Les nouveaux acteurs de la finance à Lyon
Depuis trois ans, les créations et implantations de fonds de capitalinvestissement se multiplient à Lyon. De quoi satisfaire les besoins en financement des entreprises régionales et… étancher la soif d’investir des financiers. Rencontre avec les nouveaux
« Certains confrères m’ont dit : “Vous arrivez, vous bouleversez les lignes… N’avez
vous pas honte ? ” » . La trentaine, Yoann Bonnamour, investisseur chez M Capital, un fonds d’invest issement toulousain implanté à Lyon, sourit. Plutôt fier d’annoncer qu’i l a déjà injecté plus de 20 millions d’euros dans les PME de la région depuis son ar r ivée dans la Mét ropole, il y a deux ans. C omme lu i , un e bo n n e demi- douzaine de fonds ont ouvert des bureaux lyonnais au cours des trois dernières années. Des nouveaux acteurs créés ici, ou des sociétés venues d’ailleurs – comme M Cap it a l –, qui ouvrent des antennes pour mailler le territoire. Il faut dire que la place lyonnaise a des atouts que tous les acteurs de l’investissement dans les entreprises mettent en avant : la Métropole est au coeur de la deuxième région économique de France avec un tissu industriel consistant et diversifié, qui a notamment bien su prendre les virages technologiques. Cet argument répété à l’envi par les professionnels n’est pas la seule raison : actuellement, les financiers disposent aussi de beaucoup d’argent à investir dans des entreprises prometteuses à la recherche d’argent frais.
En claquant des doigts. En effet, avec un taux de rendement affiché de l’ordre de 9 % sur dix ans, l’investissement dans les entreprises propose aux investisseurs ( fonds ou particuliers fortunés) un retour sur investissement largement supérieur à l’immobilier, qui plafonne autour de 5 %. En s’implantant à Lyon, ces fonds recherchent donc de nouvelles pépites sur lesquelles miser. Ce qu’ils considèrent, pour la plupart, ne pas pouvoir faire de façon satisfaisante, sans être « sur place » . Le dernier arrivé à Lyon ? Innovafonds. Ce fonds créé à Grenoble en 2009 vient d’ouvrir son bureau en même temps qu’il annonçait la levée d’un fonds de 30 millions d’euros dédié aux PME régionales qui réalisent moins de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le ticket d’investissement pourra s’élever jusqu’à 3 millions d’euros. « Pour réaliser des opérations dans la région, il est important d’avoir un ancrage territorial, notamment pour pouvoir identifier les opportunités et assurer un accompagnement de proximité » , souligne Olivier Richard, à la tête du bureau lyonnais. Même écho du côté d’Elige, créé à Paris et Lyon par Emmanuelle Capello et Grégoire Bouvier en 2015. « Une entreprise structurée qui recherche 10 millions d’euros n’a qu’à claquer des doigts, ironise ce dernier. En revanche, le marché de la “petite PME ” est mal
adressé par les fonds » , estime celui qui a réuni 15 mi l lions d’euros auprès d’entrepreneurs – pour 75 % – et d’institutionnels ( banques, assurances…,) dans la perspective de distiller cette somme dans des entreprises à raison de tickets de 500 000 à 3 mi l lions d’euros. Comme tous ses confrères, i l affiche sa volonté de ne pas être qu’un financier. «
« Un acteur local effraie souvent moins que les fonds parisiens qui ont la réputation d’être les “méchants ” de la finance »
consiste pas seulement à investir, mais à accompagner les dirigeants quand ils en ont besoin » assure- t- il. Capitem, un autre acteur positionné sur des tickets compris entre 1 et 4 mi l lions d’euros, a lui levé 30 millions d’euros, uniquement auprès d’entrepreneurs, installés en Normandie et en Rhône- Alpes, les régions d’origine de ses deux fondateurs, Hervé Letoublon et Stéphane Grès. « C’est un métier d’expérience où tout repose sur la confiance et les réseaux qu’on a su créer » , croit savoir le duo de financiers. Les réseaux sont importants pour lever les fonds, puis pour les investir dans les entreprises. I l faut, en ef fet, convaincre chaque patron de choisir son fonds comme nouvel act ionnaire. « Pour notre part, nous nous adressons à des dirigeants qui préfèrent travailler avec des entrepreneurs plutôt qu’avec des investisseurs traditionnels » assurent les fondateurs de Capitem.
Stratégie défensive. Arrivé à Lyon il y a bientôt deux ans, Ciclad se positionne, lui, avec des tickets de 3 à 12 millions d’euros. Son créneau ? L’accompagnement de la transmission des entreprises à un nouveau dirigeant ou à des salariés. Et le même credo que les autres : « Même si la France est centralisée, même si Ciclad a pu signer des opérations en Rhône- Alpes bien avant notre instal-
lation en Presqu’île, force est de constater qu’il y a des deals que nous ne voyions pas avant d’être vraiment implantés » , reconnaissent Thomas Roudil et sa coéquipière, Laura Chavanon qui, depuis 2015, multiplient les rencontres avec les intermédiaires, les avocats d’affaires…
« S’installer à Lyon relevait, pour nous, d’une stratégie non pas offensive mais défensive : il s’agit de ne pas se faire dépasser ou court- circuiter. La place lyonnaise n’est pas très grande mais… elle est quasi autosuffisante dans le secteur des entreprises à petite capitalisation