L’édito de François Sapy
L yon a vécu un XXe siècle décalé. Ce XXe siècle a commencé en 1915 et il s’est achevé la semaine dernière. Paris trop proche du front, notre ville est devenue, il y a une centaine d’années, la fabrique du pays ( cf. notre dossier p. 28). Des dizaines de milliers de personnes participaient à l’eff ort de guerre et posaient les fondations d’une industrie prospère.
C’est à ce moment qu’est né tout ce qui va faire la spécifi cité économique lyonnaise au cours des
cent prochaines années : sa Foire, qui va devenir l’une des plus importantes de France, ses constructeurs automobiles qui vont créer ici un éco- système industriel unique au monde, ses chimistes qui vont commencer à modeler la vallée de la chimie au sud de Lyon et qui vont eux- mêmes créer des géants mondiaux du médicament…
Le XXe siècle lyonnais n’a donc commencé qu’en 1915 avec la création d’une méga usine Berliet à Vénissieux. Et il s’est bien achevé la semaine dernière par un acte symbolique : la mise en vente par Renault Trucks – le nouveau nom de Berliet après de multiples péripéties – de ses activités de défense ( cf. le billet de notre journaliste économique Vincent
Lonchampt p. 6). Tout un symbole, cette vente. Par son importance, elle marque à mon sens la fi n du caractère essentiellement industriel de notre tissu économique. Bien entendu, il ne s’agit pas de dire que l’industrie est morte à Lyon. Elle est encore là et bien là : rappelons que Sanofi - un industriel du médicament- est toujours le premier employeur de la cité, avec ses 7 000 salariés métropolitains.
Mais combien d’entre eux travaillent en usine ? Chez Sanofi , à Lyon, on bosse dans la recherche, le commerce, le développement international,
les services généraux… Mais assez peu en atelier. Aujourd’hui, les grandes réussites, les entrepreneurs qui font rêver et tirent l’activité de notre cité, ce sont ceux qui créent des entreprises de services, ce sont les chercheurs qui inventent demain. Plus trop les capitaines d’industrie. Ce n’est pas moi qui le dit, mais l’Insee : « Dans l’industrie ( à Lyon, NDLR), les nouveaux établissements compensent tout juste ( ceux) qui disparaissent au cours de l’année. Les créations sont plus nombreuses dans la construction (…), ainsi que dans les services (…) » .
Le XXIe a donc commencé la semaine dernière. Et il se trouvera certainement des LDLC, Esker, Visia
tiv… pour devenir les “Berliet” de demain. Dans ce XXIe siècle qui s’annonce, la confi guration de la cité aura une importance majeure : les talents affl ueront dans notre ville non pas parce que des grosses usines s’y trouveront, mais parce que les politiques auront su rendre la ville attractive et favoriser cet écosystème naissant. C’est maintenant qu’il faut donner l’impulsion. Demain, il sera trop tard, d’autres auront pris la place.