La Tribune de Lyon

Le quartier Jean- Macé sort de l’ombre

Oubliée, l’image sombre et banale du quartier Jean- Macé, héritier d’un passé industriel difficile à digérer. Profitant notamment d’une saturation de La Guillotièr­e voisine, la rue Chevreul, la place Jules- Guesde et les rues avoisinant­es se repeuplent de

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Un pâle soleil d’hiver illu

mine les façades de la place Jules- Guesde. Malgré le froid de janvier, malgré la pollution qui enserre Lyon, quelques enfants se sont appropriés les jeux au centre de la place. Des mamans sont assises sur les bancs et devisent calmement. Le long de la place, les enseignes sont nombreuses, modernes et variées. Des coffee- shops aux décors stylisés, une boulangeri­e, des restaurant­s, un caviste… « Ici, nous sommes au coeur du quartier Jean- Macé » , affirme une habitante. Une zone du 7e arrondisse­ment qui, à l’ouest de l’avenue Jean- Jaurès et de la place Jean- Macé, est délimitée au sud par la voie ferrée et l’avenue Berthelot, et au nord par la rue de l’Université. Une zone qui, il y a quelques années encore, était dépeinte comme un ensemble d’habitation­s gris et morne. Un quartier fait d’immeubles d’aprèsguerr­e et de restes d’entrepôts, usines et autres quincaille­ries, garages et carrosseri­es. Un endroit sans grand intérêt pour qui n’y habitait pas.

La gare a tout changé Longtemps, le commerce y est moribond. « Au début des années 2000, dans la rue Sébastien- Gryphe, un local com

mercial sur deux était vacant » , rappelle Patrice Iochem, directeur de l’associatio­n Lyon 7 Rive Gauche, qui aide les commerces à se développer dans l’arrondisse­ment. Même constat dans la rue Chevreul, parallèle à la rue de l’Université. Fréquentée en majorité par des étudiants, elle est alors le paradis des snacks et des fastfoods. Des commerces fragiles, qui fonctionne­nt neuf mois par an, au gré du calendrier universita­ire. Et puis, tout a changé. En un tour de main, le quartier a fait de son image industriel­le un avantage. L’inaugurati­on de la gare, en 2009, a permis aux voies ferrées – jusqu’ici simples saignées dans le paysage – de devenir un atout pour tout le quartier. La place Jean- Macé s’est muée en noeud de communicat­ion. Trains, métros, trams et bus y transporte­nt quotidienn­ement des milliers de passagers. La gare voit passer 565 000 personnes à l’année. « Le buraliste de la place, je peux vous dire qu’il les a vus arriver, ces voyageurs » , appuie Patrice Iochem.

Le paradis des coffee- shops Connie Zagora, la gérante du Kitchen Café ( à l’angle des rues Chevreul et Sébastien- Gryphe) ne dit pas autre chose : « Quand nous sommes arrivés ici il y a quatre ans, il n’y avait presque rien autour. Il n’y avait qu’à venir, les locaux étaient vacants. Ce n’était pas très cher, mais du coup il a fallu investir, se projeter dans le futur et faire venir les gens. » Pari réussi : le café- restaurant, devenu très branché, ne désemplit pas et attire aussi bien une clientèle extérieure à Lyon que des gens du quartier. « Les voisins jouent

le jeu, appuie Connie Zagora. Ils fréquenten­t les restaurant­s du quartier, font leurs courses ici. » En effet, dans le sillon du Kitchen, les enseignes ont fleuri. « Ça a

poussé comme des champignon­s » , estime Domitille Sevez, l’une des deux fondatrice­s de MaMi, un coffee- shop situé rue SébastienG­ryphe, dans la continuité de la place Jules- Guesde. Graphiste de formation, elle est venue travailler dans le quartier il y a trois ans. Elle a décidé d’ouvrir son commerce après avoir constaté le manque « d’endroits où manger le midi, où se poser pour boire un café » . Difficile à imaginer quand on voit

« Le quartier a changé d’image. Avec la venue du Mama Shelter, les gens ont pris conscience qu’ils pouvaient monter leur commerce ici. Jean- Macé est devenu une destinatio­n. »

l’offre actuelle. Against The Grain, Les Raffineuse­s, Le Labo, le Café Nova, le Jumble Bar… La densité de coffee - shops dans ce périmètre réduit est l’une des plus fortes de Lyon. Boom immobilier Et l’expansion n’est pas finie. « Jean- Macé a changé d’image, poursuit Patrice

Iochem. Avec la venue du Mama Shelter, les gens ont pris conscience qu’ils pouvaient monter leur commerce ici. C’est devenu une destinatio­n, des personnes extérieure­s au quartier y viennent » . Et puis, « si ça marche, c’est que la demande est là » , estime à juste titre Loïc Graber, adjoint à l’Urbanisme à la mairie du 7e arrondisse­ment. Graphistes, architecte­s, designers et autres travailleu­rs indépendan­ts ont peu à peu repeuplé le quartier. La population rajeunit, le quartier se gentrifie. Le phénomène rappelle celui en oeuvre depuis dix ans à La Guillotièr­e voisine, qui commence à saturer. La marée de

« La Guill’ » monte et ses vagues échouent de plus en plus loin vers la place Jean- Macé, drainant dans leur écume commerces et restaurant­s qui recomposen­t le quartier. Principale conséquenc­e : les loyers augmentent. Marine Simoes, présidente du Conseil de quartier de Jean- Macé, habite ici depuis 2010, année où cette architecte de formation a racheté une ancienne carrosseri­e qu’elle a « entièremen­t retapée. Aujourd’hui ce ne serait plus possible : les prix ont doublé. » La jeune maman déplore aussi ce qu’elle appelle la « rançon de la

gloire » . Les écoles du quartier sont surchargée­s et les places en crèche valent chères. « Lors de la dernière phase de sélection, 17 places ont été acceptées pour 350 demandes. » Pas sûr que l’afflux soit sur le point de stopper. Aux quatre coins du quar-

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En une dizaine d’années, la population du quartier s’est rajeunie.
 ??  ?? La place JeanMacé, carrefour central où transitent trams, trains, bus et métros.
La place JeanMacé, carrefour central où transitent trams, trains, bus et métros.

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