Aubergiste en centre- ville
Il y a une générosité à l’ancienne dans cette ardoise du jour. Il fut un temps, marrant, où les matrones en forme de mappemonde et les aubergistes à l’estomac en pare- buffle pensaient que tous les clients devaient leur ressembler. Ce qu’on aime bien chez le chef Patrick Scalia, qui v ient d’ouvrir Mr Gabriel , c’est sa détestation affirmée ( avez- vous vu Orange mécanique ?) de ces cuistots qui pèsent chaque ingrédient au gramme près, dans le but d’affranchir au tarif lettre. Cela pour dire qu’après une tarte aux oignons et anchois de caractère ( c’est- à- dire goûtue, pas comme dans certains salons de thé pour selfies de tartes # j’ai-trop- kiffé), un dos de cabillaud massif, une excel lente purée au goût de patate affirmé, et un baba au rhum avec le verre de rhum, on ne s’est pas posé la question du Twix de 4 heures.
Classique, mais bon chef. On avait déjà apprécié le chef au Bon temps ( rue Chavanne, Lyon 1er) pour sa démarche radicale d’aubergiste classique en centre- ville, en pleine mode bistronomique et moderniste. Dans un souci archéologique vertueux, il avait ressuscité le fameux poulet à l’ail de la tante Paulette, un personnage historique de la cuisine lyonnaise, qui ne comptait pas en gousses, mais en têtes d’ail : il peut le rééditer sur commande. Au jour d’aujourd’hui, comme on dit, il y avait encore le choix entre un travers de porc au vin rouge, un sau- mon mariné, un tartare, un poulet au jus, escortés de purée ou de gratin dauphinois. Le soir s’embourgeoise avec un escadron de rognon entier, côte de boeuf en cocotte, Saint- Jacques poêlées, côte de veau aux morilles. « Classique » , diront les blasés. I ls n’ont pas tort, mais là, on tient un bon chef, formé notamment chez le regretté Christian Frigo à Tassin, et non pas chez Jean- Claude Congélateur comme trop de restaurateurs. La déco, très déco, est belle, et la cuisine ouverte, magnétique. Reste le volume sonore... mais il est vrai que l’on est malencontreusement tombé en voisinage avec une table de huit filles. Allez, tant pis pour le politiquement correct et Simone de Beauvoir : on aurait dit la jungle au réveil.