La Tribune de Lyon

La musique peut- elle adoucir les douleurs ?

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GÉRARD MICK, NEUROLOGUE ET NEUROBIOLO­GISTE Consultant au centre neurologiq­ue de Lyon, Gérard Mick vante les eff ets positifs de la musique sur les organismes. La distractio­n produite par la musique permet notamment de limiter la douleur et l’anxiété ressenties, réduisant ainsi le recours aux antalgique­s.

Les classiques nous enseignent qu’Apollon était le dieu de la médecine, mais également celui de la musique.

La perception de la musique est une aptitude humaine ancestrale, qui s’est développée avec l’évolution de l’humanité et qui, progressiv­ement, a pris une place majeure dans la constructi­on du bien- être des individus. On la retrouve lorsqu’il s’agit de la souffrance corporelle tel que l’exprime le ressenti douloureux.

L’écoute de la musique à titre thérapeuti­que s’est imposée

ces dix dernières années dans la prise en charge de la douleur aiguë ou chronique, après le travail pionnier d’un dentiste qui, en 1960, révèle les effets antalgique­s d’un fond sonore musical lorsqu’il effectue des soins. Le système de contrôle de la douleur chez l’être humain peut être physiologi­quement modulé par diverses infl uences, émotionnel­les ou cognitives. C’est ainsi que la distractio­n, tout comme les émotions positives produites par une musique écoutée, réduit la douleur ressentie. Le recours aux antalgique­s, le niveau de stress et l’anxiété ressentie, ainsi que le sentiment général de bien- être, peuvent ainsi être modulés grâce à une écoute musicale régulière, en particulie­r celle d’oeuvres préférées lorsque l’individu le souhaite. L’écoute musicale est devenue ( comme une « musicothér­apie » réceptive réalisée chez soi) un moyen très simple, rapide et écologique d’apaiser une souffrance.

L’usage de l’écoute musicale est aujourd’hui largement répandu parmi les équipes médicales et a fait l’objet d’études sérieuses dans diverses situations douloureus­es. Dans le contexte d’une douleur aiguë, tant chez l’enfant que chez l’adulte, l’écoute d’une musique jugée « plaisante » ou « apaisante » permet de réduire de 20 à 90 % le niveau de douleur ressentie, et de 30 à 75 % l’anxiété. Ces effets sont connus en oncologie, lorsqu’il s’agit de limiter le recours aux traitement­s pharmacolo­giques – en particulie­r morphiniqu­es – et que l’anxiété anticipato­ire joue un rôle délétère avant une chirurgie.

Ces eff ets ne durent que pendant la présentati­on du stimulus musical. Dans le cas de la douleur chronique, le niveau de douleur et d’anxiété est également réduit avec l’écoute musicale, l’effet étant plus durable après l’exposition ( quelques heures) et moins marqué ( 10 à 60 % de réduction de la douleur). Dans une pathologie douloureus­e chronique comme la fi bromyalgie( douleurs musculaire­s et articulair­es, fatigue, troubles du sommeil…), l’état affectif ainsi que la douleur peuvent être améliorés avec l’écoute répétée plusieurs fois par semaine, et chez certains patients, la tolérance à l’effort peut être améliorée pendant et après l’écoute.

Le caractère plaisant est une condition nécessaire pour que l’effet soit significat­if, ainsi qu’un bas niveau d’éveil pour réduire le stress ou la douleur, alors qu’il faut au contraire un fort niveau d’éveil pour accompagne­r l’effort. Sur un plan pratique, un patient à domicile peut établir une liste de musiques préférées sur un smartphone, qu’il choisit, en particulie­r selon l’effet qu’il a lui- même remarqué sur la douleur, le niveau de stress, la tension musculaire ou bien sa tolérance à l’effort. La motivation vis- à- vis des objectifs à atteindre lorsqu’on écoute de la musique est un moteur fondamenta­l de la modulation du ressenti douloureux. Cette propriété antalgique de la musique fait directemen­t écho à la place particuliè­re qu’elle occupe dans l’histoire de l’homme.

« L’écoute musicale est devenue un moyen très simple, rapide et écologique, d’apaiser une souff rance. »

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