La Tribune de Lyon

Changement de taulier

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Cela s’est opéré de façon discrète. Le Café comptoir Bru

net, une institutio­n et un des bouchons les plus cachés de Lyon, a changé de mains. L’ancien patron, Gi l les Maysonnave, a pris sa retraite sans convoquer de fanfare. Installé depuis 1979, en fin de XXe siècle, il a failli battre le record de longévité de ses prédécesse­urs, les fameux Brunet qui ont monté l ’ établ i s sement en 1934. À l’époque, à la place de l’imposant parking de la rue Claudia qui bouche tout espoir de paysage, et à côté duquel la prison de la santé évoque la joie de vivre, il y avait des halles. Vous avez vu assez de films sonorisés par de l’accordéon et de la gouaille pour saisir l’ambiance. Gilles Maysonnave, champion de l’intempéran­ce, capable de monter sur les tables, laissera une trace dans l’histoire de la gastronomi­e lyonnaise pour des plats comme son navarin de ris et langues d’agneau, poussant le bouchon vers une cuisine bourgeoise.

Tétine de vache Il était aussi un des derniers à pratiquer des rituels lyonnais que d’aucuns jugeraient barbares si l’état du monde ne relativisa­it les choses, tels que le ragoût de béatilles et la tétine de vache poêlée, un cauchemar vegan. Les nouveaux propriétai­res, Baldassari père et fils, n’ont pas jeté la vache et l’eau de l’abreuvoir. Ils ont conservé non seulement la tétine de vache mais aussi le ragoût de béatilles. Petite explicat ion de texte pour les non Lyonnais et les foodies à genoux devant les cupcakes : les béa- tilles désignent notamment les crêtes, rognons, coeurs et gésiers de coq. D’accord, c’est moche et pas v raiment Brigitte Bardot compatible, mais cela a du goût. Les Baldassari les servent dans une cocotte cuisinés avec des lentilles. C’est bien. Comme l’entrée : des raviolis de grenouille­s posés comme des nénuphars sur un velouté de butternut. On n’a pas goûté les quenelles sur la foi de leur provenance : Pascal Bonhomme ( le messie de la quenelle au brochet). Or depuis la semaine dernière elles sont fabriquées maison, opération plus que réussie, selon le chef. On restera donc sur l’idée que l’institutio­n n’est pas tombée dans des mains impies, d’autant que le décor, sorte de sombre taverne de Zorro décorée de Guignol et Gnafron n’a pas été touché, gardant tout son charme.

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Le nouveau propriétai­re est resté fi dèle aux rituels lyonnais.

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