La Tribune de Lyon

Point de vue de Dominique Mendy, étudiant en master Inégalités et discrimina­tions à Lyon 2 : « Il est temps de réfl échir publiqueme­nt à l’islamophob­ie »

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DOMINIQUE MENDY, ÉTUDIANT EN MASTER INÉGALITÉS ET DISCRIMINA­TIONS À LYON 2 En annulant un colloque sur l’islamophob­ie prévu le 14 octobre dernier, l’université Lyon 2 a fait une erreur, estime Dominique Mendy. Elle a cédé à des pressions externes et souligne la difficulté de s’emparer de la question dans l’espace public. Le samedi 14 octobre 2017, l’université Lumière Lyon 2 devait accueillir un colloque public intitulé « Lutter contre l’islamophob­ie, un enjeu d’égalité ? » , et organisé par la chaire Égalité, Inégalités et Discrimina­tion de l’institut d’Étude du Travail de Lyon ( IETL). L’islamophob­ie fait partie de ces néologisme­s requérant la nécessité d’être construits dans un contexte où sévissent des discrimina­tions envers une population définie. Ce terme désigne une crainte s’exprimant par un rejet, un mépris, une haine de l’islam, des musulmans et des individus perçus comme tels. C’est, tout comme l’antisémiti­sme, une forme de racisme à connaître et reconnaîtr­e afin de mieux la combattre, d’où l’organisati­on d’un tel évènement à l’Université, lieu où de nombreux acteurs travaillen­t au quotidien sur des questions autour de la société. Malheureus­ement, suite à des pressions exercées par les « défenseurs de la laïcité » , sur la twittosphè­re notamment, taxant cet évènement de « laïcophobe » , il a fini par être annulé par la présidence de l’Université. Le motif officiel : le cadre n’est pas adapté au bon déroulemen­t des échanges autour de l’islamophob­ie. Ce colloque faisait suite à plus d’un an et demi de travail et était l’occasion de réunir des acteurs du milieu scientifiq­ue universita­ire avec des acteurs du terrain ( notamment associatif­s) pour discuter des discrimina­tions islamophob­es auxquelles font face les personnes considérée­s comme musulmanes dans la société française. La plaquette du colloque précise que ces actes se sont renforcés depuis « l’assassinat des journalist­es de Charlie Hebdo en janvier 2015 » et les nombreux attentats ayant eu lieu par la suite, « perpétrés au nom d’organisati­ons terroriste­s se réclamant de l’islam » .

L’annulation du colloque en elle- même est discu

table. Elle signifiera­it que tout le travail préparé en amont serait considéré comme n’ayant jamais eu lieu, ce qui est fort préjudicia­ble à toutes les personnes impliquées puisqu’il devait accueillir, aussi bien dans le public que parmi les intervenan­ts, des personnes faisant face quotidienn­ement à des discrimina­tions et violences basées sur le simple fait qu’elles soient liées ou considérée­s comme étant attachées à une religion. Cette annulation a permis également de mettre en lumière de nombreuses problémati­ques au sein de l’Université, mais aussi dans la société en général, notamment le fait qu’il y ait une véritable incompréhe­nsion entre la présidence et les étudiants. Ces derniers se sentent écartés des décisions importante­s dans lesquelles ils ont aussi leur mot à dire, et désorienté­s voire infantilis­és lorsqu’ils veulent avoir des explicatio­ns concrètes sur le fondement de ce genre de situation.

On se rend également compte qu’il y a un véritable déni en France de la question des discrimina­tions raciales, en l’occurrence concernant l’islamophob­ie. D’autant plus que beaucoup de colloques bien plus problémati­ques ont pu avoir lieu, dans lesquels on a pu par exemple discuter du contrôle des naissances et « l’exportatio­n » des jeunes réunionnai­s opérée par l’État français dans les années 1960– 1970. On se retrouve aujourd’hui devant une vraie question : préfère- t- on taire et renier les personnes minorisées et discriminé­es sur la place publique pour mieux les stigmatise­r, ou veut- on les écouter pour pouvoir travailler et avancer ensemble ?

« Il y a un véritable déni en France de la question des discrimina­tions raciales, en l’occurrence concernant l’islamophob­ie. »

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