Sang pour sang
Ces derniers temps, les réal isatrices ne nous épargnent pas. Coup sur coup, deux femmes s’approprient un terrain de jeux habituellement réservé aux hommes, en sortant des films ultra- violents, et en nous prouvant, au passage, que la réalisation n’a pas de sexe. Mais si Kathryn Bigelow nous avait soufflés avec Detroit, Lynne Ramsay nous déçoit avec A Beautiful day. Formellement, le film est impeccable et le cadrage, toujours tiré au cordeau. La mise en scène fait la part belle aux détails sensoriels, notamment aux sons : chaque bruit des rues de New York est exagéré, transformant la ville en menace perpétuelle et tranchant avec le silence du foyer maternel. Joaquin Phoenix promène sa masse impressionnante et muette entre ces deux univers, laissant ainsi éclore quelques moments de grâce. Mais ne vous fiez pas à la citation du Times, reprise en tête d’affiche, clamant que A
Beautiful day « est le Taxi driver du XXIe siècle » . Si Joe est une sorte de mercenaire, ancien soldat traumatisé par la guerre et un père brutal qui doit sauver une jeune fille d’un réseau pédophile, le lien avec le film de Scorsese s’arrête là. On ne retrouve ni la finesse de l’analyse sociétale du réalisateur américain, ni l’horreur corrosive et la psychologie fouillée de We need
to talk about Kevin, le précédent film de Lynne Ramsay. À la place, la réalisatrice multiplie les flashbacks répétitifs pour bien nous faire comprendre à quel point son héros a été traumatisé. A Beautiful
day semble n’être qu’un prétexte pour filmer la violence… Avec maestria. C. S.