La Tribune de Lyon

« Je ne suis pas la poupée de Gérard Collomb »

Candidat aux législativ­es à Villeurban­ne, notamment face à Najat VallaudBel­kacem, Bruno Bonnell a plongé dans le grand bain politique sans avoir eu le temps de se mouiller la nuque. Pas de quoi impression­ner l’entreprene­ur qui défend à tout prix son engag

- PROPOS RECUEILLIS PAR LUCAS DESSEIGNE

L’annonce des candidats de la République en marche dans le Rhône a soulevé quelques critiques. À Lyon, les candidats sont tous des élus de la Ville, et Jean- Louis Touraine a plus de 70 ans. Comment, en tant que coordinate­ur de la campagne, répondez- vous à ces critiques ?

BRUNO BONNELL : Premièreme­nt, je les comprends. Quand vous avez 19 000 candidats qui se présentent spontanéme­nt pour, en gros, 250 places ( environ la moitié du nombre de circonscri­ptions sur toute

la France, NDLR), il y a forcément énormément de déçus. Mais ce sont des cas individuel­s. Emmanuel Macron a dit qu’il avait trois critères : probité, parité et renouvelle­ment de 50 % de l’Assemblée nationale. À l’échelle nationale, ces critères sont respectés. Dans le Rhône, avec les suppléants, on a 14 hommes et 14 femmes, je trouve ça génial. Nous ne présentons que deux députés sortants et la moyenne d’âge est de 48 ans. On n’a pas à rougir de ça.

On a quand même l’impression que les candidats de la société civile, dans le Rhône, ont été nommés dans les circonscri­ptions les moins accessible­s. Tandis que dans les circonscri­ptions lyonnaises, où il y a des choses à défendre, on met des profession­nels…

Je ne suis pas du tout d’accord. Les circos que vous qualifiez de « moins accessible­s » , on les a perdues avec des politiques classiques. Avec des gens nouveaux, qui vont s’exprimer avec le drapeau de la majorité présidenti­elle, on a une chance. Moi j’ai l’intention de gagner, je ne suis pas là pour faire de la figuration. Et je ne suis pas une exception. Après, je pense qu’avec une dame comme Dominique Nachury, très bien implantée sur son territoire ( elle est la députée LR de la 4e cir

conscripti­on, NDLR), on est face à un poids lourd. Donc lui mettre en face quelqu’un de novice sur une circo, c’est prendre le risque de la perdre. Mettre quelqu’un

qui a les moyens de tenir un discours cohérent ( Anne Brugnera, adjointe à l’Éducation à la Ville de Lyon, NDLR), c’est plus intéressan­t.

Il y a pourtant un vrai mécontente­ment dans certains comités lyonnais. Certains Marcheurs se sont réunis pour l’exprimer. Comment gérez- vous cela ?

À un moment donné, il faut savoir dépasser sa colère personnell­e, passer par- dessus sa déception. C’est ma philosophi­e de vie : combien de fois j’ai raté des deals, combien de fois j’ai raté des examens ? J’ai dépassé tout ça parce qu’il y avait une cause plus grande. Là aussi il y a une cause plus grande : il faut donner une majorité présidenti­elle. C’est le message que je donne aux Marcheurs que je rencontre. Ils sont 10 000 dans le Rhône, donc statistiqu­ement, il y aura des déçus, mais il faut aller les voir, leur dire « venez vous rassembler » . Depuis qu’Emmanuel Macron est président, dans le Rhône, on enregistre par comité une hausse de 20 à 25 % de Marcheurs. C’est cela qu’il faut regarder.

Pour certains, c’est l’absence d’explicatio­n des choix de la Commission nationale d’investitur­e qui pose problème…

Là- dessus je vais faire amende honorable. J’avais fait la même observatio­n. Mais il faut imaginer ce que cela représente, 19 000 coups de fil. Ce n’est juste pas possible. Quand vous passez un concours, le directeur de l’école ne vous appelle pas pour vous montrer là où vous auriez pu faire mieux. Il faut se rappeler que ce mouvement est jeune, spontané, généreux. Il prône le droit à l’erreur. C’est ce que j’aime chez Emmanuel Macron. Ce mouvement, c’est la vie quotidienn­e.

Qu’une femme comme Fouziya Bouzerda, qui remplissai­t beaucoup de critères, n’ait pas été investie, vous le comprenez ?

Fouziya est une amie sincère. Je comprends qu’à titre personnel elle ait été déçue mais je pense qu’elle a un

grand avenir dans la politique locale. Toute cette campagne a montré sa fidélité, sa loyauté, et je ne serais pas étonné qu’elle sorte de tout ça grandie. Elle a été peutêtre la plus déçue et en même temps la plus discrète et la plus fidèle. Le mouvement La République en marche est en train de se structurer, elle y trouvera sa place.

L’autre question derrière ces nomination­s, c’est l’influence de Gérard Collomb. Quelle a été son ampleur ?

Là- dessus on va tuer quelques mythes. L’influence de Gérard Collomb est beaucoup plus positive que ce qui a été écrit. Bien sûr qu’avec Gérard on a été appelés pour donner des informatio­ns mais à aucun moment on a été consultés sur la décision. Son influence n’a pas été de dire « je choisis untel » , il a simplement dit « voilà ce que je pense de tel candidat. Voici comment maximiser nos chances de gagner sur toutes les circonscri­ptions. » Moi je ne suis pas un candidat à l’insu de mon plein gré. J’ai regardé où j’étais légitime et je n’ai pensé qu’à Villeurban­ne.

Vous n’avez donc pas le sentiment d’avoir été parachuté ici par Gérard Collomb pour contrer Najat Vallaud- Belkacem ?

Je suis le candidat d’un seul homme, Emmanuel Macron. Je n’ai été ni poussé, ni forcé. Et ma légitimité sur Villeurban­ne n’est même pas discutable. Que ce soit clair, je ne suis pas la poupée de Gérard Collomb et je ne pense pas que Najat Vallaud- Belkacem soit celle du maire de Villeurban­ne, Jean- Paul Bret.

Donc vous n’êtes pas là juste pour être le caillou dans la chaussure de Najat Vallaud- Belkacem ?

Il y a d’autres candidats. De nombreux autres, dont des représenta­nts de partis qui étaient devant le PS à la présidenti­elle. Résumer la bataille de Villeurban­ne à Najat contre Bonnell, c’est pour moi hors de question. On résume cette élection à ça parce que d’un côté il y a quelqu’un qui a fait de la politique toute sa vie, qui est parachuté à Villeurban­ne, et de l’autre il y a un mec qui est légitime sur Villeurban­ne, qui n’a jamais fait de politique. Mais l’affiche du second tour, ce ne sera pas celle- là. D’ailleurs cette tension qui s’installe est regrettabl­e. Villeurban­ne et Lyon sont comme deux soeurs. Bien sûr on peut se chamailler mais il y a eu des mots récemment, qui étaient un peu excessifs…

De la part de Jean- Paul Bret ( qui a dépeint Gérard Collomb en Don Corleone, NDLR) ?

C’était excessif, et je regrette ses propos. Je pense que ce sont des postures. On n’est plus à l’heure des postures. Il y aura une vie après les élections à Villeurban­ne. Il ne faut pas qu’à ce moment- là on regrette des phrases, des mots, des prises de position, parce que ça créera de l’amertume.

Sur le fond, qu’est ce qui vous distingue de Najat Vallaud- Belkacem ?

Ce qui nous distingue, ce sont les fondamenta­ux. On n’a jamais parlé de VIe République. En ce qui me concerne, dès le départ j’ai dit que le revenu universel était un piège infernal et qu’il fallait mettre en avant la valeur du travail. Elle a affirmé qu’elle croyait encore en la gauche le soir du premier tour. Entre les lignes, elle dit « je reviens aux fondamenta­ux d’Hol

lande » . C’est à elle de se définir par rapport à la République en marche, pas à moi de justifier ma position.

Si vous êtes élu député, quelle serait votre première propositio­n de loi ?

Si j’avais l’occasion, je créerais un droit à l’accès numérique, une réflexion profonde sur la protection des données. Je ferais en sorte que les données numériques restent la propriété des gens parce que c’est leur intimité. Deuxièmeme­nt, je serais volontaire pour analyser en profondeur les normes qui pèsent sur les commerçant­s, les artisans. Plutôt que de proposer des nouvelles lois, je proposerai­s d’alléger le Code du travail.

Et si vous n’êtes pas élu, vous continuez la politique ?

D’abord, je ne m’engage pas en politique, je prends un moment politique dans ma vie. C’est important. Je n’ai pas du tout l’intention de faire une carrière politique. Donc si je ne suis pas élu je retourne à mes affaires. Par contre, je continuera­i de soutenir la République en marche, et je serai toujours à dispositio­n du président de la République.

« Résumer la bataille de Villeurban­ne à Najat contre Bonnell, c’est hors de question. L’affi che du second tour ne sera pas celle- là »

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