Politique - Comment Wauquiez pourrait perdre sa majorité
Avis de gros temps pour Laurent Wauquiez : le président de la Région pourrait voir sa majorité lui échapper. La faute à des conseillers régionaux qui espèrent pouvoir créer un groupe politique En Marche, en essayant de convaincre les élus MoDem et la droi
Jeudi 29 juin, 9 heures du matin. Laurent Wauquiez descend de sa voiture, le visage
grave. D’un pas décidé, il pénètre dans le bâtiment de la Région, à la Confluence pour rencontrer la presse locale qu’il a conviée à la présentation du compte administratif régional de l’année 2016. Mais l’hyperactif président LR de la grande région Auvergne Rhône- Alpes sait que les journalistes présents l’attendent au tournant sur un tout autre sujet. « Je savais que vous étiez très inquiets de savoir si j’allais revenir ou pas… » , lancet- il d’entrée pour faire taire les rumeurs quant à son possible départ du Conseil régional. En même temps, Laurent Wauquiez, qui est à la tête de la Région depuis un an et demi, l’a un peu cherché. Depuis qu’ il a affiché publi- quement ses ambitions nationales, à savoir briguer dès l’automne la présidence de ce qu’il reste de son parti, les rumeurs sur l’abandon de son fauteuil de patron de la deuxième région de France n’ont cessé d’alimenter les discussions dans les couloirs de la collectivité. C’est simple, jeudi dernier lors de la dernière séance plénière, ses collègues élus semblaient plus intéressés par son avenir politique que par la présentation du plan de 130 millions d’euros d’économies réalisées par la collectivité en 2016.
Discussions engagées. En fait, si les 204 élus de la super- région font depuis quelques semaines une véritable fixette sur Laurent Wauquiez, c’est parce que cette fois- ci, ce dernier pourrait vraiment quitter la Région. La raison ? Emmanuel Macron et sa razzia de parlementaires lors des élections législatives du mois dernier. « Comme partout en France, le contexte a changé. On assiste aujourd’hui à une recomposition politique des hémicycles dans toutes les collectivités locales, y compris celles qui sont bien à droite comme la nôtre » , confie un élu socialiste de la Région, persuadé que Wauquiez « devra la jouer malin, s’il ne veut pas se faire bouffer par les macronistes aux
dents longues et perdre sa majo
rité » . Un scénario difficile à envisager à l’heure actuelle mais sur lequel les nouvelles forces macronistes de la Région travaillent depuis plusieurs semaines déjà. Une dizaine de conseillers régionaux, pour la plupart membres du groupe socialiste, démocrate, écologiste et apparentés ( SDEA), comme les nouvel les députées Olga Givernet et Marjolaine Meynier- Millefer ou encore les conseillers régionaux Stéphane Gemmani, Michel Grégoire, Valérie Trillet- Lenoire et Anne- Sophie Condemine, réfléchissent en effet à la création d’un groupe indépendant La République en marche. Avec un objectif clair : affaiblir la majorité régionale en attirant dans ce groupe tous les élus « Macron- compatibles » de la Région, y compris ceux qui appartiennent actuellement à l’exécutif de Laurent Wauquiez. S’ils y parviennent, pas loin de 50 élus pourraient composer ce groupe d’opposition et mettre à mal la majorité absolue de Wauquiez qui se joue à 11 voix près. « Pour l’instant, rien n’a été acté, mais, je vous confirme que des discussions ont été engagées avec tous ceux à la Région qui se sentent proches des valeurs défendues par Emmanuel Macron » , rapporte Olivier Véran,
« On souhaite obliger Laurent Wauquiez à ne plus décider toujours tout, tout seul »
conseiller régional et député fraîchement élu de l’Isère sous les couleurs macronistes.
Confiance et loyauté. Mais si ce dernier et tous les ex- socialistes de la Région qui se sont mis en marche, préfèrent pour le moment attendre avant de se lancer dans le grand bain de l’opposition, c’est parce qu’ils n’ont pas la garantie que le MoDem et les Républicains dits « constructifs » décident de les rejoindre pour constituer un unique groupe capable de déstabiliser Wauquiez et ses troupes. Pour le moment, ces élus du MoDem et de la droite modérée qui représentent environ une quarantaine de sièges à la Région ont en effet décidé de rester dans la majorité régionale, contrairement aux alliances qui ont été passées à l’Assemblée nationale notamment. « Nous avons signé en 2015 un pacte de majorité avec Laurent Wauquiez pour défendre un projet régio-
nal commun. Nous nous devons de le respecter par loyauté pour nos électeurs » , explique François- Xavier Pénicaud, conseiller
régional MoDem. « Vous savez, le Wauquiez national n’est pas le Wauquiez régional. Nous avons une vraie relation de confiance avec lui » , se défend quant à elle, l’élue MoDem, Anne Pellet.
Infléchir la politique de Wauquiez. Sauf que le MoDem a tout de même décidé de mettre clairement la pression sur Laurent Wauquiez pour la suite de son mandat. Comme s’il lui accordait
une dernière chance. « Nous avons l’ambition de créer un groupe Modem élargi qui aura vocation à être vigilant sur l’application du programme régional et uniquement le programme régional. La course à la présidence de LR ne
doit pas être importée à la Région » , prévient Patrick Mignola, le nouveau député LREM- MoDem de Savoie, pressenti pour présider le groupe centriste à la Région après sa démission de la vice- présidence aux Transports pour se mettre en règle avec la loi contre le cumul des mandats. Autre doléance et pas des moindres de ce groupe MoDem qui se veut pourtant en accord avec la majorité : « Obliger formellement Laurent Wauquiez à avoir un management décentralisé et à ne plus décider tout seul, parfois dans le dos de ses vice- présidents » , dixit un élu régional MoDem. Et les exemples sont nombreux : redonner aux vice- présidents leurs délégations de signatures pour les responsabiliser, réduire l’omniprésence du cabinet, reconnaître les erreurs qui ont été com-
mises. À l’image des politiques territoriales sur l’emploi et la formation ; 10 % du budget réservé à ce secteur n’auraient pas été utili
sés… « Les orientations et les budgets de la Région sont très bons. En revanche, il faut corriger la façon de travailler ensemble. En fait, nous voulons être un groupe constructif et de pivot entre la majorité et l’opposition » , assure François- Xavier Pénicaud, en pré-
cisant que « le MoDem tend une main de rassemblement à Laurent Wauquiez, et que c’est maintenant à lui de la saisir ou pas » . Malgré toutes ces mises en garde, dans l’entourage de Laurent Wauquiez, qui multiplie depuis quelques jours les rencontres pour souder sa majorité, on assure que ce der
nier est très serein. « L’ex- garde des Sceaux MoDem Michel Mercier est venu deux fois à la Région pour dire à ses gars de rester dans la majorité. Laurent a aussi rencontré Patrick Mignola en tête à tête, les élus UDI et tous les LR la semaine dernière et tout s’est bien passé : il n’y aura aucune trahison » , assure un collaborateur du président, qui ne voit pas comment des ex- PS devenus macronistes pourraient travailler au sein du même
groupe avec un Patrick Mignola qui a, par exemple, défendu la clause Molière pour obliger les ouvriers travaillant sur les chantiers financés par la Région à par
ler français. « Il est logique que les journalistes fassent un travail de spéculation, mais je peux vous dire que ma majorité est solide et que ce ne sont pas les combats parisiens qui l’affecteront. Je suis exactement sur la même longueur d’ondes que Patrick Mignola qui lui aussi n’a aucune intention de se laisser polluer par la petite cuisine parisienne » , confie pour sa part Laurent Wauquiez. Les états- majors à la rescousse ? La petite cuisine parisienne, c’est pourtant justement ce qui pourrait jouer un mauvais tour à Wauquiez. Les positions droitières de ce dernier qui sont devenues minoritaires au sein de sa propre famille politique – malgré l’appui de certains de ses fidèles à la Région comme Philippe Meunier et Anne Lorne –, agaceraient au plus haut point des cadres nationaux LR. « Je ne pense pas que Wauquiez puisse perdre sa majorité seulement avec la pression de tous ces élus Macron- compatibles ici à Lyon. En revanche, si jamais ces derniers venaient à recevoir un coup de main des états- majors nationaux, là oui, il est mal » , analyse un fin connaisseur des enjeux régionaux. Sa théorie : « S’ils le décident, les Lemairistes, les troupes de la droite modérée de Xavier Bertand qui soutient Valérie Pécresse à la présidence du parti contre Wauquiez, ou encore François Bayrou et le MoDem à Paris n’auront aucun scrupule à faire de lobbying à la Région pour l’isoler et lui faire perdre sa majorité » .
Coups de semonce. Ça tombe bien, c’est exactement la stratégie secrète du MoDem et de ses alliés à la Région si jamais leur relation avec Wauquiez venait à tourner au
vinaigre. « C’est un homme intelligent et je pense qu’il ne se droitisera pas davantage. Mais on n’acceptera pas que des ponts soient construits avec le FN notamment sur les questions de santé comme le planning familial. Nous serons également très vigilants sur la place des anti- mariage gay de Sens Commun au sein des Républicains » , glisse un conseiller régional MoDem, qui assure que son futur groupe sera « assez costaud pour faire de la dissuasion nucléaire » et « mettre les coups de semonce nécessaires si Wauquiez n’infléchit pas sa politique » . Par exemple ? En refusant de voter le budget régional qui sera présenté par la majorité wauquieriste comme chaque année en décembre. Tout serein qu’il est, le président de la Région va donc devoir s’efforcer à ne brusquer personne. Entre tractations et campagne pour la présidence des Républicains, les vacances d’été s’annoncent chargées pour l’ambitieux quadra.
« Ma majorité à la Région est solide et ce n’est pas la petite cuisine parisienne qui l’affectera »