A LYON C'EST ;A FOLIE DU COWORKING
des teintes chaudes, du mobi l ier ultra- design, des papiers peints aux motifs contemporains, de ( vrais) cactus pour remplacer les traditionnelles plantes vertes… Bienvenue chez Now Coworking, le plus grand espace de coworking à Lyon, inauguré en fin d’année dernière au 5e étage de l’immeuble Citroën à la Guillotière. Entre ses 80 bureaux vitrés et ses espaces de travail partagés, les lieux peuvent accueillir simultanément jusqu’à 350 coworkers. Après avoir ouvert un premier centre à Rouen, les patrons de Now Coworking, Pascal Givon et Édouard Laubies, ont pointé Lyon comme la deuxième ville de leur développement national. Et sont tombés sous le charme de l’ancien garage, au point d’avoir fait « une proposition dans la journée » pour s’adjuger le bail des 3 200 m2 du dernier
C’est bien simple, les espaces de coworking poussent comme des champignons à Lyon. On en dénombre déjà plus d’une trentaine rassemblant plus d’un millier de coworkers qui travaillent, s’entraident et se détendent ensemble. Et ce n’est pas fi ni : plusieurs centres « géants » de bureaux partagés doivent être inaugurés prochainement dans la Métropole. Décryptage du phénomène qui casse les codes du bureau traditionnel. DOSSIER RÉALISÉ PAR QUENTIN BAS ET VINCENT LONCHAMPT
« L’année dernière a marqué un véritable tournant dans le coworking à Lyon. On a vu arriver plein d’acteurs, dont des groupes qui ne sont pas lyonnais »
étage du bâtiment, qui offre une vue imprenable sur le sud de la Presqu’île et la colline de Fourvière. Après avoir investi près de 2 millions d’euros, ils présentent aujourd’hui les lieux comme « un espace de travail idéal qui rompt avec l’apparence des bureaux traditionnels » . Un choix qu’ils ne regrettent pas : « Pour l’instant ça marche bien, nous en sommes déjà à un taux de remplissage de 60 % » , assurent les fondateurs. Des espaces dédiés au « vivre
ensemble » . Les lieux respectent à la lettre les grands principes des espaces de travail collaboratifs. À savoir offrir des coins au calme pour travailler, mais pas seulement. Le partage de l’étage est strict : la moitié de l’espace est dévolue au « vivre ensemble » . Les coworkers ont ainsi accès à toutes sortes de services partagés ( amphithéâtre, salles de réunion, équipement pour les visioconférences) et espaces de détente entre la cuisine, des alcôves de discussion, une table de ping- pong et même l’accès à un… salon de massage. Sans oublier, bien sûr, des formules « à la carte » , sans bai l ni caution, qui vont d’un tarif à l’heure ( à partir de un euro l’heure en périodes creuses) pour les plus nomades, à la sous- location d’un bureau avec clé pour environ 500 euros par mois. Tout pour plaire à une communauté de coworkers, très 25- 45 ans au look branché, à large dominante dans les mét iers du digital. Des indépendants et de jeunes startuppers qui ne conçoivent pas de rester travai l ler dans leur coin. C’est, par exemple, le cas d’Hanaelle
Huyez, dont la société de production, Adfab, s’est installée récemment au sein du garage Citroën. « J’en avais vraiment assez de travailler chez moi, je me sentais isolée. Maintenant, j’ai plaisir à venir travailler le matin, d’autant plus que les locaux sont
magnifiques » , vante celle qui organise des « ateliers de partage » , des mini- conférences où un coworker invite ses voisins à partager son expérience entrepreneuriale. Des moments
« d’échanges de compétences » qui créent des liens, et peuvent se traduire par des coups de main entre coworkers, ou même par la signature de contrats entre voisins. « Dans un espace de coworking, des clients potentiels sont autour de vous. Il est donc
logique d’avoir des contacts rapprochés avec les autres entreprises présentes » , complète un autre coworker. Dans une ambiance qui se veut décontractée, les fondateurs de Now coworking espèrent faire naître « une véritable communauté de travail et de vie » . Pour, au final, créer, selon leur formule, « un nouvel art de goûter le travail » . Le formidable essor du coworking. Par sa taille, l’arrivée du géant Now Coworking vient confirmer le formidable essor du coworking à Lyon, un concept né officiellement à San Francisco en 2005. Alors que les premiers espaces ont débarqué au début des années 2010 dans la Presqu’île, on ne recense aujourd’hui pas moins d’une trentaine de structures, qui abritent plus d’un millier de coworkers selon nos estimations. Et c’est bien simple : de nouveaux espaces poussent comme des champignons en ce moment. « L’année dernière a marqué un véritable tournant. On a vu arriver plein d’acteurs, dont des grands groupes
qui ne sont pas lyonnais » , rapporte Philippe Dorier, le créateur de l’espace de coworking Webup Space à Jean Macé, en faisant référence à Now Coworking ou encore Weréso qui vient d’ouvrir près de 1 000 m2 dans le 6e arrondissement. Personnage historique du coworking à Lyon qui a été à l’origine de la création de l’espace l’Atelier des médias dans le 1er arrondissement, Philippe Dorier a vu le coworking se structurer et muter. L’offre d’espaces s’est diversifiée, avec des coworking réservés à des secteurs d’activité précis, généralement dans l’univers du web, mais aussi, par exemple, dédiés au monde de l’environnement à l’image d’ Ecoworking ( Lyon 1er). Et les structures associatives et plutôt artisanales des débuts côtoient désormais des entreprises florissantes. Des success- story lyonnaises sont même nées, comme le réseau né de l’économie solidaire La Cordée, qui vient d’ouvrir son 13e centre de coworking ( voir page suivante). La taille des projets aussi a changé : de quelques postes à l’origine, les espaces de coworking investissent désormais des immeubles entiers. À l’image de La Tour du web, gérée par l’association la Cuisine du web, occupe depuis début 2016 un bâtiment de 2 500 m2 dans le secteur des facs des quais du Rhône ( Lyon 7e). Et l’essor du coworking ne semble pas près de s’essouffler : plusieurs nouveaux « gros » espaces vont naître prochaine- ment à Lyon. Nextdoor, une filiale du géant Bouygues, va notamment créer sur plus 5 000 m2 ce qui deviendra le plus grand espace de coworking lyonnais dans une tour de la Part- Dieu ( voir ci- contre). Le choix de Lyon pour ces implantations n’est pas un hasard : grâce à u n coût de l ’ immobi l ier moindre qu’à Paris, la Métropole fait souvent office, pour les opérateurs, de zone test avant de s’attaquer à la capitale. Flexibilité, nomadisme et environnement atypique. Le boom du coworking s’explique évidemment par le dynamisme de l’entrepreneuriat dans la Métropole, avec quelque 15 000 entreprises créées chaque année : « Le développement des espaces de coworking donne une idée du nombre de personnes qui se mettent à leur compte » , rapporte Brigitte Fauvet, la directrice de la marketplace digitale My Art is Rich, domiciliée chez Weréso. Tous ces espaces draguent – peu ou prou – les mêmes profils d’indépendants et de jeunes startuppers à la recherche de flexibilité, de nomadisme et d’un environnement souvent atypique. Et cela tombe bien, l’immobilier lyonnais regorge de grands volumes
Les acteurs historiques craignent que l’arrivée des grands groupes dénature le concept du coworking
dans d’anciennes friches réhabilitées qui offrent des terrains de jeux parfaits pour créer des espaces de coworking. C’est le cas de l’ancien garage Citroën ou du futur bâtiment totem de la French Tech à la halle Girard, dans une ancienne usine de chaudronnerie à la Confluence. Un passé industriel sur lequel les espaces de coworking capital isent pour faire naître un véritable esprit de communauté et sentiment d’appartenance entre les coworkers. Une logique suivie par Weréso, qui vient de s’installer sur 900 m2 dans un bâtiment Eif fel en plein coeur du 6e a r rondissement . Des sal les de réunion, une balançoire et des bureaux ont été ajoutés dans cet ancien atel ier de découpe de la soie, mais le parquet grinçant d’époque a été conservé. Et, cl in d’oei l, des pièces de soie sont encadrées dans la cuisine. « Notre premier coup de coeur a été pour le bât iment . C’est un espace grandiose qui nous lie aux autres coworkers » , rapporte Catherine Salvadori, de la société d’ingénierie en mobilité Sareco.
Un concept originel dénaturé. Et, si la création de ces « gros » espaces de coworking témoigne de la vitalité de cette nouvelle façon de concevoir le travail, cette phase d’hyper- croissance fait aussi naître une crainte : que l’arrivée de ces grands groupes qui trustent des espaces toujours plus vastes dénaturent le concept originel du coworking. À savoir des petits espaces conviviaux où les coworkers forment une vraie communauté, et ne sont pas simplement des voisins de bureaux qui n’ont aucun contact. Ainsi, dans le réseau de La Cordée, quand une start- up commence à recruter des salariés, sa place n’est plus forcément ici. « À partir de la constitution de groupe de trois ou de quatre personnes, les coworkers partent, car cela ne colle plus à l’esprit de partage » , expose Mari Rossi de La Cordée de Jean Macé, dont la capacité d’accueil ne dépasse pas une trentaine de postes. « Il faudra faire une distinction entre les structures qui accueillent des indépendants et des free- lances et celles qui s’adressent davantage à des entreprises dans une logique de centre d’affaires comme Now Coworking » ,