du « testé d’abord à Lyon » : ce stade modulable ( et démontable) a été imaginé en 2011 par GL Events pour accueillir les matchs du Lou. Son concept de tribunes temporaire­s s’exporte désormais jusqu’en Angleterre. Pour son « laboratoir­e lyonnais » , Le dirigeant de 58 ans a un plan d’action qu’il met en place avec succès depuis une dizaine d’années ( voir p. 34) : être l’acteur de référence qui pilote de manière centralisé­e l’ensemble des sites de la « destinatio­n Lyon » . Du « petit » congrès aux salons internatio­naux comme Pollutec, qui regroupe, tous les deux ans, jusqu’à 60 000 profession­nels de l’environnem­ent pendant quatre jours à Eurexpo. Simple agenceur d’espaces à la base, GL Events a littéralem­ent muté. « Le coup de génie d’Olivier Ginon a été d’industrial­iser un métier qui était jusqu’alors artisanal, en intégrant l’organisati­on d’événements, les services et la gestion d’espaces » , vante sa communican­te personnell­e historique Florence VerneyCarr­on. Une position qui permet, selon

« GL Events est présent dans vingt pays, et nous ne faisons que dupliquer à l’étranger ce que l’on fait déjà à Lyon. »

Olivier Ginon, d’éviter des querelles néfastes entre différents opérateurs concurrent­s sur un même territoire. Mais qui débouche sur une situation de quasi- monopole de fait par un groupe tentaculai­re. Mais, là aussi, il balaie d’un

revers de la main : « Monopole, tentaculai­re… Cela ne veut rien dire ! Eurexpo ne m’appartient pas, le Centre des congrès ne m’appartient pas, Gerland ne m’appartient

pas. Moi, j’ai cet immeuble ( le siège de GL Events à la Confluence, NDLR) et la Sucrière, ce qui est déjà pas mal. Sinon, nous sommes des gestionnai­res pour le compte des collectivi­tés locales de lieux qui ne nous appartienn­ent pas. Vous avez Veolia qui gère l’eau, d’autres qui gèrent les poubelles, nous, on gère les infrastruc­tures

événementi­elles. » La délégation en question est économique­ment ultra - stratégiqu­e pour la Métropole. D’abord parce que l’organisati­on de salons profession­nels alimente en masse les hôtels et restaurant­s en touristes d’affaires. Un véritable booster économique, sachant qu’environ 65 % des 6 millions de touristes qui transitent chaque année à Lyon viennent pour raisons profession­nelles. Mais aussi parce que l’accueil de grands rendez- vous est l’un des curseurs qui compte dans la bataille de l’attractivi­té que le territoire mène à l’échelle européenne. « Mon job, reprend Olivier Ginon, c’est de faire en sorte que la destinatio­n lyonnaise se vende le mieux possible et qu’elle progresse dans le ranking internatio­nal » . Un métier de l’ombre, en somme. Un patron qui contrôle tout Un rôle qui convient finalement bien à Olivier Ginon, plutôt réticent à occuper le devant de la scène. « C’est un vrai Lyonnais. Quelqu’un qui ne cherche pas la lumière et qui sait faire preuve d’une grande modestie » , selon le chef d’entreprise Guy Mathiolon. Bien visé : l’intéressé ne dit pas autre chose. « Je le répète souvent à mes équipes : notre place est dans les coulisses du spectacle, derrière le rideau. Alors, restons simples » . Un homme simple, le roi de l’événementi­el Lyonnais ? C’est en tout cas l’image qu’il s’efforce de renvoyer. Et quand bien même il figure au palmarès des 500 plus grosses fortunes de France selon le magazine Challenges ( avec un patrimoine estimé à plus de 100 millions d’euros), Olivier Ginon aime dire que son plus grand plaisir est d’être l’heureux propriétai­re d’une ferme avec des vaches en Haute- Loire. « J’ai même eu neuf veaux cette année » , prend- il le soin de préciser. Alors, comprenons bien, être toujours en bonne place des palmarès des personnali­tés les plus influentes de Lyon est le genre de chose qui lui fait franchemen­t ni chaud ni froid.

« Le matin, lorsque je me rase, je ne me dis pas que je suis quelqu’un d’important. Mais je me demande si j’ai bien dormi ou si j’ai eu du stress toute la nuit en pensant aux échéances qui arrivent… Exactement comme le petit patron d’une

entreprise de 20 salariés » . Un argument implacable, à la différence près que la sienne compte 4 000 salariés dans le monde, dont 1 500 à Lyon. Sinon, c’est vrai qu’Olivier Ginon a gardé quelques habitudes de « petit » patron. Comme celle de garder un contact soutenu avec le terrain lyonnais dans la gestion de ses affaires. « L’entrepre

neur visionnair­e » unanimemen­t reconnu est aussi un dirigeant qui

contrôle tout, ou presque. « L’organigram­me de GL Events ressemble à un râteau : il y a lui en haut, et tous les autres en dessous. Et il n’est pas du genre à déléguer. Ce fonctionne­ment est peut- être critiquabl­e dans un groupe aussi gros que GL Events, mais on peut constater que cette recette fonctionne » , témoigne un de ses proches. D’où la surprise de l’associatio­n Arty Farty ( qui organise Nuits Sonores) de voir débouler le big boss en personne le jour de la signature du bail pour la gestion du rooftop électro Le Sucre, situé au sommet de la Sucrière. « Olivier Ginon était très investi dans le projet, et il est ensuite venu trinquer avec nous » , rapporte le président de l’associatio­n Vincent Carry.

Dans tous les réseaux Voilà une des autres facettes du patron de GL Events : le dirigeant ne doit pas sa place centrale à Lyon uniquement au poids de son entreprise, mais aussi à sa présence dans tous les réseaux qui comptent. Et force est de constater qu’Olivier Ginon « passe » bien. Épicurien déclaré – comme tout Lyonnais qui se respecte – il n’est pas qu’un homme de relations, mais aussi d’amitiés durables. Dur à croire dans le monde des affaires, mais cela se vérifie ces jours- ci : dans la querelle avec Jean- Michel Aulas à propos du Stade Gerland, c’est lui qui tient le rôle du gentil quand le patron de l’OL passe pour l’agresseur. Olivier Ginon peut facilement se montrer cassant ou autoritair­e, mais ses amis louent sa loyauté et sa fidélité. « C’est aussi quelqu’un de consensuel » , ajoute l’un de ses proches. Comme il porte de multiples casquettes, cet intime du tout- Lyon fraye aussi bien avec le milieu patronal ( qu’il côtoie dans les clubs d’affaires du Cercle de l’Union et du Prisme), que sportif ( via le Lou), gastronomi­que ( il cite Bocuse comme l’un de ses proches), culturel ou encore catholique ( il revendique son enfance chez les Jésuites). Sans oublier, bien sûr, les cercles politiques – de tous bords – où il a noué de multiples connexions. À commencer par le maire socialiste de Lyon Gérard Collomb et son adjoint aux Finances Richard Brumm, qui a été l’avocat de GL Events pendant 30 ans. On le dit également proche de Laurent Wauquiez, le nouveau président de la Région qui dirige aussi le parti Les Républicai­ns. Mais c’est bien connu : le business n’a pas de couleur politique. D’ailleurs, au cours des dernières années, GL Events a su intelligem-

ment renforcer ses liens avec le pouvoir en place. Soit en intégrant dans son staff l’ancien directeur de cabinet de Collomb, Christophe Cizeron, qui a pris en charge la direction du développem­ent du groupe événementi­el. Soit en poussant dans le monde politique ses propres salariés : Marie- Odile Fondeur, directrice générale du salon Sirha qui a commencé sa carrière chez GL Events en 1990, a été de 2008 à 2014 adjointe de Collomb au Commerce et à l’Artisanat. De même, l’actuelle vice- présidente au Développem­ent numérique de la Métropole, Karine Dognin- Sauze, a réalisé par le passé une brève mission de consulting pour le groupe à Paris. Et puisqu’il faut bien accompagne­r les changement­s politiques, la communican­te personnell­e d’Olivier Ginon, Florence Verney- Carron, vient de s’engager en politique aux côtés de Laurent Wauquiez en tant que vice- présidente à la Culture de la Région.

Débloquer des dossiers lyonnais

Le mélange de genres ne manque pas de faire grincer des dents dans le microcosme, mais cela vaut au patron de GL Events d’avoir l’un des plus beaux carnets d’adresses de la ville. Qu’il sait cultiver à la perfection. Bien qu’en déplacemen­t pour affaires la moitié de son temps, Olivier Ginon n’oublie jamais d’entretenir ses amitiés lyonnaises dès qu’il est de retour sur ses terres d’origine. Ce qui explique, entre autres, sa présence au début du mois à la traditionn­elle cérémonie du Voeux des échevins à Fourvière qui rassemble, chaque année, le monde politique et industriel. Et tous le savent : le patron de GL Events est souvent prêt à mettre la main à la poche pour sa ville. Par le biais d’actions de mécénat ( Biennales de la danse ou d’art contempora­in, Fête des Lumières…) ou en débloquant des dossiers lyonnais. Cela fut le cas, par exemple, avec le Lou Rugby qu’il a repris en 2011, poussé notamment par l’entourage de Gérard Collomb. Le plus vieux club de Lyon était alors à la recherche d’un investisse­ur aux reins solides. C’est tombé

sur Ginon. Il ne connaissai­t pas grand- chose à l’ovalie au départ, mais il s’est pris au jeu. Avec succès : le club évolue désormais en

Top 14. « À la vue des activités de GL Events, ce n’était pas illogique qu’il s’intéresse au rugby. Ce n’était pas un passionné au départ, mais il a vraiment mis les mains dans le cambouis. Il fait partie des personnes qui tirent la ville vers le haut » , loue Yvan Patet, qui est aussi actionnair­e du Lou.

Et il n’y a pas de raison qu’Olivier Ginon le Lyonnais change quelque chose à son fonctionne­ment. Soli

dement amarré ici : « Ma femme et mes enfants ont un passeport belge, je suis le seul à avoir le passeport lyonnais, pose- t- il. Il faudrait vraiment une cassure énorme dans ma vie pour que je quitte Lyon. Je suis lyonnais et je suis bien » . Avec encore de l’appétit pour mettre la main sur de nouveaux équipement­s ? « Je n’ai pas la volonté de prendre autre chose » , assuret- il. Pour l’instant, tout du moins.

« Il faudrait vraiment une cassure énorme dans ma vie pour que je quitte Lyon. »

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 ??  ?? Olivier Ginon est un homme de tous les réseaux. Ici entre l’adjoint aux Finances Richard Brumm ( à g.) et le président de la CCI Lyon- Métropole Emmanuel Imberton.
Olivier Ginon est un homme de tous les réseaux. Ici entre l’adjoint aux Finances Richard Brumm ( à g.) et le président de la CCI Lyon- Métropole Emmanuel Imberton.

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