La Tribune de Lyon

« Je ne fais pas de politique car j’aurais trop peur de leur ressembler »

La réussite de Mohamed Tria commence à se voir. Le président de l’AS Duchère, qui est parvenu à faire monter son club de foot en troisième division, est l’objet de toutes les sollicitat­ions politiques. Mais cette figure locale, qui symbolise la réussite d

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Juppé, Montebourg, Bartolone… Pourquoi les hommes politiques viennent- ils tous vous draguer dès qu’ils mettent un pied à Lyon ?

C’est simple. Il y a beaucoup d’argent qui a été mis en oeuvre dans ce quartier et La Duchère est devenue un exemple en termes d’urbanisme. Mon club, qui a de bons résultats et qui est souvent pris comme modèle, attire aussi beaucoup. Après, je ne suis pas dupe et je peux vous dire que le comporteme­nt de ces politiques me désole. Montebourg disait lors de sa venue : « Des Tria, il en faudrait 100 » . C’est bien, mais après qu’est- ce qu’on fait ? Pour moi, la question est surtout de savoir comment nous sommes arrivés à de telles situations, où des citoyens comme moi sont obligés de s’investir pour montrer que la République n’est pas désarmée dans ces quartiers. J’aimerais que ces élus me demandent aussi comment faire pour démultipli­er notre modèle duchèrois ailleurs en France. Mais à chaque fois c’est pareil : ils viennent, ils font la belle photo et après, on n’en entend plus jamais parler.

Et ça ne vous dégoûte pas de continuer ?

Non, parce que je considère que La Duchère peut encore faire mieux. Quand je me base sur les résultats concrets que j’ai, cela me donne même de l’espoir. Nous avons fait monter le club en National, nous aidons les gens à trouver un boulot, nous redressons des gamins grâce au foot et à des éducateurs qui les encadrent. Vous savez, quand j’ai repris le club en 2008, nous n’avions aucun éducateur certifié. Aujourd’hui, nous en avons 45 pour lesquels je finance des formations et des diplômes, car je considère que dans ces quartiers, nous avons besoin des meilleurs. Pas de grands frères. C’est justement avec des gens extérieurs au quartier qu’on construit la diversité.

C’est une façon aussi de faire de la politique…

Oui. J’ai toujours considéré que de s’occuper des gens, c’était de la politique. Mais j’anticipe ce que vous allez me dire après ( rires). Être élu avec un mandat est un sujet qui n’est pas tranché au fond de moi. Pour deux raisons. La première, c’est que je ne suis pas du genre à avancer masqué. Je n’ai pas fait tout ça pour ça. La deuxième raison, c’est que si je fais de la politique, il faudra que j’abandonne mon club. C’est peut- être prétentieu­x, mais j’ai le sentiment que le club a vraiment besoin de moi.

Mais si vous trouvez un successeur, le problème est réglé ?

Oui, si je trouve un moyen de préserver mon club, peut- être que je réfléchira­is davantage. Mais je n’ai pas la solution. Aujourd’hui, je ne vois personne en capacité de prendre ma succession. En plus, c’est une telle satisfacti­on personnell­e pour moi. La semaine dernière encore, j’étais dans ce même restaurant ( cf. ci- contre), j’ai bu une bière avec un jeune du club et je lui ai trouvé un boulot. Après, je suis monté dans ma voiture pour rentrer chez moi et je me suis dis : « Putain, t’es utile comme mec ! »

Et vous êtes toujours sollicité pour participer à des élections ou aider des candidats ?

Oui, notamment pour les prochaines législativ­es. Mais c’était déjà le cas lors des dernières

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