Mon déjeuner avec Thierry Braillard
Thierry Braillard nous a donné rendez- vous au Bistrot de Saint- Jean, un bouchon de sa circonscription qui s’avèrera de qualité malgré la mauvaise réputation gastronomique du quartier. « C’est un endroit historique pour moi, c’est là que j’ai organisé le lancement de ma campagne
pour les législatives de 2012 » , lance le secrétaire d’État aux Sports. D’humeur badine, il pose avec Gérald, le patron du bouchon, qui a sorti une statuette d’un Gnafron qui lui ressemble un peu ( photo
ci- dessus). Puis demande au restaurateur s’il le trouve « hautain » , allusion à la critique émise par Caroline Collomb à son égard. « Ah,
non, il est tout à fait normal » , répond Gérald. Mais Thierry Braillard connaît trop bien les règles de la politique pour risquer le carton rouge : en dehors de cette petite pique, il se montrera plutôt prudent dans son discours tout au long du repas.
Un déjeuner pas très light, il faut bien le reconnaître. « Vous n’allez pas prendre une bavette, si c’est pour faire un repas à la Flunch, faut
pas venir ici » , lance l’élu radical face à nos hésitations. Va pour des oeufs meurette ( excellents), cuisinés avec des oignons, des lardons et des champignons, mais sans sauce au vin, suivi d’un saucisson aux lentilles pour le ministre. On avait connu Braillard plus attentif à sa ligne. « Mais je fais toujours attention, je ne me suis pas relâché » , répond- il un brin vexé, en évoquant ses courses à pieds du dimanche et l’utilisation de l’application
Seven, que lui a conseillé l’acteur Vincent Perez et qui l’oblige à des petits exercices quotidiens. À propos de sport, il reconnaît s’entendre bien au gouvernement avec Thierry Mandon, en charge de la Réforme de l’État, avec qui il partage une même passion pour l’Olympique Lyonnais. Et avoue papoter football avec Le Foll et rugby avec Le Guen ou Vidalies. Puis Braillard redevient plus grave. « Je rêvais d’être député, mais devenir ministre me paraissait inatteignable. Mon passage au gouvernement restera une expérience exceptionnelle » .
Mais à cette époque c’était très tendu avec Collomb, car vous laissiez entendre à droite et à gauche que vous visiez la mairie de Lyon…
Moi, je n’ai jamais dit ça. Peut- être que des gens l’ont dit à ma place, mais je vous mets au défi de trouver une interview où j’aurais avancé cette ambition. D’ailleurs, j’aurais trouvé incongru de lancer une telle hypothèse alors que cela n’aurait pu être que dans une perspective très lointaine.
Donc vous avez abandonné l’idée d’être un jour maire de Lyon ?
Je vous redis que j’apporterai mon soutien à David Kimelfeld, dans une logique de poursuite de l’action de Gérard Collomb, afin qu’il devienne maire de Lyon en 2020. C’est très clair.
Vous n’avez pas l’impression d’avoir été ingrat avec Collomb ?
J’ai entendu ça et ces propos m’ont meurtris, car j’ai une amitié politique extrêmement ancienne avec lui. Dès 1983, nous avons arpenté les escaliers de Vaise ensemble pour sa campagne. J’ai plein de défauts mais pas celui- là. Je peux me regarder dans une glace : j’ai été 14 ans adjoint aux côtés du maire de Lyon et il ne m’a jamais pris en défaut de déloyauté. Jamais.
Vous vous attendez à ce que Gérard Collomb vous soutienne aussi fortement l’an prochain qu’en 2012 ?
Oui, même s’il y aura d’autres circonscriptions auxquelles il devra prêter main- forte. Mais je redis que sans lui je n’aurais pas gagné la circonscription, c’est une évidence que son soutien m’a permis de l’emporter.
Pourtant, Caroline Collomb, l’épouse du maire qui est également première secrétaire du PS dans le 5e arrondissement, a demandé à ce qu’on revoit votre candidature en vous accusant d’être « hautain » , « méprisant » , « déloyal » , « déserteur » …
Ce sont des mots durs qui m’ont profondément marqué. Mais je connais Caroline Collomb depuis 20 ans et le jour où j’en aurais l’occasion, je lui dirai en face ce que je pense. Mais pas par voie de presse, c’est une première différence entre nous deux.
Mais que lui avez- vous fait ?
Je ne sais pas, il faut lui demander. Mais ses accusations ne me correspondent pas. Je n’ai pas que des qualités, mais personne ne me trouve hautain.
Vous restez confiant pour une victoire aux législatives en juin prochain ?
Ce serait trop présomptueux de dire que je vais gagner. On le sait peu, mais le corps électoral change beaucoup d’une élection à l’autre. Presque de 30 % dans certains arrondissements, notamment les nouveaux quartiers de Lyon, à cause des mutations, des déménagements… La différence avec 2012, c’est qu’à l’époque j’étais le challenger et que cette fois je serai le sortant, avec une autorité différente. Ma campagne sera plus courte mais, entre nous, j’ai acquis une petite notoriété médiatique qui peut me servir. Surtout dans une circonscription très urbaine.
Vous pensez que cela sera plus simple de battre Anne Lorne que Michel Havard ?
Rien n’est facile en politique. La différence entre les deux, c’est que je croise Michel Havard dans la circonscription, il y habite et connaît le terrain. Alors qu’Anne Lorne est inconnue au bataillon ! Elle habite Champagne- au- Mont- d’Or, c’est là qu’elle est inscrite sur les listes électorales ! Elle aurait mieux fait de se présenter dans la 5e circonscription…
Vous pensez que le profil de votre adversaire peut encore changer, puisque Michel Havard mise sur une victoire d’Alain Juppé aux primaires de la droite pour être investi ?*
J’ai croisé Juppé à Bordeaux pendant l’Euro et il m’a dit qu’il n’était pas du tout content du choix qui avait été fait dans cette circonscription. Ce n’est pas une phrase que l’on m’a rapporté, il me l’a dit directement. Alors s’il est élu, peut- être qu’il aura envie de changer les choses.
« La diff érence entre Havard et Lorne, c’est que je croise Michel dans la circonscription. Alors qu’Anne Lorne habite à Champagne- au- Mont- d’Or ! »
* Entretien réalisé avant le premier tour de la primaire de la droite et du centre.