La Tribune de Lyon

« Il faut être courageux pour devenir connu »

Éternel second rôle chez Truffaut, Depardieu, Deneuve ou Louis Malle, le Lyonnais Philippe Morier- Genoud a tourné avec les plus grands, sans oublier de s’amuser avec Alexandre Astier. Partenaire, au théâtre, de Lavaudant à Grenoble puis au TNP, provincia

- PROPOS RECUEILLIS PAR LUC HERNANDEZ

Votre premier film, c’était La Femme d’à côté de François Truffaut, en 1981, avec Gérard Depardieu et Fanny Ardant. Comment vous avez fait pour vous retrouver sur un tel projet ? Philippe Morier- Genoud : C’est un hasard incroyable. J’étais dans la troupe de Georges Lavaudant à Grenoble. La plupart des acteurs répétaient sur une dune en Tunisie avec André Engel. Moi, étant engagé pour jouer le rôle- titre de Lear avec Mesguich en Avignon, j’ai préféré rester. Alain Tasma, l’assistant de Truffaut, téléphone au Centre dramatique, et me dit qu’il cherche des acteurs de complément pour La Femme

d’à côté ( tourné à Grenoble, NDLR). Je lui réponds qu’ils ne sont pas là, sauf moi ! En fait Truffaut m’avait quand même vu au théâtre, mais je l’ai su plus tard. Il m’avait vu à Mogador, dans le privé, dans Maître Puntila et son

valet Mati, je faisais un personnage complèteme­nt snob ! Il aimait beaucoup les acteurs. Tourner avec Truffaut, ça vous a installé dans le paysage ? C’est sûr, j’ai changé de catégorie. Je n’étais pas encore au stade bankable comme aujourd’hui, mais au stade d’avant, repéré des médias. J’étais devenu un acteur de complément en chef ! Ensuite, Truf faut m’a demandé pour le troisième rôle de

Vivement dimanche ( avec Trintignan­t et Fanny Ardant, NDLR), et là j’ai commencé à flipper… Pourquoi ? Lorsqu’on est repéré, il faut exploiter cette chance quand on est acteur, en avoir l’intelligen­ce, l’envie et surtout la connaissan­ce. J’étais assez nul pour ça ! Il faut mettre en place des stratégies avec son agent. On n’imagine pas ce que c’est, il faut être courageux pour devenir connu ! Quelqu’un comme Patrick Chesnais est devenu connu à 75 ans… Il faut tenir avant ! Moi, je ne suis jamais allé sur les premiers rôles comme je devais le faire. Je joue des personnage­s. Les grands acteurs comme Gérard ( Depardieu, NDLR) n’ont pas besoin ! Il est comment Depardieu, sur un tournage ? À l’époque sur Cyrano, il avait déjà un gros téléphone dans sa voiture, il passait d’abord une heure à lire toute la presse, gérer ses affaires. Et là, d’un seul coup, il joue et c’est génial ! Il est fou. Je l’aime bien, on s’aime bien. Et Deneuve, avec qui vous avez tourné Le temps retrouvé de Raoul Ruiz. C’est une véritable star sur un tournage, c’est tout un ballet avec chauffeur etc. Je jouais Cottard, elle jouait Odette, et dans le scénario, elle devait me faire une gâterie ! Elle n’a pas voulu, elle a sans doute eu raison. Ruiz, qui était un inventeur incroyable, a décidé de filmer la scène derrière les couilles d’un taureau, et ça marchait ! C’est un astre Deneuve, les choses se construise­nt autour d’elle, non pas qu’elle ne soit pas totalement au service du film, il n’y a pas plus serviable, mais parce qu’elle incarne comme personne ses propres choix artistique­s. Quelle actrice ! Est- ce à cause de Truffaut que Louis Malle vous a engagé sur Au revoir les enfants ? Là, vous prononcez la phrase du titre quand même… Oui, j’ai revu le film encore récemment, il est toujours aussi beau. Malle avait d’ailleurs changé la fin. Au début, je devais dire « Au revoir les enfants

à bientôt » . Mais contrairem­ent à Truffaut, Malle était assez méfiant avec les acteurs, il ne les aimait

Newspapers in French

Newspapers from France