Laurent Duc :
« Avec Airbnb, on risque de dépeupler tout le centre de Lyon »
Les taxis contre Uber, les hôteliers contre Airbnb… Vous êtes le représentant de la vieille économie qui s’accroche à ses privilèges ?
LAURENT DUC : « Je ne suis pas contre Airbnb. Je suis même un utilisateur de cette plate- forme à titre personnel. On dit parfois que notre démarche est ringarde, mais allez en Californie pour voir. Les hôteliers y ont réclamé et obtenu tout ce qu’ils souhaitaient. Je m’oppose simplement au laxisme des autorités. Je suis contre cette concurrence déloyale vis- à- vis des hôtels. Entre une chambre Airbnb à 50 euros et un hôtel à 70 euros, il y a de la disponibilité, de la TVA, du personnel, des taxes diverses, l’obligation de respecter des normes techniques, de servir un petit- déjeuner, de permettre aux personnes handicapées d’accéder à l’établissement… Un Airbnb, c’est trois coups de peinture. On colle une alarme incendie au plafond et roule ma poule.
N’y a- t- il pas de la place pour tout le monde ?
Oui, pour autant que nous ayons les mêmes contraintes. Airbnb fait son travail et le fait bien. Mais le principe a énormément changé en quatre ans. Au début, leur slogan était “Venez partager l’expérience ” d’une personne. Aujourd’hui, c’est “Vous ne trouve
rez pas meilleure location ”. Quand quelqu’un achète deux ou trois appartements et qu’il gère directement ses trois SCI ( Société civile immobilière, NDLR) en se faisant l’équivalent d’un salaire sans payer aucune charge, ce n’est pas normal. On devient alors un professionnel et on doit assumer les charges qui correspondent à cette activité.
Vous dites que des immeubles entiers du centre- ville sont constitués d’appartements loués en Airbnb, lesquels ?
Place Bellecour, il existe des allées où cinq ou six appartements sont loués en Airbnb. J’ai d’autres exemples en tête, parfois sur des immeubles entiers, mais je laisse les autorités agir. La Ville doit faire son travail. Airbnb se vante d’avoir collecté 350 000 euros en 2017 de taxes de séjour à Lyon. Je dis : “Super ! ” Sauf que c’est de la poudre aux yeux, c’est du pipeau ! La loi prévoit que la Métropole doit collecter la taxe pour toutes les communes qui la composent. Or, dans la Métropole, la taxe de séjour n’est collectée par Airbnb qu’à Lyon et pas à Villeurbanne, par exemple… Quand on alerte sur cette injustice, Airbnb ne répond pas et même la Métropole ne sait pas quoi répondre. Il y a du laxisme et les multinationales comme Uber ou Airbnb jouent sur ce laxisme et cette complexité.
Que demandez- vous précisément à la Métropole, alors, puisque c’est elle qui doit agir ?
Je demande un contrôle strict et une collecte générale des taxes de séjour. Aujourd’hui, les 14 000 chambres d’hôtels de la Métropoles payent 90 % du montant de la taxe, soit près de 4,6 millions d’euros, alors qu’il existe plus de 7 500 chambres louées en meublés touristiques. Je reconnais toutefois qu’il est difficile d’identifier tous les acteurs. Il faut savoir qu’Airbnb, contrairement à ce que l’on croit, n’est pas le plus grand intermédiaire. Le principal, c’est Leboncoin. Et avec Leboncoin, c’est l’opacité totale.