La Tribune de Lyon

Le clos Bissardon ne veut pas perdre son âme

Une vie en surplomb du Rhône, à proximité immédiate de la Croix- Rousse et du parc de la Tête d’Or… Le charmant quartiervi­llage du Clos Bissardon, à Caluire, est de plus en plus convoité et aiguise les appétits des promoteurs. Mais les riverains tentent d

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Les rues sont pentues, étroites, parfois virevoltan­tes, jalonnées de montées

d’escaliers escarpées. Plus petit quartier de Caluire- et- Cuire avec un peu plus de 2 300 habitants, le clos Bissardon, situé à la pointe sud- est de la commune, forme un éperon en surplomb de la très passante Montée de la Boucle, qui mène vers le Rhône, bordé pa r le haut pa r le s rues de Margnolles et de l’Oratoire. Ce relief incliné et l’étonnant tracé de ses ruelles font tout le charme du quartier- village, souvent surnommé le « petit Montmartre » . Viv re ici ent raîne quelques contrainte­s : mieux vaut avoir le mollet montagnard et posséder un vélo plutôt qu’une voiture, Bissardon rencontran­t des prob l ème s ch r o n i q u e s d e

stationnem­ent. Mais le charme de ce quartier un peu caché parce qu’encaissé, opère rapidement sur les visiteurs. « J’ai l’impression de vivre à la montagne, cela me

plaît » , s’amuse Bernadette, une délicieuse septuagéna­ire, croisée en pleine ascension de la rue de l’Orangerie, qui vit ici depuis les années 1970. Un côté at ypique, avec un panorama imprenable sur le Rhône, le parc de la Tête d’or et la chaîne des Alpes les jours de beau temps, qui séduit de plus en plus les acheteurs immobi l iers. Les prix augmentent logiquemen­t sous l’ef fet de la demande, mais à environ 4 000 euros le m2 en moyenne, les tarifs restent encore sages comparé à d’autres arrondisse­ments lyonnais. De quoi attirer de nombreuses jeunes familles à la recherche d’un premier achat. Une véritable chance car « le quartier s’était transformé en ville- dortoir avec le départ des commerces ( voir page suivante), et on constate aujourd’hui qu’il se rajeunit, ce qui ramène un peu de vie » , observe avec satisfacti­on Chantal Fauvel, la présidente de l’associatio­n de défense du quartier Bissardon ( l’ADQB). Et de poursuivre : « On constate aussi une gentrifica­tion. »

Un air de la Croix- Rousse. Ce regain d’intérêt, le quartier Bissardon le doit notamment à la saturation et au niveau élevé des prix immobilier de la Croix- Rousse voisine. Les deux quartiers ont de multiples points communs : situation perchée avec pentes qui dévalent, maisons en pisé, présence de traboules, habitat de canuts… Certains acheteurs qui ne trouvent pas leur bonheur dans le 4e arrondisse­ment de Lyon se tournent vers Bissardon. « Ce quartier est un micro- secteur. Compte tenu de la pénurie de logements sur le Plateau, on assiste à un report vers le clos Bissardon notamment pour les budgets plus serrés » , observe Valérie Boucharlat de l’agence Laforêt. « Nous sommes en effet très tournés vers la CroixRouss­e » , confirment, Marie et Agnès, des habitantes justement de retour d’emplettes sur le Plateau, qui se trouve à seulement 10 minutes à pied. Un peu isolé du reste de la commune de Caluire, le clos cultive une identité propre. Un esprit village hérité des anciens artisans de la soie, transmis jusqu’aujourd’hui par les nombreuses familles installées ici depuis des génération­s. Un quartier au maximum de sa densité. Une quiétude aujourd’hui remise en cause par deux projets immobi l iers, ce qui vaut depuis quelque temps des réunions publiques du genre animées avec la mairie. En cause : la densificat­ion des constructi­ons

dans ce pittoresqu­e quartier. Car si le député- maire ( LR) Philippe Cochet avait assuré, l’an dernier, que le clos Bissardon était « déjà au maximum de sa densité » , plusieurs projets immobilier­s devraient sortir de terre au cours

des prochaines années. « Je ne suis pas favorable à la densificat­ion du quartier Bissardon, mais la ville doit continuer à se développer pour maintenir sa population. Nous sommes aussi contraints de programmer des constructi­ons pour satisfaire les exigences de la Métropole en matière d’offre en logements sociaux » , rappelle le député- maire, pour tenter de convaincre des administré­s à la corde sociale sensible. Le projet qui inquiète le plus les habitants se trouve au 21 rue Royet. Laissé libre par le déménageme­nt de l’associatio­n de la Chaumière qui y organisait notamment des repas pour les personnes âgées du quartier, la parcelle de près de 700 mètres carrés, vendue par la municipali­té à Lyon Métropole Habitat ( ex-OPAC du Rhône), a vocation à accueillir 35 logements sociaux dans un immeuble de cinq étages qui culmine à 18 mètres de hauteur. Et le premier adjoint délégué à l’urbanisme, Côme Tollet a beau assurer que le bâtiment ne sera pas collé à la rue pour laisser de l’espace et que « rien n’est encore

signé » , l’associatio­n de défense du quartier Bissardon s’inquiète : « Cinq étages, c’est trop pour un quartier composé d’une succession d’immeubles qui dépassent rarement trois ou quatre étages. Nous demandons que l’urbanisati­on ne menace pas l’identité de Bissardon. » En plus d’une nouvelle aggravatio­n du manque de places de stationnem­ent en fin de journée, le comité déplore aussi dans

Le relief incliné et l’étonnant tracé de ses ruelles font tout le charme du quartier- village Bissardon, souvent surnommé le « petit Montmartre »

ce projet la destructio­n programmée d’un des rares espaces verts publics du coin. Des projets de grande ampleur. L’autre grand sujet de crispation concerne la cession récente du couvent des Soeurs Saint- Joseph de Lyon, installé au coeur de Bissardon, au 10 rue de l’Orangerie, qui va accueillir des appartemen­ts majoritair­ement haut de gamme. Autour du bâtiment principal du couvent qui sera conservé, le promoteur Kaufman & Broad veut construire, à l’horizon 2019, trois nouveaux bâtiments, dont un de logements sociaux. Au total, 35 logements investiron­t la magnifique enceinte de « l’Orangerie » . Sept habitation­s de grande taille dans le couvent lui- même feront, dans un second temps, l’objet d’une réhabilita­tion par un opérateur dont le nom n’est pas encore connu. Reste que les travaux de l’opération Kaufman & Broad devraient débuter avant la fin de l’année. Et les prix de vente pourraient atteindre des sommets lyonnais : de 7 000 euros à 10 000 euros le m2 pour les quatre appartemen­ts avec toit- terrasse et vue sur Lyon. Lorsqu’i ls ont découver t, la semaine dernière, la réalité du chantier du couvent des Soeurs Saint- Joseph, lors de la présentati­on publique du projet, la quarantain­e de riverains s’est émue : « Là encore, nous ne sommes pas opposés à cette reconversi­on mais surpris par son ampleur, reprend Chantal Fauvel, de l’associatio­n de défense du quartier. Le projet initial ne prévoyait pas de bâti le long de la rue Verdun » , souligne- t- elle. Plusieurs voix, dont celle d’un ingénieur habitant une rue en aval du futur ensemble de luxe, se sont également élevées concernant l’instabilit­é du terrain avec l’aménagemen­t d’un parking de 81 places en sous- sol. Il faut dire que le mur de soutènemen­t mitoyen de la

montée des Lilas s’est déjà écroulé : « Nous redoutons les vibrations provoquées par cet important chantier pour notre habitat en pisé, déjà fragilisé par le mauvais écoulement

des eaux pluviales » , poursuit un autre habitant. Grande inquiétude, d’autant que le promoteur n’est pas contraint par la loi d’effectuer des études de sol préalables au dépôt de permis de construire, qui doit être déposé dans les semaines

qui viennent. Le promoteur étant maître d’ouvrage, c’est à lui de décider de la pertinence de réaliser – ou non – des études géotechniq­ues complément­aires. « Kaufman &

Broad est juge et partie » , s’alarment plusieurs habitants. « S’il devait y avoir des dégâts, nous ne pourrions que les déplorer » , complète Chantal Fauvel. Mais Daniel Cognault de l’agence d’architecte­s Corum, en charge du projet, se veut rassu

rant : « Nous nous sommes assurés d’aller chercher le bon terrain pour nos constructi­ons. Nous avons aussi veillé à proposer des petites constructi­ons pour ne pas donner l’impression aux riverains d’être envahis par des volumes trop importants et respecter la vie de quartier. » Les riverains ont aussi l’espoir d’une plus grande concertati­on, pour aboutir à une formule architectu­rale plus adaptée à Bissardon, notamment pour le projet du 21 rue Royet. Plusieurs riverains ont, en effet, encore en tête l’exemple tout récent de la reconversi­on du couvent des Clarisses, dans l’autre quartier caluirard de Vassieux. Ici, le nombre de logements avait été, à la demande expresse du député- maire, revu à la baisse. Et le parc public avait été, lui, préservé. Un exemple à suivre selon les habitants du quartier Bissardon. ESTELLE COPPENS

« Nous demandons que l’urbanisati­on ne menace pas l’identité de Bissardon »

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Grâce à des prix plus doux que d’autres quartiers lyonnais, Bissardon attire de nombreuses familles avec des enfants.
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Le quartier Bissardon accroché à la colline, vu depuis la Croix- Rousse.
 ??  ?? Un ensemble de logements va être construit dans l’enceinte de l’ancien couvent des Soeurs Saint- Joseph ( photo), ce qui inquiète les riverains.
Un ensemble de logements va être construit dans l’enceinte de l’ancien couvent des Soeurs Saint- Joseph ( photo), ce qui inquiète les riverains.

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