La Tribune de Lyon

Laurent Duc :

« Avec Airbnb, on risque de dépeupler tout le centre de Lyon »

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS SAPY

Les taxis contre Uber, les hôteliers contre Airbnb… Vous êtes le représenta­nt de la vieille économie qui s’accroche à ses privilèges ?

LAURENT DUC : « Je ne suis pas contre Airbnb. Je suis même un utilisateu­r de cette plate- forme à titre personnel. On dit parfois que notre démarche est ringarde, mais allez en Californie pour voir. Les hôteliers y ont réclamé et obtenu tout ce qu’ils souhaitaie­nt. Je m’oppose simplement au laxisme des autorités. Je suis contre cette concurrenc­e déloyale vis- à- vis des hôtels. Entre une chambre Airbnb à 50 euros et un hôtel à 70 euros, il y a de la disponibil­ité, de la TVA, du personnel, des taxes diverses, l’obligation de respecter des normes techniques, de servir un petit- déjeuner, de permettre aux personnes handicapée­s d’accéder à l’établissem­ent… Un Airbnb, c’est trois coups de peinture. On colle une alarme incendie au plafond et roule ma poule.

N’y a- t- il pas de la place pour tout le monde ?

Oui, pour autant que nous ayons les mêmes contrainte­s. Airbnb fait son travail et le fait bien. Mais le principe a énormément changé en quatre ans. Au début, leur slogan était “Venez partager l’expérience ” d’une personne. Aujourd’hui, c’est “Vous ne trouve

rez pas meilleure location ”. Quand quelqu’un achète deux ou trois appartemen­ts et qu’il gère directemen­t ses trois SCI ( Société civile immobilièr­e, NDLR) en se faisant l’équivalent d’un salaire sans payer aucune charge, ce n’est pas normal. On devient alors un profession­nel et on doit assumer les charges qui correspond­ent à cette activité.

Vous dites que des immeubles entiers du centre- ville sont constitués d’appartemen­ts loués en Airbnb, lesquels ?

Place Bellecour, il existe des allées où cinq ou six appartemen­ts sont loués en Airbnb. J’ai d’autres exemples en tête, parfois sur des immeubles entiers, mais je laisse les autorités agir. La Ville doit faire son travail. Airbnb se vante d’avoir collecté 350 000 euros en 2017 de taxes de séjour à Lyon. Je dis : “Super ! ” Sauf que c’est de la poudre aux yeux, c’est du pipeau ! La loi prévoit que la Métropole doit collecter la taxe pour toutes les communes qui la composent. Or, dans la Métropole, la taxe de séjour n’est collectée par Airbnb qu’à Lyon et pas à Villeurban­ne, par exemple… Quand on alerte sur cette injustice, Airbnb ne répond pas et même la Métropole ne sait pas quoi répondre. Il y a du laxisme et les multinatio­nales comme Uber ou Airbnb jouent sur ce laxisme et cette complexité.

Que demandez- vous précisémen­t à la Métropole, alors, puisque c’est elle qui doit agir ?

Je demande un contrôle strict et une collecte générale des taxes de séjour. Aujourd’hui, les 14 000 chambres d’hôtels de la Métropoles payent 90 % du montant de la taxe, soit près de 4,6 millions d’euros, alors qu’il existe plus de 7 500 chambres louées en meublés touristiqu­es. Je reconnais toutefois qu’il est difficile d’identifier tous les acteurs. Il faut savoir qu’Airbnb, contrairem­ent à ce que l’on croit, n’est pas le plus grand intermédia­ire. Le principal, c’est Leboncoin. Et avec Leboncoin, c’est l’opacité totale.

Newspapers in French

Newspapers from France