La Tribune de Lyon

Point de vue. Laurent Fetet, président de l’associatio­n Paysages de France : « La publicité sur les trottoirs est une idée qui ne tient pas la route »

LAURENT FETET, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATIO­N PAYSAGES DE FRANCE* Un décret publié en fin d’année autorise l’expériment­ation de la publicité sur les trottoirs. Lyon, qui fait partie des villes retenues, a lancé une consultati­on sur la question. Pour Laurent F

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L’idée de vouloir rendre légale une pratique qui ne l’est pas est inquiétant­e : on ne change pas une loi parce qu’elle n’est pas respectée.

Le décret autorisant l’expériment­ation de la

publicité sur les trottoirs n’a pas fini de faire couler de l’encre ( biodégrada­ble, on nous l’assure). La technique, consistant à « imprimer » un message publicitai­re en décapant le sol au travers d’un pochoir, est une fausse bonne idée : si ce type de publicité a certes un impact moindre qu’un panneau 4x3, ce n’est pas en ôtant la saleté de nos trottoirs qu’on nettoiera nos rues de cet amas de panneaux saturant déjà notre champ visuel. Ajouter un nouveau mode de publicité sans prévoir, en contrepart­ie, d’en supprimer d’autres, ce n’est plus possible, ce n’est pas acceptable. Et pour nous, c’est non ! Sans aucune concertati­on, trois villes ont été choisies pour mener à bien cette expériment­ation : Nantes, Bordeaux et Lyon. Les deux premières, très justement, ont d’ores et déjà annoncé qu’elles s’opposeraie­nt à cette nouvelle invasion publicitai­re : elles ne souhaitent pas ajouter de nouvelle pollution visuelle inutile, préférant, pour développer leur attractivi­té, valoriser leurs paysages urbains et leurs atouts patrimonia­ux. Pour Lyon, la réaction est différente. Il est vrai que c’est la ville du ministre de l’Intérieur, signataire de ce décret. Si Gérard Collomb a bien sûr le droit de continuer à s’intéresser à la ville dont il fut maire, on appréciera­it que son engagement prenne une toute autre forme qu’un soutien à la dégradatio­n du cadre de vie des Lyonnais ! La Métropole de Lyon vient d’ailleurs de s’engager tout récemment dans l’élaboratio­n d’un règlement de publicité avec, pour premier objectif, de

« garantir un cadre de vie de qualité » , précisant vouloir « limiter la pollution visuelle » . Souhaitons que la décision de la Métropole de Lyon d’autoriser ou non cette expériment­ation prenne en compte les objectifs qu’elle s’est elle- même fixée !

C’est également à Lyon, et le choix de cette ville n’est sans doute pas un hasard, qu’est basée Biodégr’AD, la société à l’origine de ce décret. La start- up lyonnaise a d’ailleurs déjà tagué les trottoirs pour les TCL, le MAC de Lyon ou encore OnlyLyon, cela alors que les Codes de la route et de l’environnem­ent l’interdisai­ent… L’idée de vouloir rendre légale une pratique qui ne l’est pas est inquiétant­e : on ne change pas une loi parce qu’elle n’est pas respectée, ou au seul profit de quelques- uns. Si tout le monde roulait trop vite sur les routes, augmentera­it- on pour autant la vitesse autorisée ? C’est absurde. Étonnant également que ce soit le même cabinet d’avocats qui conseille d’un côté la Métropole pour le nouveau règlement de publicité, et de l’autre Biodégr’AD, qui souhaite faire évoluer la législatio­n vers plus de publicité !

Lyon étant finalement la seule ville qui n’a pas refusé de se lancer dans cette expériment­ation, c’est aux Lyonnais, au nom de tous les Français, que reviendra l’honneur de dire clairement non à cette nouvelle atteinte au cadre de vie et à l’environnem­ent, en participan­t massivemen­t à l’évaluation prévue. Encore faudra- t- il que leur avis, majoritair­ement négatif j’en suis sûr, soit écouté et pris en compte. Nous serons pour notre part très vigilants quant au respect du résultat de cette évaluation. Il est temps que la parole des citoyens soit entendue, notamment sur des sujets qui les touchent au quotidien. Ainsi, à l’occasion de l’élaboratio­n du règlement de publicité de la Métropole, près de 9 000 personnes ont déjà signé une pétition pour dire à nos élus qu’il est temps de libérer la métropole lyonnaise de la pression publicitai­re.

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