Point de vue de Thierry Revoyre : « Le permis de conduire n’est pas fait pour la dématérialisation »
THIERRY REVOYRE, PRÉSIDENT DU CNPA* RHÔNE Pour réduire les démarches administratives, l’Etat dématérialise ses services. Parmi ceux- ci, l’inscription au permis de conduire. Un danger pour Thierry Revoyre, qui craint ainsi la prolifération des formations
Le 18 avril dernier, les écoles de conduite ont battu les pavés lyonnais pour s’opposer à la dématérialisation de la demande de permis de conduire. Cette réforme est prévue par le Plan Préfectures Nouvelle Génération, lancé en 2015 par le Gouvernement, qui instaure la dématérialisation d’un certain nombre de procédures administratives ( carte d’identité, passeport, carte grise, permis de conduire) dans le but de fermer des guichets en préfecture. Derrière un objectif affiché de simplification administrative se cache un réel risque pour la sécurité routière. Cette dématérialisation va favoriser l’apprentissage de la conduite via des plateformes qui se spécialisent dans la mise en relation des jeunes avec des enseignants de la conduite dispensant des formations onéreuses et en dehors des structures agréées. Or, aujourd’hui, l’enseignement de la conduite peut être dispensé en dehors d’une école de conduite, mais uniquement si cet enseignement est gratuit. Sinon c’est interdit ! Dès lors que l’enseignant est payé pour la formation qu’il dispense, cette formation doit être dispensée au sein d’une école de conduite agréée, disposant d’un local et d’une équipe pédagogique composée d’enseignants de la conduite titulaires d’une autorisation d’enseigner et déclarés en préfecture. Par ailleurs, avant d’entrer en formation, le futur conducteur doit effectuer une évaluation « Le permis de conduire n’est pas un bien de consommation courante. On ne forme pas les conducteurs de demain avec Youtube » afin de déterminer le volume d’heures théoriques et pratiques nécessaires à son apprentissage et à sa présentation aux épreuves théorique ( code) et pratique ( conduite) de l’examen du permis de conduire. Tout au long de la formation, l’apprenti- conducteur bénéficie d’un suivi personnalisé par l’équipe pédagogique. Il peut bénéficier des conseils de son enseignant. Il peut décider à la fin de sa formation initiale de compléter son apprentissage par une période de conduite supervisée. La conduite supervisée permet à l’apprenti de conduire avec un accompagnateur et de gagner en expérience et en confiance… avant de se présenter à l’examen. Nous assistons depuis quelque temps à l’émergence des offres de formation en ligne. En réalité, ces offres se limitent à proposer aux candidats une succession de questionnaires sur le Code de la route. On est très loin des formations théoriques dispensées par un enseignant dans une école de conduite. Par ailleurs, qu’on se le dise, les formations au Code en ligne sont un complément, elles ne peuvent en aucun cas se substituer aux formations dispensées par un enseignant ! La dématérialisation va détourner les candidats au permis de conduire des écoles de conduite, au profit de plateformes pour qui l’éducation routière n’est pas l’objectif premier !
Que souhaitent les écoles de conduite ? Des bornes numériques vont être installées dans les mairies pour que le public puisse effectuer les demandes de carte d’identité et de passeport. Les écoles de conduite souhaitent que la demande de permis de conduire puisse également se faire sur ces bornes car le permis de conduire n’est pas un bien de consommation courante, c’est un acte aux conséquences graves. On ne forme pas les conducteurs de demain avec Youtube. À l’heure du do it yourself, on incite les gens à se former en visionnant des vidéos partagées sur Internet. Cependant, le do it yourself n’a pas sa place dans tous les domaines !