Portraits
- Caroline Collomb, l’ascension d’une ambitieuse
Le rendez- vous a été fixé vendredi dernier à son domicile du Point- du- Jour, sur les hauteurs
du 5e arrondissement. Devant l’immeuble au style moderne, deux policiers en civil contrôlent les allées et venues des riverains de ce quartier chic et résidentiel. Une surveillance policière obligatoire pour assurer la protection du ministre de l’Intérieur et de sa famille. Caroline Collomb ouvre avec entrain la porte de l’appartement familial qui n’a en fait rien d’un bunker. Souriante et enjouée comme rarement. « C’est un grand bonheur pour moi » , lance- t- elle dans la pièce à vivre, sombre et sobre, pour ne pas dire austère, où trône une marionnette de Gérard Collomb façon théâtre de Guignol et quelques manuels scolaires des deux jeunes filles du couple. Si l’épouse de l’exmaire de Lyon est aussi joyeuse, ce n’est pas à cause de notre visite. Caroline Collomb vient, en fait, d’apprendre l’officialisation de sa nomination comme référente de la République en Marche dans le Rhône. Même si cette information – révélée quelques jours auparavant sur notre site saladelyonnaise. com – était devenue un secret de polichinelle, la nouvelle patronne locale du parti veut savourer l’instant. Les textos de félicitations pleuvent sur son portable. Elle est aux anges.
Frange rocardienne. Cette nouvelle fonction politique, Caroline Collomb, qui est aussi juge administrative à Paris, en rêve depuis longtemps. Même si elle dément
« tout plan de carrière » , la jeune quadra, qui fait de la politique derrière l’épaule de son mari depuis vingt ans, a minutieusement préparé son passage de l’ombre à la lumière. Ce poste à responsabilités vient, en effet, mettre fin à plusieurs mois de travail souterrain pour prendre la tête du parti et lui offrir l’occasion de devenir enfin une actrice visible et respectée du monde politique lyonnais. Pourtant, rien ne laissait présager du destin politique qui débute pour elle. Membre des jeunesses socialistes au sortir du lycée, comme de nombreux étudiants de sa génération, la jeune Caroline Rougé, qui est originaire du Pays de Gex dans l’Ain, arrive à Lyon au milieu des années 1990 pour suivre une maîtrise d’histoire contemporaine. Un parcours classique durant lequel elle côtoie la frange rocardienne du PS, sans jamais vraiment imaginer de quoi sera fait son avenir. Mais une rencontre va chambouler sa vie d’étudiante. « Dans le cadre de mes études, je faisais un mémoire pour étudier les relations entre les jeunes mouvements politiques comme le MJS et le Parti socialiste. Du coup, je suis allée interroger Gérard Collomb, qui était déjà maire du 9e arrondissement à l’époque et qui connaissait bien le PS » , se souvient- elle. C’est le coup de foudre. Dans la foulée, un mariage en 2000, la naissance de deux enfants en 2004 et 2007, et surtout une proximité politique immuable. « Ces deux- là ont toujours été en phase politiquement et le seront toujours. On le voit encore plus aujourd’hui avec Macron » , confie un élu lyonnais qui les connaît bien.
Théoricienne. Même si Caroline Collomb reste cantonnée dans les premières années à l’image de
« femme de » , sa proximité avec le pouvoir lyonnais et les réseaux de son mari lui permettent malgré tout d’avancer ses pions pour préparer la suite. En parallèle de ses études à Science Po Paris où elle se lie d’amitié avec l’ex- ministre Najat Vallaud Belkacem, au début des années 2000, elle commence à s’imposer comme une pièce maîtresse du système Collomb. Malgré deux échecs au concours d’entrée de l’ENA, elle est de toutes les élections locales, mouillant la chemise en
coulisses pour soutenir les listes et les candidats présentés par son mari dont elle est de 29 ans la cadette. Mais sa véritable montée en puissance date de 2014 et la réélection de Collomb pour un troisième mandat. Cette année- là, Caroline Collomb est élue secrétaire de la section PS du 5e arrondissement. Parallèlement à sa carrière professionnelle, d’abord comme attachée territoriale à la Région, puis comme haut fonctionnaire au tribunal administratif de Toulon, son nom commence à apparaître sur certaines listes électorales. C’est notamment le cas en 2015, lors des régionales. « Caroline est une intellectuelle brillante qui conceptualise et théorise la politique. Je n’ai jamais vu une personne comprendre aussi rapidement les rapports de force politiques. Elle a com-
pris bien avant nous tous que le PS arrivait à la fin d’un cycle » , assure Ali Kismoune, un élu du 3e et membre actif de son fan- club.
Leadership. Caroline Collomb repère en effet avant tout le monde le potentiel présidentiel d’Emmanuel Macron. Elle le fait venir à Lyon dès l’automne 2015 pour une rencontre avec les militants socialistes au Ninkasi Gerland. Premier succès pour elle : 300 personnes répondent présent. La « découvreuse
de talents » , comme la surnomment ses amis en référence à Macron mais aussi à NVB – qu’elle fera recruter au cabinet de son mari en 2003 –, va peu à peu prendre le leadership du mouvement politique de son nouveau poulain à Lyon. N’en déplaise à certains Marcheurs qui s’opposent à ce que les collombistes tirent les ficelles d’En Marche. Qu’importe, l’ancienne strauss- kahnienne, qui tire désormais à boulets rouges sur ses ex- amis du PS, fonce tête baissée. Elle monte un comité de campagne, organise une grande marche macroniste sur les berges du Rhône et veille sur les bureaux de vote. Le 27 juin, soit moins de dix jours après les législatives largement remportées par les macronistes, elle parvient même à réunir plus de 500 Marcheurs à Vaise. « De nombreux Mar-
« Caroline est une femme aussi douce que machiavélique. Il vaut mieux l’avoir avec soi »