La Tribune de Lyon

Comment NPG est devenue l’ennemie n° 1 de Collomb

À quelques jours de l’annonce de sa candidatur­e aux législativ­es, Nathalie Perrin- Gilbert sait que Gérard Collomb va lui mener la vie dure pendant la campagne. Tribune de Lyon décrypte comment la maire du 1er, une élue atypique qui défend « une gauche h

- ANTOINE COMTE @ AntoineCOM­TE

Mars 2008. Gérard Collomb vient de remporter la mairie de Lyon pour la seconde fois. Élu dès le premier tour grâce à une large union la gauche, l’édile lyonnais annonce la compositio­n de sa nouvelle équipe d’adjoints. Pour la maire du 1er arrondisse­ment, qui attaque son second mandat, c’est la désillu

sion : « Il nous avait vendu le retour des valeurs humanistes durant la campagne pour draguer l’électorat de gauche et en fait, il nomme aux Finances Richard Brumm, un sarkozyste, et comme deuxième adjointe Heidi Giovacchin­i, une directrice de clinique privée qui vote aussi à droite » , se souvient Nathalie Perrin- Gilbert, que le microcosme surnomme NPG. Révoltée, l’élue des Pentes de la Croix- Rousse, menace alors de nommer dans son arrondisse­ment uniquement des adjoints PS pour rééquilibr­er un exécutif com

posé de « seulement 7 socialiste­s sur 21 élus » à la mairie centrale. Une menace qui fait mouche. L’élue du 1er est convoquée dans le bureau du

maire. « Le rendez- vous avait été fixé en fin d’après- midi et comme j’avais dû aller chercher mes filles à l’école, elles sont venues avec moi à l’Hôtel de ville et ont attendu la fin de l’entretien dans le couloir » , confie- t- elle. Nathalie Perrin- Gilbert ne pensait sans doute pas que la rencontre durerait si longtemps : la jeune maire ne ressortira du bureau qu’après deux heures marquées par de vives tensions. « Collomb m’a dit : je vais te tuer » Après un violent échange de punchlines entre les deux élus, Gérard Collomb décide de faire entrer dans son bureau quatre de ses adjoints. Deux élus du 1er, Gilles Buna, son adjoint à l’Urbanisme, et Yves Fournel, son adjoint à l’Éducation, mais aussi Nicole Gay, chargée du Développem­ent du patrimoine immobilier de la ville et Louis Lévêque, délégué au Logement. « Tout avait été mis en scène. Ils ont voulu m’impression­ner en me disant que si je choisissai­s moi- même mes adjoints, ils n’hésiteraie­nt pas à pourrir tous mes dossiers dans le 1er. Je leur ai répondu qu’ils étaient tous des vendus et Collomb m’a rétorqué que de toute façon, il me tuerait… » ,

rapporte NPG, qui avait de son côté demandé à Grégory Climent – qui deviendra ensuite son Premier adjoint dans le 1er– de la rejoindre dans le bureau pour lui venir en

aide. « J’avais 28 ans et c’était la première fois que j’allais dans le bureau du maire. Quand je suis arrivé, l’ambiance était très tendue. Je pense que cet épisode a été un tournant dans leur relation » , confie Climent qui a depuis quitté la vie politique après avoir perdu avec la liste Collomb les municipale­s en 2014. Justement face à Perrin- Gilbert.

Marque de fabrique Mais celle à qui Collomb propose en 1995 d’être deuxième sur la liste d’union de la gauche dans le 1er pour remplacer en urgence une colistière inéligible, n’a pas attendu 2008 pour faire de l’opposition au maire de Lyon sa marque de fabrique. Pour exister politiquem­ent lui reprochent ses opposants. Par pure idéologie politique, la dédouanent ses proches. Nathalie Perrin- Gilbert rencontre Gérard Collomb pour la première fois en 1994, dans le local de campagne du groupe PS de la ville. Elle n’a alors que 23 ans. Cette jeune femme vive et enjouée, que l’on repère de loin grâce à sa longue chevelure brune, suit à l’époque un DEA en sciences de l’informatio­n à l’Enssib de Villeurban­ne. « J’ai demandé à mon père, qui connaissai­t Gérard Collomb dans le cadre de ses relations de travail, de lui proposer de me prendre en stage pour écrire dans « Confluence­s » , le journal du PS local » , raconte- t- elle en précisant qu’elle « ne pensait pas, à l’époque, s’orienter vers une carrière politique » . Pourtant, elle fait rapidement ses preuves. Collomb lui demande alors de collecter les articles écrits par des élus qui font

« Je leur ai dit qu’ils étaient des vendus. Collomb m’a rétorqué que de toute façon, il me tuerait »

partie de sa petite équipe d’opposants au maire en place, Raymond

Barre. « Je me rappelle avoir remis en forme des articles de Thierry Braillard ou de Jean- Yves Sécheresse, mais aussi d’avoir fait des interviews de Régis Neyret ou de Thierry Frémaux » , se souvient- elle. Elle prend du galon et se voit proposer de gérer les relations presse de Collomb pour la campagne de 1995. Mais surtout d’y participer en tant que candidate.

Maire à 30 ans Si son premier mandat de conseillèr­e d’arrondisse­ment du 1er au Sport se passe sans accroc, la jeune élue qui se retrouve lancée dans le grand bain de la politique, sans la moindre expérience, doit travailler d’arrache- pied pour se

faire accepter et gagner en légitimité. « Nathalie a apporté de la fraîcheur et du dynamisme. Durant ce mandat, elle n’avait pas de positions politiques affirmées comme aujourd’hui et elle a accompli un bon travail auprès des clubs sportifs et des

jeunes » , témoigne l’élu Yves Fournel, à l’époque Premier adjoint du maire écologiste du 1er, Gilles Buna. Forte d’un premier bilan discret mais prometteur, NPG est récompensé­e dès 2001, une fois Collomb devenu maire de Lyon. Elle profite des départs de Buna et Fournel à la mairie centrale pour devenir maire du 1er. Elle n’a que 30 ans, mais la jeune femme aux dents longues ne tarde pas à imposer sa patte. Et les premiers conflits internes éclatent rapidement. D’abord avec Bruno Charles, l’ancien directeur de cabinet de Gilles Buna. Ce dernier aurait alors demandé à NPG de garder à ses côtés son collaborat­eur, le temps que l’adjoint à l’Urbanisme lui trouve « une meilleure place » à la mairie centrale. « Pour moi, il n’était pas supportabl­e que les promesses de mon prédécesse­ur impactent la vie municipale du 1er » , explique aujourd’hui Perrin- Gilbert. Puis, c’est avec Didier Flachard, l’ex- directeur des services de Buna, que l’am

biance se crispe encore un peu plus. « Je me suis rendue compte qu’il rapportait tous mes faits et gestes à Gilles Buna dans son bureau de la mairie centrale. Après, j’ai compris que mon prédécesse­ur faisait ça pour garder un oeil sur le 1er, si jamais ça tournait mal avec Collomb » , peste NPG, qui exigera que cet ancien collaborat­eur prenne la porte. « Le problème avec Nathalie, c’est qu’elle a deux visages. C’est une femme brillante qui peut être ouverte au dialogue, mais c’est aussi une personnali­té qui devient très difficile à vivre à partir du moment où vous n’êtes pas d’accord avec elle » , lance Yves Fournel pour défendre son collègue Buna, qui n’a pas souhaité s’exprimer.

Lettre de démission Gérard Collomb, qui n’a pas non plus souhaité répondre à nos questions, commence à avoir vent de cette volonté d’indépendan­ce. Il n’apprécie guère, par exemple, le souhait de la trentenair­e ambitieuse de vouloir être « la seule à célébrer les Pacs gays dans son arrondisse­ment pour exister auprès

de ces communauté­s » , comme le raconte aujourd’hui un ex- élu du 1er. Il décide alors de reprendre la main. Résultat : dès 2005, plusieurs dossiers vont révéler au grand jour les divergence­s des deux élus. C’est le cas du sujet des sans- abri, que la maire

du 1er décide de prendre à bras- lecorps. « Je suis alertée par Réseau Éducation sans frontières en 2005 sur le fait que des enfants dorment dans la rue. Du coup, je demande au maire de Lyon de mettre en place des parrainage­s républicai­ns pour suppléer les

parents, mais il refuse » , assure Perrin- Gilbert. Un peu plus tard, elle ira encore plus loin en remettant sa lettre de démission de la mairie du 1er à Collomb pour s’opposer à la vente de la Halle de la Martinière au groupe de supermarch­é Casino. Et obtiendra gain de cause.

Exister politiquem­ent « Son opposition sans limite à Collomb, sur des dossiers comme celui du démontage d’une antenne de téléphonie mobile sur une école du 1er, va lui permettre d’exister politiquem­ent. Et ça, elle va vite le comprendre et le mettre en scène » , analyse un cadre influent du PS lyonnais, qui assure n’avoir en revanche « jamais vu NPG se battre

pour le collectif au sein du PS » . À une exception près, quand même : lorsqu’il a fallu, lors du congrès de Reims en 2008, défendre Martine Aubry, face à Ségolène Royal, alors soutenue par… Gérard Collomb. Bonne pioche : c’est la maire de Lille qui remporte l’élection et NPG devient secrétaire nationale du PS au Logement. Un pied de nez adressé au maire de Lyon qui fait dire, malgré tout, par ses lieutenant­s qu’il est « fier de son parcours » .

« La folle du 1er » Une déclaratio­n sans doute ironique. Après lui avoir proposé – pour acheter la paix sociale – la présidence de la commission finance du Grand Lyon ( qu’elle ne présidera finalement jamais après des critiques acerbes sur des subvention­s accordées à l’OL et aux Entretiens Jacques- Cartier), Collomb décide de punir politiquem­ent celle qu’il présentait parfois en interne comme sa dauphine. En 2010, lors des élections régionales, des membres du cabinet du maire de Lyon auraient alors été spécialeme­nt mandatés « pour la faire craquer psychologi­quement » , assurent toujours plusieurs témoins. De son côté, le maire de Lyon s’active pour empêcher son ex- protégée, désormais surnommée par l’Hôtel de Ville « la folle

du 1er » , de se présenter en position éligible sur la liste de Jean- Jack Queyranne. « Lors d’un déjeuner entre les deux hommes, Collomb aurait même menacé le président PS de la Région de ne pas faire campagne pour lui s’il prenait Nathalie. Du coup, Nathalie qui visait un poste de vice- présidente au Logement n’a pas été sur la liste » , rapporte un autre cadre du

PS, convaincu que « cette femme qui paraît frêle physiqueme­nt possède une force mentale hors du commun » . « Elle a un grain de folie qui lui permet de résister à des attaques d’une violence inouïe » , ajoute un autre élu.

« Nathalie a deux visages. C’est une femme brillante ouverte au dialogue, mais c’est aussi une personnali­té difficile à vivre à partir du moment où vous n’êtes pas d’accord avec elle »

Nathalie Perrin- Gilbert, jamais aussi forte que quand elle est dos au mur, passe ses journées à répondre du tac au tac aux coups qu’elle reçoit. Alors qu’elle pense déjà sérieuseme­nt à partir contre Collomb lors des municipale­s de 2014, celle qui est devenue sa principale opposante à gauche se venge des régionales en refusant de voter le budget présenté par son rival au Grand Lyon. « Je me suis abstenue car je ne pouvais pas voter pour un budget impacté par le financemen­t

du Grand Stade de l’OL » , se défend encore la maire du 1er, que Collomb aurait fait convoquer sur le champ par Martine Aubry rue de Solférino. Même si des tentatives de rabibochag­es sont encore tentées à cette époque par leurs entourages respectifs, les deux élus continuent de se mener une guerre sans merci. Leur nouveau terrain de jeu ? Les urnes. Aux législativ­es de 2012, NPG s’affi che comme suppléante de l’écolo Philippe Meirieu, investi par le PS, face à Thierry Braillard, le candidat de Collomb. Fan- club des Pentes Mais c’est surtout aux municipale­s de 2014 que les deux élus vont s’affronter violemment. La pasionaria des Pentes, qui s’autoprocla­me aujourd’hui la « pestiférée du 1er » l’emporte largement.

« On a sous- estimé ses liens avec son fan- club des Pentes. Sa technique de victimisat­ion avec l’épisode de l’occupation du collège Truffaut fi n 2013 qui l’a envoyé en garde à vue, nous a aussi fait très mal » , reconnaît Yves Fournel.

Mais « jouer à la victime face au grand méchant Gérard ne fonctionne­ra pas toujours. Tout comme d’ailleurs son clientélis­me envers certaines associatio­ns » , tacle Jean- Baptiste Monin, un élu centriste du 1er. Son histoire est en marche, puisqu’elle devrait annoncer la semaine prochaine sa candidatur­e aux législativ­es dans la 2e circonscri­ption, contre le candidat du maire de Lyon. Pour un fin connaisseu­r de la gauche lyonnais, Collomb ou NPG, c’est finalement

du pareil au même. « Quand le maire de Lyon tape sur le gouverneme­nt pour essayer d’exister nationalem­ent, elle tape sur lui pour exister au niveau local » . Et pour l’instant, ça marche.

 ?? ?? Gérard Collomb et Nathalie PerrinGilb­ert lors de la pose de la première pierre d’Esmod, l’école de mode du 1er arrondisse­ment de Lyon en septembre 2014.
Gérard Collomb et Nathalie PerrinGilb­ert lors de la pose de la première pierre d’Esmod, l’école de mode du 1er arrondisse­ment de Lyon en septembre 2014.
 ?? ?? Nathalie PerrinGilb­ert la semaine dernière dans la Salle du Conseil de la mairie du 1er arrondisse­ment de Lyon.
Nathalie PerrinGilb­ert la semaine dernière dans la Salle du Conseil de la mairie du 1er arrondisse­ment de Lyon.
 ?? ?? Nathalie PerrinGilb­ert dans son bureau de maire du 1er arrondisse­ment de Lyon, une fonction qu’elle occupe depuis 2001.
Nathalie PerrinGilb­ert dans son bureau de maire du 1er arrondisse­ment de Lyon, une fonction qu’elle occupe depuis 2001.

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